JOUMAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Lf. PnocnÈs paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
ÏXE NUIT EX BATEAU A VAPEUR.
M» 1,SS8. 13e Année.
Dimanche, 36 Février 1654.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 5 francs 50 c.Provinces, 4 francs
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 30 centimes.
Ypres, 25 Février.
L'estimable Journal des Baziles est dans un
état de surexcitation inquiétant, par suite de
nos articles sur le règlement d'Anvers, que nous
persistons considérer plus que jamais, comme
une déplorable erreur. Toute la presse libérale
continue critiquer ce soi-disant arrangement,
par lequel le pouvoir laïc est lié, sans que
episcopat s'engage rien. Nous donnons ci-
après un extrait du Messager de Gand qui
apprécie le vote de la Chambre comme le
Progrès.
«Lesconseils communaux, sont la veilledesous-
crire un contrat léonin.Nous croyons devoir préve
nir l'opinion publique sur les dangers dont il menace
nos libertés; nous faisons un appel empressé nos
magistrats communaux, pour ainsi dire seuls arbi
tres dans cette circonstance, de nos chères destinées;
nous les supplions de s'entourer de toutes les lu
mières possibles, leur mettant sous les yeux des
faits positifs et de nature faire revenir de leur
erreur bien des gens qui de bonne foi auraient sous
crit la fatale convention-: et voilà que nous sommes
des gens intraitables, des troubles-fêtes, il y a quel
que part dans La Fontaine une fable où le loup fait
les plus grandes protestations d'amitié un agneau,
pour que celui-ci lui ouvre la clôture du bercail
qu'on le laisse entrer seulement, on verra combien
on l'a calomnié, il vivra comme un véritable frère
au milieu des brebis; il mange de l'herbe tout
comme elles On sait ce que coûte la confiance de
l'agneau. Si cependant quelqu'un était survenu, et
eût dit au jeune imprudent n'ouvrez pas; peine le
loup sera-t-il dans la bergerie qu'il vous dévorera
les unes après les autres le loup eut probable
ment regardé de bien mauvais œil le malencontreux
indiscret, peut-être même, s'il les avait connues, se
serait-il servi des épilhètes du Bien public. Criez
donc au voleur, quand vous surprenez un individu
la main dans la poche de son voisin, et voyez s'il
sera charmé de vous Eh bien, pour nous la situa
tion est tout fait analogue. Nous avons donné le
programme du parti catholique, et nous le mainte
nons: fomenter les haines religieuses, faire disparaî
tre de notre constitution Varticle de la liberté des
culteslivrer Venseignement de la jeunesse aux
jésuites. Pour nous, cela est de la dernière évidence,
éwirifnwMIT iiiMiirfi ri srii i «in
i.
(suite).
Ce reproche d'éducation fit saigner une mère au
cœur; il n'y avait pas loin de là au reproche plus cruel
encore d'avoir été porté dans ses flancs. C'était sur celte
profonde et irréparable tourmente d'une mère que Phi
lippe avait spéculé. Mais, en vérité, c'était pitié de
prendre tant de peine pour enlever son dernier gage de
sécurité une femme qui aurait sacrifié d'elle-même, et
sans cette misérable ruse, sou dernier morceau de pain,
sa dernière goutte de sang son fils.
Tout ce que je possède est toi; si je le ménage
c'est pour toi; est-ce que tu ne le sais pas, mon Philippe
demanda-t-elle d'une voix navrée.
Je n'ai pas besoin de tout, et je ne voudrais de
rien assurément, si je n'étais certain d'être bientôt
même d'en rendre dix fois autant.
En voilà un fils s'écria madame Fritau, en voilà
Un fils qui a du cœur pour ses parents C'est qu'il le fera
comme il le dit, mère Auvray; il vous en rendra dix fois
autant qu'il en prend: c'est tout gain. 11 ny pas un
Hcurlcloup au inonde qui ait droit plus de prospérité,
e'est sûr.
Tenez, madame Fritau, puisque vous en parlez,
je ne conteste pas la science de maître Hcurteloup, tant
s'en faut dit avec intention, Philippe; mais, entre nous,
il n'a pas fait de grandes cludcs, le patron; et si on était
un peu produïtt CD sait qu'est-ce qui lui damerait le pion.
et peut être bien aussi pour les messieurs du Bien
publicindeirœil n'y a que la vérité qui blesse.
Aussi croyons-nous que l'indignation de nos adver
saires plus encore que les considérations que MM.
Devaux, Frère et Verhaegen oui fait valoir la
chambre, fera voir qu'il y a pour l'opinion libérale
le danger le plus sérieux dans îa convention d'An
vers, que nous persistons qualifier de déplorable et
de désastreuse.
L'Impartial contient sur le même sujet, une
lettre dont nous reproduisons une partie
Convenons que de temps en temps nos représen
tants nous font assister un étrange spectacle. Con
sultés individuellement vous ne trouverez point de
gens plus fermes sur l'article principes; là, point de
transactions possibles, point de ménagements, point
de biais. Mais ensemble, mais au vole, ils sont sin
gulièrement accommodants. Ils viennent de voter,
avec un empressement tumultueux, l'abolition de
leur propre ouvrage. Lauriez-tous cru Ni moi.
Et c'est pourtant cela même. Ils avaient consacré
de longues séances la discussion de cette loi du
juin i85o ils s'étaient entourés de tous les rensei
gnements; ils avaient écoulé le pour et le contre,
palpé, disséqué, retourné dans tous les sens l'objet
du débat, et le vote qui suivit, on peut le dire après
tant d'efforts prolongés pour écarter toute erreur,
paraissait un vote réfléchi, clàip, net, absolu, tran
chant l'avenir. El voilà qu'à peine la loi est suivie
d'effet, et du meilleur effet, on la renvoie comme
une balle au jeu de paume, sans renseignements,
sans débat, sans réflexion. Cette loi avait coûté tant
de peine, et la voilà qui disparait comme une chan
delle qu'on souffle, et nous revoici dans l'obscurité.
Ah cessonsde parier de notre sagesse traditionnelle,
de notre bon sens national Ah que toutes ces
phrases, qui tiennent si peu au pied du murseraient
tristes et décourageantes, s'il fallait renoncer .a voir,'
au-delà, celte force du siècle qui relève et rive, pour
ainsi dire, dans les esprits, les idées que lés hommes
suivent et abandonnent tour tour.
La loi de i85o est morte
Un prêtre fera partie du bureau administratif des
établissementsd'eiiseigiiemeiit moyen; i'évêque sera
consulté sur le choix de ce prêtre un autre prêtre
sera chargé de l'éducation religieuse (chose juste s'il
n'y avail que cela); ce même prêtre, et tous ses su
périeurs par conséquent, s'entendront avec le préfet
Croyez-vous donc qu'il serait si difficile, madame Fritau,
de faire jurer par maître Philippe Auvray comme on jure
par maître Panlaléon Heurleloup
Foi de femme Fritau, je ne dis pas ça, monsieur
Auvray
Vrai?... s'écria en écarquillant ses yeux, la mère
Auvray, pour qui les Heurleloup avaient toujours été le
nec plus ultrà du génie; vrai, il damerait le pion aux
Heurleloup Pas possible Et vous n'allez pas contre,
madame Fritau
Qu'est-ce que vous dites donc là, mère Auvray?
Aller contre! Eli mon Dieu! Après la création, le
déluge les Heurleloup sont bien venus après les Coten-
tin après les Heurleloup, les Auvray
Ce que vous avancez là, madame Fritau, pourrait
bien arriver, dit Philippe; mais pour cela, je sais le moyen.
Hé lequel, mon fils? demanda sa mère.
D'abord, il n'y a plus de notaire sans droit, et
ce n'est pas partout qu'on fait son droit.
Qu'est-ce que c'est que ça, le droit interrogea
la bonne femme.
Le droit, c'est le procès, mère Auvray, répondit,
la place de Philippe, madame Fritau et sans procès,
on ne ferait pas d'actes vous voyez donc bien que pour
être notaire il faut être avocat.
Comment mon fils serait notaire Et puis
encore avocat Mais j'entends qu'il me dise tout de suite
ce qu'il lui faut d'argent pour ça
Mère Auvray, votre fils est un garçon rangé,
incapablo de mauvais conseils; il ne vous demandera pas
des études pour imposer la confession mensuelle oa
hebdomadaire, leur volonté, tous les enfants; un
autre prêtre encore siégera au conseil de perfection
nement de l'instruction publique; et tous ces prêtres
ensemble, franchiront, avant peu, les bornes spiri
tuelles de leur mandat, vont convertir en hypocrites
tous les membres d'un corps enseignant que l'Etat
cesse de protéger, et en grimaciers de religion toute
la génération naissante.
C'est cela, Monsieur, ou les choses qu'on voit
fascinent les yeux, ou la réalité n'est plus qu'un
mot.
L'art, ii de la !oi de i85o, dit Le bureau, for-
niant le conseil administratif de l'atheuée ou de
n l'école moyenne, se compose: i"Du collège des
bourgmestre et échevins;.... a* De quatre membres
au moins et de six membres au plus, qui sont
nommés par le gouvernement, sur une liste dou-
ble de candidats présentés par le conseil comrnu-
nal.» Maintenant le gouvernement se réserve la
faculté d'admettre, sur la présentation des commu
nes, un prêtre dans le bureau administratif. Mais il
conseille aux communes de s'entendre avec I'évêque
pour obtenir ce prêtre. Cela se fera -ainsi petit
petit dans chaque établissement. Qui sait? Le gou
vernement tiédit pasençyre^u'il retirera ses faveurs,
ses subsides, etc., aux hureatix qui ne s'emp.cesse
raient pas de solliciter, le choix épiscopal, mais il
ne faut désespérer de riep. Eh! mon Dieu, c'est si
simple que la présence, dans ces bureaux, d'un
prêtre qui s'y associera sans condition aucune d'éli
gibilité, ni de contrôle, et qu'on sera trop heureux
d'y accueillir Est-ce que les prêtres sont soumis au
droit commun
Mais pourquoi tous ces discours? Que ne dit-on
tout d'un coup la partie élective de ces bureaux, et
lu partie que l'État nomme, lettre morte!
El en effet, que devient le principe constitutif
d ou ces bureaux émanent, si les électeurs commu
naux, les conseils communaux et l'Etat abandon
nent, de fait, une nomination dont le soin ne serait
que l'exercice de leur plus précieuse prérogative
C'est aux communes et aux bureaux eux-mêines, il
est vrai, qu'est accordée l'initiative de la violation
de la loi; ce sont eux qui demanderont au gouverne
ment de nommer membre d'un bureau administra
tif, un prêtre du choix de l'évéque mais la con
sommation de l'acte, en définitive, quelque forme
plus qu il ne lui faudra; ce qu'il vous a demandé jusqu'ici
a toujours été pour son bien et pour le vôtre; vous
n'avez plus qu'à l'aider un peu. Quand je vous dis qu'il
est tout ce qu'il veut
C'est encore vrai ça, madame Fritau quand il a
voulu être second clerc chez maître Heurleloup, il l'a été,
et premier aussi.
Comme vous le dites, mère Auvray, aussi sur que
je ne lui donne pas cinq ans pour être notaire royal et
même député vous savez bien député Paris pour faire
fa loi.
Oui, royal réputé Paris pour faire la loi Et
même j'espère bien un jour, madame Fritau, maire de
notre commune, quand ce ne serait que pour faire niche
Pierre Blivct, l'adjoint, celui-là qui disait toujours que
défunt Auvray n'était pas capable de la municipalité.
Philippe écoutait touteo tintamarre d'éloges avec une
pitié intérieure, que trahissait souvent le mouvement de
ses lèvres sans voix. Ces éloges l'humiliaient, comme
venant d'esprits trop grossiers pour pouvoir apprécier ses
mérites. Depuis plus d'une année même déjà, l'épanouis
sement que développait, comme fait un bouton de rose
aux regards du soleil, la bourgeoisie marchande de la
ville voisine qu'il habitait cet épanouissement qu'elle
développait l'aspect toujours attendu comme un rayon
cclcste du premier clerc de maître Hcurteloup, ne sou
riait plus l'amour-propre de Philippe, tourné mainte
nant vers un plus vaste horizon. Le premier clerc dédai
gnait de se rendre aux banquets où naguère encore sa
présence enviée était l'objet de toutes les attentions, des