JOURNAL D'YPRES ET DE L'A R ROY DlSSEMEiYT.
L'INFANTE.
Chronique locale.
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M» 1,244. If Ann$e.
Dimanche, 3
1853.
Vires acquint eundo.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50c. Provinces,4francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 30 centimes.
Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
etre adressé a 1 éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
(Société de l'Union libérale
DE L'ARRONDISSEMENT D'Y PRES".
MM. lcs%iembres de l'association sont prévenus que
la dernière réunion mensuelle est fixée au Mardi, 5 Avril
1853, six heures de relevée, l'estaminet l'Aigle d'or,
Grand'Place. Il sera procédé au renouvellement triennal
des membres de la commission.
pour le comité:
le président,
le secrétaire, CARTON.
Er.\. IlERGnELTXCk.
Ypbeh, 3 Avril.
Les agents tonsurés et non tonsurés du
clergé, non-seulement ne se contentent plus de
calomnier et d'injurier les libéraux, mais ils
essayent de se soustraire aux inconvénients que
^^eur tactique odieuse et inique leur attire. Ils
preieudent se placer dans une sphère qui les
mette l'abri de la loi du talion et ces pieux
spadassins de plume se rebiffent du moment
que la presse libérale daigne s'occuper de
leurs benoites allures. Le Messager de Gand
l'occasion d'un procès de presse qui a été
porté devant le jury de la Flandre occidentale,
résume, en quelques traits spirituels, la mora
lité de celte persécution judiciaire.
Le résultat personnel du procès intenté au
Brugsche F"rye nous est parfaitement indifférent.
Mais nous tenons beaucoup sa signification et
cette signification est ceci Vous vous révoltez
contre l'injure et elle déborde votre plume, vous
professez l'horreur de la calomnie et vous vivez
de ce meurtre moral. Bazile faisant un procès
contre sa doctrine, c'est fort drôle. Mais votre sort
émeut fort peu le pays qui voit avec beaucoup
d'indifférence qu'on se permette quelque chose
contre ceux qui se permettent tout. Aussi Félon-
nement étonnant de ceux qui ne conçoivent pas
qu'on ose réagir contre eux, c'est l'éternelle his-
toire de ces insolents doublés d'un imbécile et qui
lorsque d'après le proverbe, on leur rend la mon-
naie de leur pièce, vous répondent avec une in-
i» qualifiable surprise Mais, Monsieur, vous n'êtes
pas poli
Qui se permet tout, doit s'attendre tout, et le
diable en rit.
Voilà la moralité de la fable.
d'autres usages qu'à la lecture. C'est un aveu
indirect du dégoût qu'il inspire et du mépris avec
lequel il est accueilli par l'opinion publique.
Mais en se plaçant un autre point de vue, les
journaux libéraux se plaignent-ils de ce qu'on
en défend la lecture dans les confessionnaux et
que le haut clergé fulmine des mandements
contre eux? 11 s'en faut de beaucoup, car
malgré toutes les menaces et les persécutions
du clergé, les feuilles libérales sont lues et elles
jouissent de la sympathie publique. Comment
se fait-il que les carrés de papier du clérica
lisme soient traités comme du sale papier et
que les feuilles libérales, entourées de la faveur
publique, jouissent de la considération qui est
refusée la presse cléricale? D'ailleurs, faute
d'être appréciés leur haute valeur, les jour
naux épiscopaux se glorifient eux-mêmes et ils
jouissent du patronage du clergé qui, pour
leur faire plaisir, prêche et fulmine contre leurs
adversaires.
Toutefois bien considérer les choses, défen
dre la lecture d'un journal n'est-ce pas le sup
primer moralement et s'il en est ainsi, de quoi
se plaint donc la presse cléricale?
On sait que la ligne du chemin de fer de
Wervicq Courtrai n'est pas encore en relation
directe avec l'administration du railway de
létal. Il parait que jusqu'ici le gouvernement
a refusé sous ce rapport, la compagnie, ce
qu'il accorde sans peine toutes les autres;
pourquoi ces deux poids, ces deux mesures?
Nous l'ignorons, mais ce qui est certain c'est
que des plaintes surgissent de toutes parts, c'est
que le voyage d Y près vers l'intérieur du pays
est beaucoup plus ennuyeux, qu'avant l'exploi
tation de la ligne de Wervicq, c'est qu'une
grande quantité de matières pondéreu6es qui
devaient arriver Menin, et de là Ypres par
le chemin de l'état et de la compagnie, arrivera
par eau dans quelques semaines c'est enfin que
la somme payer par l'état pour garantie de
minimum d'intérêt, sera d'autant plus élevée
que le mouvement sur la nouvelle ligne sera
moindre.
UYperling et la Patrie de Brugesdonnent
une nouvelle édition des lamentations de Jéré-
mie, pareeque le petit journal flamand serf
II.
(sum.)
Les duègnes lui firent une seconde révérence et mar
chèrent devant elle. Dona Luisa les suivit d'un pas ferme;
mais mesure qu'elle avançait, son regard troublé ne
distinguait plus que des lueurs vacillantes travers de
grandes ombres; il lui semblait que les dalles de la galerie
fuyaient sous ses pas et qu'un abime s'ouvrait devant elle;
un long bourdonnement résonnait son oreille comme si
toutes les cloches du couvent eussent tinté la fois. Elle
ferma les yeux; sou cœur battait avec une violence iné
gale, et elle se sentit défaillir lorsque, après avoir tra
versé une chambre où il n'y avait absolument personne,
les dames qui l'accompagnaient s'arrêtèrent. L'une d'elles
dit voix basse en lui désignant une petite porte
Entrez seule, madame, c'est l'ordre du roi.
Dona Luisa pae«R instinctivement le seuil; la portière
retomba derrière elle en frôlant ses cheveux; elle resta
immobile et droite en face de Philippe II. Il avait jeté un
regard oblique et rapide du côté de la porte.
On se demande généralement pourquoi, dans
un moment où presque tous nos ouvriers émi-
grent en France, faute de travail, la compagnie
du chemin de fer et l'autorité communale ne
commencent pas les travaux de la station du
chemin de fer Nous avons pris des renseigne
ments et nous avons appris que l'autorité com
munale et la compagnie sont en mesure de
tneltre la main l'œuvre, mais que le gouver
nement est en retard de mettre la disposition
de la compagnie et de la ville les terrains des
fortifications sur lesquels les travaux doivent
être exécutés.
Il serait désirer qu'une prompte décision
pût être enfin prise et que le ministère de con
ciliation et d'affairesque la Belgique a le
bonheur de posséder, voulut bien enfin conci
lier les intérêts du domaine et les intérêts
généraux de notre arrondissementen termi
nant une affaire qui, entre particuliers désireux
de conciliation, recevrait, en moins d'une heure,
une solution définitive.
On nous assure que la majeure partie de la
garnison de Menin a reçu l'ordre de quitter
celte ville. D'après les uns, le démantèlement de
cette place, d'après les autres, le typhus qui
isévissait avec une assez grande intensité aurait
"motivé cette mesure. La garnison de Menin
était d'un bataillon, elle se trouve réduite
deux compagnies, nous dit-on. Le reste des
hommes valides a été dirigé sur Tournayles
hommes atteints du typhus, sur notre ville. Il
nous paraît qu'en cette circonstance, le gou
vernement aurait bien pu, s'il avait ed la moin
dre bienveillance pour «otre ville, nous envoyer,
outre les malades, les hommes bien portants,
car l'état sanitaire de notre petite garnison est
parfait.
Asseyez-vous, dona Luisa, dit-il sans relever la tête.
A celte voix, elle sortit tout coup de son abattement;
le sentiment de sa situation lui revint; les battements de
son cœur s'apaisèrent, et au bout de quelques moments
elle regarda autour d'elle d'un œil rassuré. Elle était seule
avec le roi. Il lisait accoudé sur une petite table couverte
de dépêches; un chandelier d'argent plusieurs branches
jetait une vive lumière sur ses mains blanches comme
celles d'une femme; et son visage demeurait demi cache
dans l'ombre d'un abat-jour qui amortissait l'éclat des
bougies. Philippe II avait alors cinquante-trois ans; il
était usé par le travail, par le poids immense du pouvoir;
pourtant il conservait quelques-uns des avantages de sa
jeunesse. Sa taille était encore agile et souple; ses traits,
sillonnes de rides précoces, avaient une pâleur animée,
ses cheveux étaient rares; mais comme ceux de son père
Charles-Quint, ils conservaient, malgré l'âge, leur nuance
d'un blond équivoque. Sa physionomie était empreinte
d'une majesté calme qui imposait le respect; son regard
«tait froid, terne, profond, et celui sur lequel il se levait
le soutenait difficilement. En ce moment, il semblait
absorbé dans la lecture ji'une volumineuse correspon-
i dance ouverte devant lui cl dont il relevait les dates une
Depuis le commeucement de cette année le
nombre de mariages contractés en notre ville,
n'a été que de 8 ou 9. Les années antérieures
nous avions enregistrer la 4e page de notre
journal et durant le lr trimestre, de 28 35
mariages en moyenne. Celte différence énorme
provient très-probablement de ce que les deux
tiers au moins de nos ouvriers célibataires ont
quitté la ville pour aller chercher en France du
travail et du pain, qui leur manque complèle-
rneot ici depuis que le départ de notre garnison,
sans parler du déplacement des dépôts, est
une. Dona Luisa eu le temps d'examiner ce visage
impassible sur lequel il semblait que nulle impression de
l'âme ne pût se refléter; puis comme effrayée de son im
mobilité, elle détourna la vue, regarda le prie-Dieu, le
Christ de grandeur naturelle et les autres ornements qui
faisaient rassembler le cabinet du roi une chapelle;
plusieurs tableaux représentant des sujets tirés de la
légende, couvraient les murs; parmi ces saints solitaires,
ces saintes martyresdona Luisa reconnut avec étonne-
ment trois portraits de femme d'une beauté vivante; ces
tètes, dont deux portaient une couronne royale, sem
blaient sortir du cadre et abaisser leur regard sur
Philippe II.
Rien n'interrompait le silence de ce singulier tête-à-
tête; les bruits du dehors n'arrivaient pas dans ce lieu
retiré, travers la solitude des pièces qui le précédaient et
les épaisses tentures baissées devant les portes; longtemps
dona Luisa n'entendit que le balancement régulier de
l'horloge et le frôlement des papiers que le roi parcou
rait d'un coup d'oeil et amoncelait devant lui. Enfin, il
releva la tête et dit en cherchant du regard dans l'ombre
projetée par l'abat-jour
i Approchez, dona Luisa.