JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
M» 1,346. 13* Année.
Dimanche, 36 Mari 1654
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
li\E JXUIT El\ BATEAU A VAPEUR.
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Le Puogrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres alTranchies.
Tpbes, 35 mars.
Une discussion intéressante a eu lieu la
Chambre des représentants, jeudi dernier. Il
s'agissait de la prise en considération de la pro
position de M. Oiban, qui, sefaisanl le plagiaire
de M. Tinguy, membre de l'assemblée législative
de France, sous la dernière république, a pré
senté la Chambre un projet tendant forcer
les publicistes signer les articles de polémique
des feuilles politiques. L'origine de cette réso
lution du député de Neufchâleau est assez cu
rieuse. M. Oi ban se croyant attaqué dans son
honneur el sa moralité par le journal ['Écho du
Luxembourg, qui s'est borué simplement faire
ressortir ses allures politiques en laissant en
tièrement dans l'ombre son caractère privé, NI.
Orbau, disons-nous, a fait uu procès de presse
ce journal, et avant toute décision de la jus
tice il a usé de sou initiative de représentant
pour se venger de la presse, pour la punir de sa
légèreté son égard.
M. Orban se pose en homme sérieux et l'a
prouvé celle fois, car comme l'a très-bien dit
AI. Devaux, il a émis le vœu que la Chambre
fasse, pour sa personne, ce qu'elle a fait une fois
pour sauvegarder l'inviolabilité royale et en
suite pour empêcher les attaques inopportuues
l'adresse d'un souverain étranger.
M. Orban n'a pas voulu maintenir sa propo
sition jusqu'au bout. Il a senti la bu, qu'il
s'était fourvoyé, mais la Chambre a voulu con
stater par un vote qu'elle n'étaitjpas^disposée
modifier la législation sur la presse. Le parti
libéral a charitablement engagé les députés
catholiques imiter son exemple et ne pas
s émouvoir des attaques souvent furibondes des
petits journaux sous le patronage de l'épis-
copal. La liberté est la clef de voûte de tout
gouvernement constitutionnel. Supprimez celte
garantie el le despotisme est intronisé. Qu'on
en convienne ou qu'on le nie, il n'en pèsera pas
moins sur tous el alors seulement on verrait,
mais trop lard, que la licence de la presse offre jsouffert des dommages par suite du siège de la
bien moins d'inconvénients que la brutalité du j citadelle d'Anvers, en 1B32.
despotisme.
Nous nous empressons d'annoncer nos lec
teurs que M"8 Benita Anguinel, prestidigitatrice,
donnera une représentation, la Salle de spec
tacle, Jeudi, 30 Mars prochain.
Voici ce que nous lisons dans le journal la
Nation
Nl"° Benita Anguinet a donné sa première repré
sentation de prestidigitation au théâtre des Galeries.
Celte soirée avait attiré uu public nombreux le
programme eu était des plus attrayants. Nous nous
empressons de dire que le talent de l'artiste a sur
passé l'attente générale.
M"* Benita Anguinet s'exprime avec beaucoup
d'élégance; toute la haute société viendra, nous en
sommes persuadés, l'applaudir.
La section centrale était contraire l'alloca
tion du créditmais ses conclusions ont été
rejetées une très-grande majorité.
Les dernières nouvelles de Constanlinople
portent que deux frégates françaises et deux
frégates anglaises ont quitté la rade de Beïcos,
avec ordre d'entrer de gré ou de force dans le
Danube et de détruire dans les bouches de ce
fleuve les travaux que les Russes paraissent
avoir faits ou être occupés faire pour inter
rompre la navigation.
L'horizon est assez sombre aujourd'hui. Les
nouvelles de Prusse confirment de la part de
celte puissance une neutralité résistante, dans
des termes assez froids pour les gouvernements
Nous n'essayerons pas de détailler ses exercices, occidentaux, ce qui rassure peu sur l'altitude
I A m i a r
toujours variés, ce serait priver ses visiteurs du définitive de l'Autriche.
plaisir de la surprise.
Sa première représentation a été pour elle un
triomphe.
Mardi, la Chambre des représentants a dis
cuté et adopté le budget de la guerre la ma
jorité de 54 voix contre 9 et 6 abstentions.
Mercredi la Chambre des représentants a
entendu les développements de la proposition
de M. Orban sur la signature des articles des
journaux, et elle l'a rejelée par un ordre du
jour proposé par M. Orlsla majorité de 46
voix contre 21 et 6 abstentions.
(suitb).
VI.
Un jour la veuve de l'estimateur Fritau, l'air très-
affairé et très-effaré, entra, tenant un journal la main,
chez la mèro Auvray.
Ma pauvre mère Auvray, lui dit-elle, en allongeant
une physionomie pleine de compassion et de calamités; je
viens tout exprès pour prendre part vos peines. Ali
certainement j'y prends part comme pas un. Quoique ce
soit depuis ce mutin une rumeur dans le pays, une rumeur
épouvantable, je n'en ai pas moins défendu moi toute
seule votre fils, mère Auvray, aussi vrai que vous me
voyez là devant vous pour vous consoler
Quelles peines Quelles rumeurs?... Pour me
consoler de quoi demanda la bonne femme, tout aba
sourdie des paroles de la veuve, auxquelles clic ne
comprenait rien.
Comment vous ne savez pas ?...Vous ignorez?,
Ah mon Dieu mon Dieu ma pauvre chère femme, eu
vérité si je sais par où coiniueuccr. Pourtant il faut bien
toujours que vous finissiez par l'apprendre. Autant tout
de suite que plus tard.
Mon filsmon Philippe est mort madame
Fritau, diles-le moi ditcs-lc moi s'écria rn tombant
presqu'à la renverse la malheureuse mère.
Non non, sur ma parole, répondit la veuve il
n'est point mort et ce n'est pas cela que conte le journal;
au contraire, le journal que j'ai là, dit... Tenez, écoutez-
moi plutôt lire, quand Ce ne serait que pour vous
rassurer.
La veuve Fritau mit des lunettes sur son nez de
Jeudi, la Chambre des représentants a discuté
un projet de loi de crédit de 35.411 fr. au
département de la guerre, pour indemniser des
habitants de quelques localités de la Flandre-
Orientale el de la Province d'Anvers, qui ont
Il est avéré que le czar est disposé lutter
avec la plus entière énergie. On voit en per
spective une guerre européenne, el ce mirage
alarmant peut-être trompeur a jeté sou
reflet sur celle journée.
Le Coiutiiutiomuel publie en tête de ses colonnes,
sous le titre très-apparent de NOUVELLE IMPORTAN
TE, les lignes suivantes qui, dit-il, lui sont adressées
de Bucharest, sous la date du 7 mars
Le major Toms, attaché par le prince de Schar-
zenberg l'état-niajor du prince Gortschakoff, pour
surveiller les mouvements des Russes, vient d'être
rappelé par son gouvernement.
Ce rappel a produit chez les Russes une grande
sensation. Il a été considéré comme un premier pas
vers la rupture entre l'Autriche et la Russie.
Le consul d'Autriche a dit Bucharest que le jour
où l'armée russe franchirait le Danube, les Autri
chiens passeraient les Karpathes pour occuper la
Valachie.
On nous signale, dit VObterouteur, un fait qui
mérite d'être mentionné.
fouine et lut ceci la mère Auvray, qui n'en crut pas ses
oreilles, et dont plusieurs reprises les paupières vacil
lèrent comme celles d'un moribond qui va trépasser.
Le notaire Philippe Auvray, de la surprenante dis-
parition duquel tout Pariss'cntrctcnait depuis plusieurs
jours, a clé arrêté quelques lieues de la frontière. 11
paraîtrait qu'une discussion se serait élevée sur la
récompense donner au postillon; el que ce dernier
qui l'avait jusque—là si habilement fait échapper au
télégraphe cl la poursuite des gendarmes, indigné de
ce débat, aurait prétexté un motif pour quitter un
moment M. Philippe Auvray cl après avoir confessé
x sa propre faille, l'aurait dénoncé el livré lui-même
x l'autorité judiciaire du lieu. On a trouvé sur M. Auvray
une somme de deux cent nulle francs en billets de
banque. Il a été dirige immédiatement sur Paris. On
sait que la banqueroute de ce notaire ne s'élève pas
moins de trois millions. On l'accuse surtout d'avoir
enveloppé dans sa catastrophe, qui a eu le jeu de bourse
pour origine, des familles pauvres qui lui avaient
x confié leur dernier morceau de pain. M. Auvray avait
eu de son alliance avec ta iille d'un colonel de l'empire,
tant en dot que par héritage, une somme d'environ un
million. La malheureuse jeune femme que son mari
1 avait en quelque sorte abandonnée en luyant sans elle,
et qui a perdu son père cl ses principaux appuis, est
1 plongée dans le plus affreux désespoir. Ou cite ce
propos un fait qui honore trop celui qui en est l'auteur
n pour que nous ne nous fassions pas un devoir de le
divulguer. Un jeune homme de lettres, qui avait songé,
mais vainement, dans des temps plus heureux pour
x elle, épouser mademoiselle Duferrier, aujourd'hui
femme du ftotaire Auvray, et qui no l'avait pas revue
depuis cette époque, la nouvelle de son désastre et de
la maladie qui en est la suite et menace ses jours, s'est
empressé avec les formes de la plus exquise délica
tesse, du plus généreux désintéressement, de lui offrir
l'aide de la médiocre fortune qu'il doit tout entière
sa plume.
La veuve Fritau n'avait pas fait grâce d'une ligne
la bonne vieille mère, qui, dans sa stupeur profonde, de
meura quelques minutes frappée d'un véritable mutisme.
Quant la veuve, on aurait deviné son regard, qui
s'allongeait par-dessus le verre de ses lunettes pour épier'
le visage de l'infortunée, qu'elle attendait, qu'elle espé
rait quelque chose encore de ce malheur. Est-ce que je
ne rêve point?... Est-ce que vous m'avez bien lu tout
cela Est-ce que c'est bien vous qui êtes là, madame
Fritau demanda enfin la mère Auvray quand elle eut
retrouvé quelques sons sur ses lèvres tremblantes.
Oui, c'est moi, c'est toujours bien moi qui suis
là, pour vous servir, ma mère Auvray. Qu'est-ce qu'on
peut pour vous Vous n'avez qu'à le dire, et on essaiera
de le faire.
Hélas hélas mon bon seigneur Jésus Si ce
que vous me dites est vrai; je n'ai plus qu'à mourir après
avoir embrassé une dernière fois mon fils, que je n'ai pas
vu depuis qu'il est parti pour Paris, et aller porter moi-
même ma pauvre fille, que je n'ai jamais vue, une part
de l'argent que j'aurai en vendant mon reste.
Ma pauvre mère Auvray!... soupira d'un ton
lent et jouant la sympathie s'y méprendre, la veuve de
l'estimateur, qui n'en étudiait que de plus belle, par-det-
sus ses lunettes, les mouvements de la veuve du meunier.
Heureusementdans votre malheur, mère Auvrav'
reprit-elle, que vous avez encore de bonnes gens qui vous