Dimanche, 8 Mi
1,254. 15' Année
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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Vires acquirit eundo.
Tpkes, 7 Mal.
Chronique locale.
ET LES PETITS CHINOIS.
L'INFANTE.
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ABONNEMENTS: Ypnes (franco), paV trimestre, a francs 50c.Provinces,4francs.
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Jeudi defnier, vers deux heures du matin,
un incendie qui, dans des proportions restrein
tes, menaçait tout un quartier de ruine, a
éclaté rue de Lille, dans l'enclos de la fonderie
de suif et fabrique de chandelles de M. Dumor-
tier-De Coene. Un bâtiment, rez-de-chaussée
et étage, était devenu la proie des flammes.
C'était un magasin où se trouvait du petit bois
et des copeaux, mais attenant la fonderie de
suif, où se trouvaient des quantités assez fortes
de matières très-çombustibies.
Des- secours ont été immédiatement donnés
par|ps voisins et bientôt après la cloche d'a
larme de l'église S' Pierre a sonné. Le guet la
tour de la cathédrale n'a pu signaler ce sinistre,
la tour de l'église S' Pierre interceptant la vue
du bâtiment en feu. Les pompiers sont arrivés
vers deux heures et demie et le feu avait déjà fait
de tels progrès que tout le magasin était presque
consumé. Mais par un travail actif et bien
ordonné, ils ont concentré immédiatement l'é
lément destructeur et étouffé l'incendie dans le
bâtiment où il a pris naissance, sans que d'au
tres constructions aient été entamées et eeta en
fort peu de temps.
La maison de M. Dùmortier-De Coene n'était
pas assuçée et les dégâts occasionnés par ce
sinistre bien que minimes comparativement aux
dangers qu'ont couru les habitations voisines,
ne s'élèvent qu'à environ douze cents francs.
Nous devons encore, en cette occasion, rendre
hommage au zèle et l'activité de nos sapeurs-
pompiers. Réellement c'est un corps qui rend
des services bien utiles la ville d'Ypres, car
voilà depuis cinq ans, quatre incendies consi
dérables qui ont éclaté dans les murs de notre
cité, après avoir été trente-cinq ans sans que le
moindre petit sinistre soit venu effrayer nos
concitoyens.
Le matériel des pompes a été trouvé encore
une fois dans un excellent état de conservation,
et si une observation critique peut être hasar
dée, c'est que l'action de la police, dans le
mode d'organiser les secours pendant l'incen
die, ne se fait pas assez sentir.
Sous ce titre, on nous adresse la lettre
suivante
Monsieur l'éditeur,
La mission la plus utile d'une feuille périodique
doit être de porter la connaissance de tous, les
faits les plus remarquables qui se passent sur notre
globe et, ce litre, permettez-moi de dérober quel
que place dans vos colonnes pour raconter, l'oc
casion d'un fait singulier, qui a figuré dans les
journaux les plus sérieux, une scène assez drolatique.
Ce fait est la table mooingphénomène que l'Amé
rique ingénieuse a constaté, dont la savante Alle
magne s'est emparée et qu'elle appelle tischriicken.
Des hommes sérieux et instruits, des savants en un
mot, qui ont été témoins de cette merveille, croient
peine sa réalité, tellement ce lait semble échap
per toute explication. Les gens du monde et les
ignorants se contentent de le nier, parce qu'ils ne
peuvent l'expliquer; mais l'ont-ils essayé par eux-
mêmes; possèdent-ils les connaissances nécessaires
pour en porter un jugement N'est-ce pas le cas de
dire que l'ignorance est la source de l'incrédulité?
Comme je m'occupe un peu de magnétisme,
j'obtiens quelquefois des effets surprenants; derniè
rement encore, un sujet (vous savez qu'on nomme
ainsi une personne magnétisée) «s'a donné des preu
ves d'une lucidité remarquable, car peine m'étais-
je mis en rapport avec lui, qu'il entra dans un état
complet de somnambulisme. Voici ce qu'il me
raconta, je le laisse parler lui-même
Je me trouve, dit-il, dans le salon d'un bel et
spacieux hôtel; j'y aperçois quelques hommes
béats, habillés de noir, beaucoup de dames d'une
piété exemplaire, des protecteurs de congréga
tions, un grand nombre d'autres personues d'un
âge mûr, dont le principal mérite consiste se
laisser dominer et soutirer leurs écus par des
malins, enfin des jeunes gens des deux sexes et du
genre moutounier.
Que font là ces personnes, lui demandai-je
Ah elles sont groupées autour d'une table, dans
l'espoir de la faire danser, tenez, elles font la
chaine, non pas comme le prescrit la brochure
intéressante publiée par MM. Mayer et Fiattau,
par la juxla-posilion des mains, mais chose étou-
nante, ce sont des pièces de vingt-cinq francs, de
vingt, de cinq, de deux et même d'un franc,
rangées en cercle les unes côté des autres, de
manière cependant que les plus hautes en valeur
se trouvent vis-à-vis des hommes habillés do
noir.
Que s'y passe-t-il maintenant? En attendant
le résultat de l'expérience, l'on se regarde, les uns
avec une malice punique, les autres avec une sou-
mission aveugle. Pendant plus d'une heure, on ne
voit aucun mouvement se produire la table; la
i> compagnie perd patience, elle veut se retirer et
chacun se dispose reprendre sa mise, l'excep-
tion des hommes habillés de noir qui n'avaient
rien reprendre, parce qu'en toute circonstanco
ils ont soin de ne jamais exposer ce vil métal.
Après un moment de silence, écoutez mainte-
nant, dit-il, écoutez prodige un craquement
épouvantable se fait entendre dans le bois de la
table, craquement pareil celui que produisit la
boîte de Pandore au moment où tous les maux
s'en échappèrent. Tenez, regardez, la table se met
danser d'une manière frénétique. Mais que
vois-je, grand Dieu qu'est-ce que cette nuée de
myrmidons, qui sortent du milieu de la table?
Ah je les reconnais leur conformation; ce sont
de petits Chinois, bien petits, bien petits. Voyez
quels mou vements ils se donnent ils cherchent
saisir la chaîne métallique qui a provoqué leur
apparition
Là, mon somnambule se tût pendant quelques
minutes et comme je l'engageai de continuer, je ne
vois plus rien, me répondit-il.
Cependant je cherchai lui rendre sa clair
voyance, afin d'en obtenir de plus amples détails. A
cet effet, je lui fis quelques passes, en lui ordonnant
de concentrer toute son attention. A peine mon
fluide eût-il pénétré dans le système nerveux du
sujet, qu'il s'écria Ah, monsieur, que cela est
drôle! tenez, un nouveau craquement se fait
entendre; c'est un vrai tour de magie noire; les
petits Chinois ne sont que des fantômes et malgré
tous leurs efforts, ils ne peuvent saisir la chaîne
métallique; tenez, en ce moment et cela avec la
rapidité de l'éclair, ils disparaissent d'un côté; les
h hommes habillés de noir et la chaine métal-
lique, disparaissent de l'autre, et le reste de l'as
semblée, confondu, mystifié et dupé, quitte le
salon pour ne plus y rentrer.
Ici se termina l'expérience faite sur mon sujet,
que j'eus bientôt réveillé.
Je laisse votre perspicacité, M. l'éditeur, juger
si vous trouvez dans cette scène magnétique quelque
chose de surnaturel voire même de diabolique, ou
bien si vous y découvrez l'homme double des anciens.
Agréez, etc. un de vos abonnés.
IV.
(suite.)
En ce moment, les fanfares et les acclamations s'èlc-
vèrent plus bruyantes la porte du monastère; le cri de
viva Espagna y Portugal retentit jusque sous les voûtes
du cloître. Philippe II se tourna vers les fenêtres en
disant Le peuple se réjouit d'une de ces victoires qui
décident du sort des États...
Dona Luisa frémit. L'armée portugaise ne rendra
pas Lisbonne, dit-elle impétueusement. Sire, vous êtes
le maître de quelques villes que la trahison vous livrées;
mais tous n'imiteront pas la lâcheté du duc de Bragance.
Celte guerre sera longue, et qui sait comment elle peut
finir?...
Elle est finie, répondit froidement Philippe II; nous
avons pris Lisbonne; je suis roi de Portugal.
Mon père est mort 1 s'écria dona Luisa avec un
long gémissement.
Il vit encore.
Alors, sire, il est votre prisonnier
Le roi ne répondit pas; il contemplait, recueilli dans
ses pensées d'orgeuil cl de bonheur, cette belle jeune fille
dont le sort était entre ses mains; qu'il pouvait d'un seul
mol ensevelir au fond d'un cloître ou mettre sur le pre
mier trône du monde.
Sire, reprit dona Luisa, renvoyez-moi vers mon
père; ordonnez qu'on nous enferme dans la même prison.
Vous venez de m'assurer de votre bonne volonté; accor-
dez-inoi celte grâce, la seule que je vous demande, la
seule que je veuille recevoir de votre majesté.
Voilà une parole bien fière, dit le roi avec quelque
ironie, mais sans aucun mécontentement. La grâce que
vous nous demandez est véritablement hors de notre
pouvoir don Antonio n'est pas notre prisonnier, il ne
s'est pas fait tuer sous les murs de Lisbonne; il a fui.
Quiconque a fait un semblable rapport votre
majesté en a menti interrompit dona Luisa. Vous n'avez
pu croire, sire, une action si lâche. Il ne s'agit plus
ici des droits que vous attaquez ni du rang de celui qu'on
outrage; il s'agit de l'honneur d'un soldat les soldats
portugais ne fuient pas et ne demandent jamais quartier.
Don Antonio a disparu pendant la bataille et on ne
l'a pas trouvé parmi les morts.
Sa destinée sera-t-elle donc semblable celle de
don Sébastien murmura dona Luisa devenue tremblante;
et la question qu'elle eût voulu adresser au roi resta sur
ses lèvres. 11 la comprit pourtant, et il dit, comme s'il
eût répondu sa pensée
L'imposteur qui avait osé se montrer sous le nont
de don Sébastien a échappé aux gens que nous avions
envoyés pour faire prompte et bonne justice de ses four
beries; quelque soin qu'on ait pris, nul n'a pu découvrir
sa condition ni ce qu'il est devenu.
Le cœur de dona Luisa cessa un moment de battre;
elle sentit s'évanouir la fois son espoir et ses craintes;
elle crut qu'un fantôme, une illusion de ses sens l'avaient
abusée la tombe qu'elle avait vue ouverte venait de se
refermer. Les autres affections qui lui restaient en ce
monde ne pouvaient la consoler, et pourtant elles se
réveillèrent plus vives au milieu de cette profonde afflic
tion. Dona Luisa, le regard morne et levé au ciel, sem
blait avoir oublié la présence du roi; son esprit avait
franchi l'espace qui la séparait de ceux qu'elle aimait, et
elle murmura, dans l'amertume de sa douleur et de son
isolement
Hélas Isabelle
Qu'est-ce dit Philippe II. Vous parlez de la jeune
duchesse d'Avero
Ah sire, je serais moins plaindre si elle était près
de moi s'écria dona Luisa, subitement revenue aux
terribles réalités de sa position, et près de descendre
la prière pour obtenir la seule consolation qu'elle entrevit
dans son malheur.
Le roi ne répondit pas; il prit la plume, écrivit une
ligne, et sonna un page auquel il remit ce papier, après