JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 1,341. 13* Année. Jeudi, 3 Mm 1354. LA CHARITÉ AU XVIe SIÈCLE A YPRES. UNE NUIT ES BATEAU A VAPEUR. ABONNEMENTS Ymes (franco), par trimestre, 3 francs 30c. Piiovinces, 4 francs. I Le PnoGitÈs paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 30 centimes. être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchie*. a—^ar^—fe* Ypbes, 8 mars. Le cléricalisme revendique le monopole de la charité sous prélexle de libertécomme il a réclamé le monopole de l'enseignementtou jours sous le masque de la libertéet ses exor bitantes prétentions ont engagé M. Orts, pro fesseur de l'université libre de Bruxelles et représentant, exposer I historique de celte question dans des conférences publiques. Dans la deuxième, l'honorable M Orts a été amené dérouler un épisode de l'histoire de la ville d'Ypres, et ce n est pas sans une certaine fierté que nous avons vu notre cité défendre le patri moine de l'indigence contre les empiétements et les convoitises des ordres mendiants et des gens de main-morte. Après avoir dit que les abus de la mendicité avaient provoqué des plaintes généralesM Orts exhume l'œuvre d'un anciwi libérâtre comme diraient les pieuses gazettes qui a examiné la question d-t la charité publique sous un point de vue très-juste et très-remarquable pour l'époque où il vivait. Vives, c'est le nom de ce savant, dans son ouvrage: De subventione pauperum, insiste surtout sur la nécessité de la charité publique instituée, dirigée et sur veillée par le pouvoir civil. Le magistrat d'Ypres mit celle théorie en pratique. C'esl la petite ville d'Ypres, autrefois siégé d'une population considérable, qui prend l'initiative de la rélorme, par un règlement sur l'institution d'une bourse coin uni ne des pauvres, plus tard célèbre. M. l'abbé Carton, dans son mémoire *ur l'état de la mendicité dan* la Flandre occidentaleattribue tort les honneurs de cette initiative au clergé local des documents authentiques, conservés dans les ri ches archives de la ville d'Ypres, établissent au contraire que ces honneurs reviennent tout entiers au magistrat le règlement reçut, il est vrai, l'appro bation du prévôt- de S'-Marlin, grand-vicaire de Térouanne, mais voilà tout: une copie originale de l'ordounancedu magistrat d'Ypres,délivrées» i53o, prouve ce premier fait et démontre, en outre, que ce règlement fonctionnait déjà depuis cinq ans, c'est- à-dire depuis i5i5 au moins, contrairement l'opi nion générale qui en fixe la rédaction l'an i53o. Le règlement ne fut que la traduction en acte des idées de Vivès et il peut se résumer en quelques mots. Les ressources de la bienfaisance devaient être confiées huit personnes laïques il faut un recen sement général des pauvres, une bourse commune (suite). II. Encore si ces têtes sans cervelle, continua sérieu sement M. Duferrier, devenaient toutes des têtes de ministres ou seulement de prclèls, comme celles d'un tel et d'un tel je pourrais voir la longue entrer dans les idées de ma fille mais point Pour un qui arrive diriger les conseils du roi, il y en a dix qui passent leur Vie faire des romans. C'est on ne peut plus juste, dit encore le clerc, et je vous demande un peu quoi servent des romans quand il n'y a d'utile dans la vie, en fait d'écritures, que les actes en bonne et due forme. Certainement, continua le colonel, et, vous parler franchement, j'ai quelquefois regretté de n'avoir pas travaillé dans ma jeunesse chez le notaire. Je me serais un peu dérouillé ma sortie du service, et mainte nant je serais la tête d'une belle étude, ce qui seul, selon moi, vaut d'être h lu tête d'un régiment. Mais, monsieur )e colonel, ee ssrait un grand de toutes les fondations la mendicité est défendue; des quêtes hebdomadaires ordonnées l'église et domicile; des comptes mensuels exigés; l'envoi des enfants l'école et aux ateliers est prescrit; enfin, le concours du clergé était réclamé c'était, fait remarquer M. Orts aux chucotteinents de l'audi toire, comme l'on dirait dans le langage de la poli tique actuelle, une formule d'invitation; et chose remarquable, le clergé de l'époque débuta par donner franchement son concours. Mais, soit par suite de remords de conscience, soit par d'autres motifs, les réclamations surgirent bientôt de la part de ce que l'on appelait les quatre ordremendiant*, et l'œuvre l'accomplissement de laquelle on avait loyalement concouru, que l'on avait d'abord recommandée au prône, fut quatre ou cinq années plus tard signalée comme irréligieuse. Le magistrat d'Ypres insista pour connaître les motifs de ce revirement extraor dinaire et le clergé ne recula pas s'expliquer. Le io septembre i55o, une réunion eut lieu cette fin au cloître de Saint-Martin Ypres, devant le prévôt: elle était composée des supérieurs des quatre ordres mendiants, du garde des sceaux de l'officialité de Térouaue, de l'avoué d'Yp res, des députés du magistral et du pensionnaire Colard de Wulff. Les députés du magistrat pour laisser au clergé plus de liberté,se retirèrent après avoir remis l'ordonnance portant le règlement avec diverses de mandes d'explications sur les peints contestés. Le i5 septembre suivant les quatre ordres eurent une uouvelle réunion au couvent des Frères-Mineurs et ils voulurent bien répoudre, par écrit, en vue de Dieu et pour le plu* grand soulagement de* pauvre*. Le magistrat répliqua son tour. Les pièces originales inédites de cette immense enquête sont déposées aux archives de la ville d'Ypres,et en les parcourant l'on peut se convaincre qu'il n'y a pas de repioche adressé aujourd'hui en core contre l'intervention de l'autorité dans l'œuvre de la charité, qui ne se soit déjà produit cette époque et que le bon sens de nos pères n'ait déjà alors réfuté. Ainsi, par exemple, l'on objectait éga lement alors que cette intervention faisait diminuer le produit des dons et legs que les donateurs n'ai ment pas le contact de l'autorité que cela froisse la charité et même quelques petites passions qui ser vent parfois de mobiles. Eu lisant les réponses du magistral d'Ypres, l'on croirait, ajoute M. Orts, en excitant l'hilarité générale de l'assemblée, que c'esl un ministre de la justice de 184^ i«54 qui parle Le montant des revenus des fondations, disait le magistrat d'Ypres,s'augmente tous les ans,comme le constatent les comptes particuliers, et si le nombre des fondations diminue, c'est parce que les prédicateurs négligent depuis quelque temps de recommander ces institutions et qu'ils engagent honneur pour un notaire d'être votre gendre, cl cela reviendrait au même. Que n'y songez-vous Ah j'y ai bien songe quelquefois mais ma fille ma fille Vous ne savez pas comme elle est intraitable sur ce chapitre. Colonel, vous avez eu peut-être tort, me permet- trez-vous de vous le dire, de recevoir chez vous M. Garnicr. C'est lui qui a inspiré votre fille de lausses et et fâcheuses idées sur les gens d'affaires et lui a tourné la tête avec ses folies qu'il appelle ses pensées d'artiste. Si j'avais un bon conseil vous donner, ce serait de l'éloigner de votre maison le plus tôt possible, et vous verriez qu'alors votre fille reviendrait la raison. Je l'ai reçu seulement, je vous prie de le croire, pour ce qu'il vaut pour un jeune homme dont on peut bien égayer ses passe-temps; mais dont ou ne fait nulle ment sa société intime et encore moins son gendre. Cela en définitive ne compte pas, ne tient aucun rang dans la société ma connaissance. Il est impossible d'ailleurs que cela ait seulement songé m'avoir pour beau-père Impossible, mon cher Ce serait une injure pour moi. «N* vsus y fiez pas, eslouel. au contraire le* fidèle* *e tervir de leur intermé- diaire pour tecourir le* pauvretoit par de* fon- dation* particulièretoil par toute autre charité Les quatre ordres s'étaient plaint encore de la diminution du produit des quêtes, en ajoutant que les troncs placés dans les églises rie se remplissaient plus. MM. du magistrat conviennent que c'est la u vérité, mais ils déclarent qu'il n'en serait pas ainsi si les quatre ordres avaient, conformément leurs promesses faites lors de la mise exécution de l'ordonnance,continué recommander l'œuvre. Les quatre ordres expriment la crainte que l'ad ministration laïque soit trop coûteuse et qu'il en résulte des détournements. M. Orts lit le texte avec une bienveillance aigre-douce: Les quatre ordres demandent: ces maîtres de pauvres, ces délégués du magistrat qui il incombe tant de peines et de désagréments, qui doivent établir les comptes, etc., ne recevront-ils pas uu salaire? s'ils n'en reçoivent pas et s'ils en désirent, on a tort de les charger de cette administration s'ils n'en dési- rent pas et s'ils s'en chargent par charité, n'est-il pas craindre que quelques-uns par faiblesse humaine, ne soient pas très-fidèles dans leur ges- tiou? car il e*t*i dangereux de manier de* denier*! u beaucoup de personues vertueuses ont des craiu- tes cet égard et pour ce motif n'aiment pas donner leurs aumôues la bourse commune, mais préfèrent les iaire eux-mêmes. D'un autre côté,si les administrateurs reçoivent un salaire pour leur peine, ce sera une lourde charge pour la bourse commune les pauvres re- cevroot d'autant moins. La réponse du magistrat fut digne et intéressante; elle mérite son tour d'être reproduite textuelle ment MM. du magistrat sont fortement étonnés de ce que ces ordres osent avancer de pareils ar- guinenls qui ne tendent qu'à humilier les maîtres des pauvres et les délégués choisis par le magistrat pour être chargés de l'administration des pauvres. Ce sont tous des gens d'honneur qui se sont ac- quittés de cette charge avec tant de dévouement, tant de fidélité, que tout, le monde a pleine con- fiance en leur gestion. Les arguments de* quatre ordre* n'ont d'autre but que de détourner le* pér it tonne* charitable* de faire leur* aumône* la bourte commune et qu'à jeter lu défiance parmi le peuple. Tandis que jusqu'ici les riches aussi bien que les pauvres sont persuadés que l'ordonnance leur est favorable. «Cependant pour répondre aux quatre ordres par les mêmes arguments MM. du magistrat leur demandent quel salaire accorde-t-o» aux per- sonnes qui reçoivent en tous lieux les aumônes des Frères-Mineurs et autres ordres Si elles ne reçoivent pas de salaire et si elles en désirent, on Est-ce que vous pensez Allons donc Mais cependant j'y prendrai garde, et, au premier prétexte, je lui ménagerai une retraite et au besoin je lui ferai défen dre ma portes Ce sera lui défendre le cœur de votre fille ainsi qu'à ses pareils; vous ne larderez pas en juger, colonel. u On a compris sans peine que l'interlocuteur de M. Duferrier n'était autre que Philippe Auvrny, devenu clerc dons l'étude d'un notaire de Paris. Il n'avait pas été homme, ainsi qu'on l'a vu, même au village, demeurer longtemps dans l'idylle. Son rôle était en autre lieu; il avait un de ces caractères qui se font route bonne ou mauvaise par tous les sentiers. Moins d'une année lui avait suffi ce que c'est que d'avoir des dispositions pour changer ne s'y plus reconnaître son air et ses laçons de province. Il avait pris comme par enchantement, dans sa tournure, dans sa démarche, dans ses moindres mouvements, une aisance que je ne saurais mieux com parer qu'à celle d'un illustre prestidigitateur. Encore quelque usage, quelque peu d'expérience, et cet hotnme- là devait indubitablement réussir faire sauter la coupe de la fortune, dans le grand jeu des affaires et le graud

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Le Progrès (1841-1914) | 1854 | | pagina 1