N° 1.998. 11e tsicice
Dimanche, 9 Hoiembre 1851.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARROXDISSEMEiYT.
Vires acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Nous avons donné le discours par lequel le
Roi a inauguré celte session. Tout le monde
aura apprécié que ce discours est sincère, mo
déré et conciliant, et qu'il renferme d excel
lents conseils, dont tout homme sincère et
dévoué son pays, doit désirer voir faire I ap
plication. Aussi ces parolesnous tenons le
constater, ont rencontré chez toutes les classes
de notre population de si vives sympathies que
tout autorisait croire qu'elles deviendraient
un drapeau devant lequel se désarmeraient bien
des haines et bien des rancunes.
Le Sénat vient de prouver que nous augurons
trop de sa modération son nremier acte est
aggressif et empreint d'un aveugle esprit de
parti mais par un désir de conciliation que
chacun appréciera, les membres libéraux du
Sénat n'avaient pas combattu la candidature de
M. Dumon-Dumortier la présidence; ils
n'avaient pas même opposé de candidats pour
les places de vices-présidents qui étaient vacan
tes: un seul des leurs faisait parti du bureau
comme secrétaire, et nos sénateurs cléricaux
<>dl répondu la courtoisie de leurs adversaires
en éliminant l'honorable M. le baron De Itoyer
Cet acte d intolérance a provoqué de la part de
MM. Vanschoor et comte de Marnix la dé
claration qu'ils n accepteraient plus la place de
cjuesleur, et nous espérons bien, quoiqu'ils
aient été réélus malgré eux, qu ils persisteront
dans une résolution qui prouve une fois de plus
que les hommesde nolreopinionont lesentimenl
de leur dignité Nous le disons encore, le parti
clérical a saisi la première occasion pour se
montrer tel qu'il est. exclusif, haineux et vin
dicatif nous doutons que cette première épreuve
lui fasse gagner en considération eten influence
Après sa nomination la présidence, M.
Dumon-Dumortier a prononcé les paroles
d'usage, et I honorable président ne veut rien
voir de politique, ni dans la loi sur les succes
sions, ni dans l'élection des membres du bu
reau aujourd'hui il professe les principes qu'il
a exprimés dans la dernière discussion qui a
eu lieu au Sénat D'abord nous demandons, s il
n'y a rien de politique dans la nomination du
bureau pourquoi M. Dumon et ses amis ont
éliminé l'honorable baron De Royer. M. Dumon
peut dire du reste qu'il professe les mêmes
principes que l'année dernière, mais par là il
confirme son apostasie, car la conduite qn il a
tenue l'année dernière est en opposition avec sa
vie entière, ses explications sont d'ailleurs pâles,
entortillées et elles déguisent mal son embar
ras; s'il n'était pas changé comme il semble
l insinuer, il lui suffisait de dire en un mot qu il
était libéral il ne l'a pas osé et il a bien fait
car le mot lui eut brûlé la bouche.
MADAME DE MIREMONT.
NOUVEL ACTE
D'INTOLÉRANCE CLÉRICALE.
Il n'est bruit en notre ville que du refus,
de la part du clergé, de célébrer un servie»
funèbre pour un honnête bourgeois de celte
ville, décédé subitement sans avoir pu rece
voir les secours spirituels de la Sainte Église.
Aucune démarche, aucune supplication de la
part de la famille n'ont pu faire lever celle es
pèce d'excommunication édictée contre un ca
davre. On ignore quels motifs ont pu être
allégués pour refuser un service religieux, ce
pendant on prétend qu'on a insinué que c elait
parce qu'un jour il avait refusé de justifier des
billets de Pâques et s'était opposé ce que le
prêtre vint fane chez lui le métier d'inquisiteur.
La famille a produit une pièce qui constatait
que le défunt, peu de temps avant sa mort
avait encore fait dire une ou plusieurs messes
et qu'il s'était confessé. Mais la décision élail
prise de faire du scandale et rien.n'a pu ébranler
le piètre qui a la mission de prêcher une reli
gion de paix et d'amour.
Tout ce que nous pouvons dire, c'est que de
pareil* actes sont des plus déplorables. Le clergé
se plaint de n'être ni aimé ni respecté. Mais
qui la faute Croit-il se faire chérir, en se mon
trant aussi intolérant Nous pouvons le dire
l acle posé par le clergé de notre ville est hau
tement regrettable et nous ne savons même
jusqu'à quel point, il a le droit de s'opposer ce
que le corps d'un défunt puisse être déposé en
l'église, pendant qu'un service religieux se cé
lèbre. Mais nous aimons croire que l'indigna
tion générale qui a accueilli cet acte d'intolé
rance, fera réfléchir le clergé, moins qu'il ne
veuille prendre tâche de se faire détester
encore plus cordialement.
Nos prêtres ne sont pas toujours sans défaut,
quelques-uns même peuvent avoir des vices,
que l'homme qui vit en société n'a aucun motif
de rendre publics. Mais quand le prêlre se
posera en inquisiteur rigide, rancunier et in
tolérant, alors la sociélé ne lui pardonnera rien
non plus, et la moindre petite vétille lui sera
reprochée comme un crime. Ori tâchera de
connaître ses allures, ses relations, et s'il donne
la plus légère prise la malignité publique, sa
considération sera amoindrie et son saint mi
nistère en souffrira.
Mais, répétons-le, nous aimons croire
qu on n'essayera plus de refuser le service fu
nèbre ceux qui en auront témoigné le désir
pendant leur existence, car des actes d'une
intolérance aussi odieuse, doivent avoir pour
effet de mécontenter profondément les hommes
sincèrement religieux, et de semer des germes
de baiue contre le clergé dans nos populations.
Ypres le 6 Noytinbtc 1851.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 30 c. Provinces. 4 francs.
INSERTIONS Annonces, la ligne 13 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes.
Ypres, 9 Novembre.
(sciti).
XIV.
Lesaecents qui avaient attiré tout-à-coup l'attention de
la vicomtesse, partaient de l'endroit le plus pittoresque
des rives du lac d'Aiguebelle, dont les beautés poétiques
jouissaient d'une certaine célébrité dans la contrée.
C'était une espèce de petit havre, formé par deux mas
sifs de saules s'avauçant circulairemeut dans les tlots, et
laissant leur point de jonction une eutrée qu'une barque
très-étroite pouvait seule franchir.
Le chant qui avait frappé les oreilles de la vicomtesse
et de Valérie, était une sorte de refrain sans paroles, que
nous comparerons ces préludes que les Tyroliens exé
cutent au début et la fin de leurs airs nationaux. L'ex
pression en était profondément mélancolique, et il était
impossible de se défendre d'une secrète sympathie pour
cette voix qui semblait l'écho d'une âme souffrante.
Après le refrain répété deux fois, il y eut un moment
de sileuce assez long pour que mademoiselle d'Avaujour
pût dire son amie
Quel malheur que ce soit déjà fini
Le chanteur se sera douté qu'on l'écoutait, répondit
]a vicomtesse; nous devrions peut-être, continua-t-elle
aussitôt, nous éloigner tout doucement pour l'engager
recommencer.
tmMmmaÊmmmjBmmmmammmmammiÊmmmmmmtmÊÊammiBBmammmmxamÊÊimaamaÊmkiF
Soupçonnez-vous qui ce peut-être? demanda Valérie.
Oui, mais ce suupçon est absurde.
Alors pourquoi l'avez-vous
Parce que l'esprit humain est ainsi fait, qu'il ac
cueille même ce que la raison repousse.
Puis-je savoir
Oh mon Dieu il n'y a pas de secret, interrompit
vivement madame de Miremonl; vous rirez mes dépens,
mais je vous le rendrai la première occasion.
Celte résolution et cettte gailé firent croire Valérie
que Yolande allait parler; cependant il n'en fut rien, et
après quelques secondes d'attente, mademoiselle d'Avau
jour dit
Eh bien ce soupçon absurde
Je pensais que si nous n'étions pas aussi loin de
Coûrcenay, celte voix pourrait bien être celle de Sirvan.
C'est singulier, repartit Valérie, j'ai eu la même idée,
et vous croyez que c'est impossible qu'il soit venu jusqu'ici.
C'est du inoins peu probable.
Vous m'avez cependant dit qu'autrefois il faisait
très-souvent ce trajet.
C'est vrai... mais jamais une heure aussi avancée.
Si c'était lui qui fût làfe soir, il serait obligé de passer la
nuit la belle étoile.
Ou de venir demander l'hospitalité au château.
C'est ce qu'il ne fera pas, ma chère Valérie sur ec
chapitre là je n'ai pas le inoindre doute.
Monsieur l'éditeur du Progrès
Pour clore la série des remarques que m'ont suggéré
les dernières élections communales, je vous prierai de
vouloir bien accueillir une dernière réflexion propos
d'une particularité ressortant de la soirée de mardi, et
qui, je crois, ne sera pas la moins instructive.
11 y a longtemps, et jusqu'à ces derniers jours encore,
la presse honnête d'Ypres, représentée par le Propagateur
cl son ignoble.doublure la Communeédifiait, deux fois
par semaine, ses béats lecteurs par uu spectacle étrange.
Constamment battus, depuis plus de quinze ans, dans
toutes les élections communales; méprisés, conspués par
l'opinion publique, ces pauvres journaux hélas! tristes
retours des choses d'ici-bas s'agitaient, consternés,
dans un cercle fatal. Tout paraissait perdu; ils ne savaient
plus quel saint #c vouer eux les catholiques par
excellence quand, un jour, une inspiration, qui ne
leur vint pas du ciel, les transporta soudain d'une sainte
ardeur, toute nouvelle. Aux grands maux, les grands
remèdes, s'écrièrent en chœur liazile et son allié Ber
trand, et nous les tenons.
J'aurais bien envie de vous demander pourquoi il
s'est montré si dévoué, si soumis quand vous avez réclamé
de lui le sacrifice qu'il vous a fait, et pourquoi vous avez
l'air de douter maintenant de son affection.
Au lieu de répondre Valérie, madame de Miremont
ordonna son rauicur de remettre la barque en mouve
ment, mais sans lui imprimer une grande vitesse et en se
rapprochant toujours du rivage.
Cette manœuvre eut un succès inespéré. A peine la
barque eut-elle, dépassé le second massif de saules, que
bise apporta un nouveau prélude; il fut aussitôt suivi
d'un nouvel ordre d'arrêter.
Cette lois le chanteur, soit qu'il ne se crut pas écoulé,
soit qu'il eût pris son parti de l'être, ne s'interrompit plus,
et son prélude terminé, il commença d'une voix plus
ferme, mais toujours mélancolique, la ballade qu'en va lire:
C'est moi qui garde la tourelle
D'Alice, noble damoisellc
Je suis son nain, sou pauvre nain
Qui gémit lorsque uail l'aurore,
El que le soir retrouve encore
L'œil humide et le Iront chagrin.
La nature pour moi marâtre,
Me jeta difforme et .souffrant,
De In chaumière d un vieux pâtre
Sur le seuil du palais d un grand.