JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
N° 1,993. 13e Année.
Jeudi, 99 Septembre
1853.
Vires acquirit eundo.
LA FAMILLE HOLLANDAISE.
i|8ï4
e: ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 30 c. Provinces,4 francs.
INSERTIONS Annonces, la ligne 13 centimes. Réclames, la ligne 50 centimes.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tpbes, 21 Septembre.
Nous trouvons dans la correspondance heb
domadaire du Journal de Liègeun résumé des
tentatives de l'épiscopat aidé et soutenu par
les Jésuitespour énerver l'autorité laïque
depuis le commencement du XIXe siècle. Ce
tableau est saisissant de vérité et d'exactitude
Depuis i8i5, la poursuite de ce but n'a pas cessé.
L'Empire, le clergé ne les comprenait pas. 11 l'a
maudit, haï, miné, ne semblant pas s'apercevoir qu'il
y avait là une autorité, forte en apparence, mais qui,
après avoir étouffé la révolution, se crut réduite
allécher tous les vaincus récalcitrans. La théocratie
eut peur du Briaréequi voulait tout éteindre dans
ses bras, le courage ou la perspicacité manquait
ceux qu'il eût volontiers acceptés pour aide.
Au retour des Bourbons, ce besoin d'intervention
qu'on n'avait pas-osé manifester jusqu'alors prit des
proportions incessamment croissantes. Peu peu,
le clergé étendit son influence, et quand la résistance
de Louis XV111, qui riait beaucoup de tout, fut brisée
par la mort, le parti ne cacha plus sa haine contre
l'état de choses modernes. L'Université, ,daus ses
plus illustres membres, fut persécutée, les libertés
publiques anéanties, et les Ordonnances parurent
pour disparaître avec le roi et les jésuites qui les
avaient formulées.
L'épiscopat se cache alors en France, bien enten
du, où il avait été réactionnaire. En Belgique, il
embrasse les libéraux pour les maîtriser avec le
temps, comme il ressort de ses efforts depuis 20 ans.
Vaincu avec l'absolutisme Paris, il cherche tri
ompher Bruxelles au nom de la liberté logique
de jésuite, comme un voit, mais qui porte son en
seignement. 11 ne se doutait pas pourtant, eu i83i,
que la liberté lui donnerait tant de prise contre
elle-même; mais il ne tardera pas s'en apercevoir,
et une espèce de cri de ralliaient parcourut l'Eu
rope La liberté comme en Belgique. 11 est vrai
que MM. de Theux et Malou, porte-drapeaux de
S' Ignace, conduisent nos affaires et celles de leurs
mandans.
Mais vienne le jour de la réparation nationale où
le corps électoral secoue ce joug pesant et cette
administration d'éteignoirs, et voilà que le thème
change. Le mot d'ordre est donné et les journaux
cléricaux demandent en Belgique la liberté...de tout
faire, des personnes civiles, de l'instruction unique
ment cléricale, du despotisme et de la corruption
dans les élections, des ténèbres dans la charité. Et
les frères de l'étranger de faire chorus avec eux et
(suite.)
La supérieure posa sa main sur les lèvres de Christine.
Nous prierons donc pour vous, lui dit-elle.
Ah s'écria Christine, si tous mes efforts sont
impuissants pour me faire rendre la liberté, il y a dans
le monde un être qui souffre comme moi, et qui, lui,
saura délivrer la pauvre prisonnière. Herbert m'a dit que
rien n'était impossible pour ceux qui aimaient. Herbert
viendra mon secours.
Herbert est parti pour Batavia, il y fera un long
séjour; de là, il ira plus loin encore il a quitté la Hol
lande pour des années sans nombre.
Christine poussa un cri déchirant et resta accablée,
puis elle releva vers la supérieure son visage pâle et
inondé de larmes.
Maintenant, dit-elle, tous les lieux me sont indif
férents, tous les vêtements sont les mêmes mes yeux.
Herbert m'a abandonnéeil a consenti notre éternelle
séparation
Huit jours après, Christine prenait l'habit de postu
lante; elle savait que cet habit n'engageait pas sa liberté,
elle pleurait pourtant. Deux sœurs converses l'aidaient
se vêtir. Immobile comme une statue, Christine se
laissait faire, mais son cœur protestait avec énergie contre
tout ce que cette robe semblait promettre Dieu. Elle
de crièr que la Belgique n'aime plus Dieu parce
qu'elle n'aime pas très-filialement le gouvernement
des jésuites.
Une bombe éclate en Europe. Le feu est au qua
tre coins du continent. L'Angleterre seule n'est pas
menacée. Partout le clérical tait le mort, excepté en
Angleterre, où, au nom de la liberté de conscience,
il déclare ouvertement la guerre au gouvernement
et au protestantisme. Le principe d'autorité dont il
est si friand quand parlent les Veuillot, il le toule
aux pieds, car l'Irlande est là pour prêter main-
forte l'agitation. Mais l'Irlande, fatiguée, dirait-on,
d'être toujours un stérile instrument, émigré eu
masse. Gare aux Etals-Unis quand les mines seront
épuisées! Jusque-là, la soif de l'or neutralisera l'in
trigue romaine.
Après 1*48, la peur mata donc l'épiscopat; mais
on ne meurt pas pour trembler, surtout les castes.
On s'acclimate dans la couardise. Il est dans le code
de celte école qu'on peut bénir en public ce qu'on
maudit tout bas, quand ies'iritérêts de la Compagnie
l'exigent. Lisez Pascal. Pour la théocratie, louvoyer,
serpenter, c'est une façon de se maintenir; pour les
vieilles expériences, c'est le remplissage de» inter
valles. Et pendant que la musique distrait dans
l'entr'acle, on s'arme en silence; on est toujours
prêt, comme Cobbett.
La démocratie fait des folies, se montre impuissan
te pour le bien, terrifie les intérêts, abime dans sa
chute la véritable liberté et sert Me marche-pied
une dégradante dictature Alors, les trembleurs, qui
avaient la conscience chargée, se jettent comme des
loups sur la curée leur terreur d'hier se venge avec
lâcheté, et la réaction lève la tête, affectant l'orgueil
du salut public; les capuchons tombent et toutes les
voix théocratiques crient de leurs cavernes entr'ou-
vertes t< Part au gateau. 11 y a réaction; nous en
sommes!
Dans les pays catholiques où l'on manque de cer
taines immunités, ou les révendique toutes. On
monte la garde devant tout progrès, quelque mince
qu'il soit, en criant au sacrilège. On cherche se
raccommoder avec tous les pouvoirs, en leur pro
mettant appui et concours, s'ils fout des concessions,
et la résistance, s'ils répudient les tentatives de re
cul. La résistance et qu'est-ce donc aujourd'hui que
la résistance cléricale Une bravade, voilà tout. Eu
Hollande, les évèques ne menaçaient-ils pas hier de
désobéir a la loi proposée parle gouvernement?
Gouvernement et chambres ont passé outre, et les
évêques se conformeront la loi, car nous ne som
mes plus au temps où le clergé était une force ma-
voulait sa liberté [défaut d'autre bonheur, et sa tête
exaltée rêvait encore de traverser les mers pour retrouver
Herbert. Jamais le pieux vêtement d'une postulante ne
couvrit un cœur plus agité, jamais il ne fut mouillé de
larmes plus amères.
Comme la toilette s'achevait, une des sœurs prit la
main de Christine et voulut en ôter un anneau d'or qui
s'y trouvait; ainsi le voulait la règle. Christine retira
brusquement sa main.
C'est Herbert qui me l'a donné s'écria-t-elle; cet
anneau, le seul bien qui me reste, ne me quittera qu'à
la mort.
La supérieure entrait.
Je veux garder cet anneau répéta Christine en mon
trant l'anneau qui brillait son doigt.
La supérieure éloigna les sœurs, fixa sur Christine son
regard calme, maternel et sérieux.
Mon enfant... dit-elle.
Ces paroles rappelèrent la jeune fille le temps heu
reux où sa mère lui parlait.
Mon enfant, ces mots je veux ne sont jamais pro
noncés en ces lieux. Dieu seul veut, et nous, nous obéis
sons. Rassurez-vous, nulle ne s'engage ici que par sa
propre volonté; ce n'est en ce moment pour vous qu'une
retraite choisie par votre père. Si, après avoir prêté
l'oreille aux voix qui vont nous parler de Dieu, vous
pleurez encore comme aujourd'hui, les portes s'ouvriront,
térielledans la société. Il ne l'est plus, il ne peut
plus l'être force morale dans le domaine spirituel,
influence utile et sainte pour prêcher les vertus,
l'abnégation, l'amour de Dieu et du prochain mais,
de là, il n'est rien quequand les pouvoirs chancelants
le prennent pour complice ;ou quand il représente
lui-même le pouvoir, comme Rome, comme h
Naples,comme ailleurs encore où il a ses amis la
tête de l'État;.. On comprend donc pourquoi il tient
ce que les Donoso Cortès gouvernent l'Espagne et
les frères Malou la Belgique.
Où ne veulent-ils pas parvenir? Jusqu'en Chine,
ils protègent encore le principe d'autorité leur
manière. Il y a quelque temps, un journal publiait
une lettre d'un prêtre missionnaire qui bénissait
bien haut la Providence de l'heureuse perspective
que lui donnait le triomphe des rebelles.
Je ne suis abonné aucun journal chinois pour
savoir au juste qui a raison dans cette lutte où tout
est encore ténèbres pour nous; mais, enfin, le prin
cipe d'autorité est un. On ne peut le vouloir ici pour
le répudier ailleurs, moins de n'avoir que des
principes de circonstance. Je ne sais donc pas si la
révolte chinoise est juste ou si elle ne l'est pas; mais
je suis tenté de soutenir la dynastfe..tartare, rien que
parce qu'on s'attend mieux d'une autre. II est
évident que c'est une aubaine pour Ja théocratie que
la perspective de se procurer 3 ou 4 cent millions
de fidèles et des fidèles corbleu qui adorent
l'opium. C'est une vraie Californie pour les endor-
meurs et qui ennoblira tout un règne, si bel et bien
que, dans l'histoire de l'Eglise guerroyante, on
pourra bien appeler ce siècle celui du Père Beckx.
Oui, il est vrai que, depuis deux ans, l'épiscopat
s'agite outre mesure sur tous les points de l'Europe,
qu'il mécontente tous les gouvernements par ses
exigences; tous les peuples par son inconsistance et
par les astucieux moyens auxquels il a recours. Ap
prouvant ici ce qu'il condamne là bas prêchant des
doctrines subversives quand il n'est pas servilement
obéi se plongeant en plein dans la réaction quand
il le peut proclamant la liberté des cultes dans les
pays protestants, et incarcérant dans les pays ca
tholiques les malheureux qui lisent la Bible; n'ayant
de conviction que son inlérèt, de pensée que son
omnipotence espérant faire revivre partout la ty
rannie, pourvu qu'il la partage; appuyant et exal
tant les écrivains qui rêvent le moyen-âge, ses
suppliciés et ses oubliettes; exaltant Rome la
résurrection de l'Inquisition, et fesant plier devant
ces démons fanatiques la conscience et la fierté de
ses plus grands dignitaires... Et quand tous ces faits,
je vous rendrai votre père; d'ici-là, obéissez commo
1 toutes nous obéissons.
Mon anneau, mon pauvre anneau reprit doulou
reusement Christine, tout ce qui me reste d'Herbert
Il y a ici entre les âmes des liens meilleurs, mon
enfant. La prière est un souvenir qui réunit mieux que
tous les signes visibles ceux qui peuvent penser l'un
l'autre sans remords. Et cette chaîne de cheveux qui
entoure votre cou
Ce sont les cheveux de ma mère s'écria Christine;
même en ces lieux, je puis les baiser et les couvrir de
mes larmes
En ces lieux vous êtes plus près du ciel, où est
votre mère, que vous ne l'étiez quand vous viviez dans le
monde; mais, en ces lieux, même ce souvenir, mon
enfant, doit se déposer aux pieds de Dieu. Uue religieuse
ne doit porter aucun ornement terrestre.
Hélas hélas s'écria Christine, il ne me restera
donc plus rien sur la terre, ni les êtres que j'aimais, ni les
choses que j'aimais cause d'eux
Donnez-moi l'anneau de votre fiancé, je vous le
rendrai si vous sortez d'ici. Quant aux cheveux de votre
mère, écoutez l'extrémité des galeries du préau, il y
a dans l'épaisseur de la muraille des chapelles, où chaque
printemps, nous apportons les prémices de nos fleurs et
de nos fruits; il est quelquefois permis d'y déposer les
reliques chères nos cœurs aliez-y mettre comme un