JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 1,288, 13* Année.
4 Septembre 1853.
Vires acquint eundo.
LA FAMILLE HOLLANDAISE.
r -
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Apres, 3 Septembre.
Fêtes de Poperiughe.
Les fêtes de Poperinghe ont éprouvé une
double contrariété: le mauvais temps et l'ab
sence de M. le Gouverneur, qui n'a pu quitter
Bruges par suile de l'arrivée du Roi en cette
ville; malgré cla, uneaffluence considérable de
monde était accourue de toute part, et nous
pouvons dire que rarement celte ville a offert
un aspect plus riant et plus animé.
Dimanche dernier, onze musiques s'y étaient
donné rendez-vous pour prendre part au fes
tival, savoir celle deWormhout, Haverskerque,
Isenberglie, Steenvoorde, Rousbrugge, Oosl-
vleteren, Caeslre, Furnes, Hondschoote, Ypres
et Dixmude. Heureusement, dans l'après-diner,
un temps passable a permis, cette partie de la
fête, de se passer sans pluie; il nous serait
impossible d'analyser une une toutes les pièces
de musique qui ont été exécutées; disons que
les musiques de Caestre, de Steenvoorde et de
Furnes ont bien joué, que celle d'Hazebrouck
s'est distinguée par le fini de son exécution, et
enfin que notre bonne musique du corps des
Pompiers a justifié la haute réputation qu'elle
s'est acquise. Jamais nous ne l'avons entendu
jouer avec plus de précision et d'ensemble
qu'elle n'en a apporté dans l'exécution du
pot-pourri du Prophèteaussi nous pouvons
dire sans crainte de froisser personue, qu'elle a
recueilli les honneurs de celte fêle.
La médaille de belle tenue a été accordée
ex cequo, notre musique des Pompiers et la
musique de Hazebrouck qui portail un uniforme
très-frais de l'ancienne garde nationale. Le prix
d éloignement a été remporté par la société de
Haverskerque.
Nous ne pouvons nous empêcher de parler
d'uue nouvelle estrade qui a élé construite
celte occasion sur la Grand'Place cette con
struction est d'un goût exquis et nous ne pou
vons que féliciter M. l'architecte Maerlens, que
nous croyons en être l'auteur.
Cette fêle s'est terminée 11 heures. Mais ce
n'est pas tout: immédiatement après toute la
(SUITE.)
Quand M. Van Amberg sortit au commencement du
jour de la chambre de sa femme, son visage avait repris
l'expression quilui était habituelle; sa nature, un moment
ébranlée, s'était domptée elle-même et retrouvait son
niveau. Annunciata avait emporté dans la tombe le der
nier cri d'amour, la dernière larme de ce cœur d'airain.
Il reparut aux yeux de tous comme le maître, comme le
père inflexible, comme l'homme sur le front duquel nul
chagrin ne laissait de trace. Ses filles s'inclinèrent sur son
passage, Guillaume ne lui adressa pas la parole; l'ordre
et la régularité revinrent dans la maison. Annunciaia fut
emportée sans bruit, sans cortège. Elle sortit, pour n'y
plus revenir, de cette triste demeure où sa pauvre âme
en peine s'était agitée jusqu'à la mort; elle cessa de vivre
comme un son ccssedese faire entendre, comme un nuage
passe, comme une fleur se fane; rien ne s'arrêta parce
qu'elle n'était plus. Si on la pleurait, on la pleurait tout
bas; si on pensait elle, on ne le disait (tas son nom
n'était plus prononcé; seulement un peu plus de silence
régnait dans l'intérieur de la petite maison rouge, et le
regard de M. Van Amberg paraissait tous plus rigide
encore qu'auparavant.
La douleur profonde de Christine obéissait le jour la
volonté de fer qui pesait sur tous les membres de la
famille; la pauvre enfant se faisait, travaillait, se mettait
foule s'est portée àuu bal qui avait élé organisé
l'Hôtel—de—ville par les soins de la société de
musique. Jamais la ville de Poperiughe n'a vu
une fête plus brillante; nous y avons vu M.
Vauden Peereboom, commandant de nos Pom
piers, M. Brunfaut, lieutenant au même corps,
M. Van Renynghebourgmestre, MAI. Berlen
et H. Van Renynghe, écbevins, MM.'Van Nlerris
et Del.buf, officiers au corps des Pompiers de
Poperiughe, et un grand nombre de personnes
notables de la ville; aussi les danses se sont
prolongées jusqu'à 4 heures du malin et la plus
franche cordialité n'a cessé ue régner.
Le lendemain, la fête ne devait être ni moins
brillante ni moins animée la plupart des mu
siques étaient restées en ville pour y assister;
malheureusement le temps ne fut pas favorable;
vers 10 heures la distribution des médailles
fut faite aux différents corps de musique sur
l'estrade placée au milieu de la Grand'Place,
et immédiatement après il tomba une pluie
battante, qui dura jusque bien avant dans la
soirée.
Nonobstant ce contretemps, l'on résolut de
procéder l'inauguration ue la route construite
éntre cette ville cl la commune d'OoslvIelereu;
M. le commissaire d'arrondissement était venu
présidera celte solennité, en l'absence de M. le
Gouverneur, et MM. les représentants Alph.
Variden Peereboom et Jules Malou avaient égale
ment répondu l'invitation qui leur avait été
faite.Vers3 heures, toutes lesautorités arrivèrent
l'Hôtel-de-ville, et précédées de toutes les so
ciétés et du corps de Sapeurs-Pompiers, ils se
rendirent l'entrée de la roule, où un magni
fique arc de triomphe avait été dtessé.
Là M. le bourgmestre expose en quelques
paroles bien senties, tous les avantages que celte
roule doit procurer la ville de Poperiughe,
et il exprime ses remercîmenls M. le Gouver
neur dont il regrette l'absence, ainsi qu'à M. le
commissaire d'arrondissement, pour la coopé
ration, l'appui que ces fonctionnaires ont ac
cordé en faveur de celle route, qui, réclamée
depuis plus d'un demi-siècle, a enfin été exé-
table; elle continuait la vie comme si son cœur n'eût
pas été brisé; mais la nuit, quand elle était seule dans
celte petite chambre où sa mère si souvent était venue
pleurer avec elle, elle gémissait et laissait un libre cours
tout ce qu'elle avait refoulé au fond de son cœur pen
dant une insupportalde journée; elle appelait sa mère,
lui parlait, lui tendait les liras; elle eût voulu quitter ce
monde pour la suivre au ciel; elle lui disait
Venez me prendre, ma mère Loin de vous, loin
de lui, je n'ui que faire de vivre, et je n'ai plus peur de
la mort depuis que je vous ai vue mourir.
Elle passait, les nuits entières regarder le ciel; elle y
cherchait Annunciata dans la lueur des étoiles, dans les
rayons de la lune; elle croyait que sa mère allait lui
apparaître, et qu'il n'était pas possible qu'elle l'eût vue
pour la dernière fois. Elle prêtait l'oreille quand il se
faisait un grand silence, espérant que la douce voix tant
amiéed'Anminciata allait se faire entendre. Si une feuille
remuait sous le vent, son cœur battait l'étouffer. La
voilà disait-elle; mais non, le ciel gardait l'à.ne qui
s'était envolée vers lui sa voûte immense s'était refer
mée sur elle; nulle ombre ne descendait vers la terre, cl
nulle voix ne venait, comme un chant céleste, suspendre
le silence de la nuit.
Depuis la mort d'Annunciataon laissait Christine
libre. Peut-être M. Van Amberg avail-il pensé avec raison,'
que Christine ne ferait rien de sa liberté pendant ces',
premiers jours de deuil, peut-être devant les cendres
cutée par le ministère précédent. Ce discours
a été accueilli aux cris de Vive le Roi Vive M.
le Gouverneur! Vive M. le Commissaire!
M. Carton, après avoir remercié M- le bourg
mestre des paroles bienveillantes qu'il a bien
voulu lui adresser, a rappelé qu'il y a quatre
ans peine, la réception de l'honorable Gou
verneur, ce haut fonctionnaire avait promis
son concours actif pour la roule en question
et qu'aujourd'hui cette roule était un fait ac
compli, qu'aujourd'hui comme alors il appar
tenait une voix plus éloquente que la sienne,
de présider celte fête et de remercier, ail nom
du Gouverneur, l'autorité locale de l'operinglie,
de sa coopération pour parvenir l'exécution
de celte route; mais soyez sûr, ajoute ce fonc
tionnaire, qu'il a fallu une circonstance aussi
solennelle et aussi impérieuse que l'arrivée
Bruges de notre bien-aimé Roi, pour priver
l'honorable chef de la province de revoir une
ville laquelle l'attachent tout la fois des
souvenirs dejfamille et l'accueil si sympathique
et si cordial que vous lui avez fait en 1849; en
l'absence de ce haut fonctionnaire, M. le com
missaire demande pouvoir ajouter quelques
mots au sujet de la nouvelle route et après
avoir prouvé tous les avantages qu'elle présente
et pour les marchés de Poperiughe et pour la
station de son chemin de fer, il ajoute
Si je tiens constater ce résultat, ce n'est pas
que je veuille y voir l'œuvre exclusive d'une
auloritéquelconque, j'aime reconnaître que c'est
i> aux efforts de beaucoup d'entre vous, que c'est
i» l'active coopération de la commune, de la pro-
vince et du gouvernement, qu'est due l'exécution
si prompte de votre route.
Que cet exemple nous guide pour l'avenir, con-
tinuons nous accorder une mutuelle confiance,
nous prêter un loyal concours et nous parvien-
a drons bientôt réaliser tous ces grands travaux
qui intéressent si vivement la prospérité agricole
et industrielle de notre arrondissement.
Dans cette œuvre, comptez sur ma coopération
et croyez que pour récompense de mes efforts je
serai toujours heureux, M. le bourgmestre, d'en-
tendre des paroles aussi bien veillantes que celles
que vous venez d'exprimer.
chaudes encore de sa femme avait-il hésité recommencer
Taule qui lui avait fait verser tant de larmes. Quel qu'en
fût le motif, Christine était libre, en apparence du moins.
Les trois sœurs, en grand deuil, ne songeaient point
franchir le seuil de leur demeure; elles travaillaient tout
le jour, près de la fenêtre basse du parloir, soupaient
avec leur oncle et leur père, puis remontaient dans leurs
chambres. Mais, pendant les longues heures d'un travail
silencieuxChristine songeait son ami, elle n'osait pas
tenter déjà de le revoir, elle eût cru entendre la voix de
sa mère murmurer son oreille Ma fille, il est trop
tôt pour être heureuse pleure-moi encore seule et sans
consolation. Elle pensait bien qu'Herbert savait son
malheur, et Herbert devait comprendre qu'il est des
douleurs qu'il faut garder entières, et autour desquelles
tout doit faire silence dans la vie. Christine était donc
entièrement soumise la volonté qui réglait l'emploi de
chaque heure delà journée;elle était, comme Wilhelmine
et Maria, immobile et appliquée l'ouvrage. A voir ces
trois jeunes filles travaillant, sans parler, avec une
infatigable constance, nul n'eut pu se douter que leurs
cœurs battaient bien différemment, que mille pensées se
cachaient sous un de ces jeunes fronts, qu'une de ces
âmes étouffait comme une captive dans cette atmosphère
de silence et de froide monotonie.
Un matin, après une nuit de larmes, Christine s'était
endormie de fatigue. Des vèves pleins de trouble lèver
aient ses pensées; tantôt sa mère la prenait dans ses