I" 1,355. 13* Année.
Jeudi, 37 Avril 1854.
JOUMAL D'YPRES ET DE L II 110XD1SSEHEi\T.
Vires acquirit eundo.
UNE SUIT EX BATEAU A VAPEUR.
r^sr*
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ïpbes, 36 Avril,
lie Bourgmestre de Courtrai et la
majorité du Couseil communal.
Il y a qualre semaines environ, M. Belhune,
une âme damnée du cléricalisme, s'avisa de
proclamer, en plein couseil,que, l'année dernièbe,
M. le Ministre de la guerre loi avait dit, qu'il
ÉTAIT DISPOSÉ a RETIRER la GAHNISON DE CoUHTKAI,
PARCEQu'll T AVAIT a la CuABBRE UN DE NOS DÉPUTÉS
QUI votait CONTRE SON BUDGET.
M. Ernest Vanden Peerebooml'adresse
duquel était évidemment dirigé cette iusiuua-
tion, écrivit au ministre de la guerre, pour
connaître si effectivement, il avait fait une sem
blable déclaration M. Belhune. L'honorable
général Anoui répondit par un démenti caté
gorique du propos que lui prêtait M. le séna
teur-bourgmestre. Toute la correspondance
entre M. le représentant Vanden Peereboom et
M. le ministre de la guerre a été rendue pu
blique et l'opinion se préoccupait beaucoup de
savoir laide de quel faux-fuyant, de quel
détour astucieux le chef de l'administration
communale allait se tirer J'affaire, car personne
ne mettait rn doute l'exactitude du propos que
le Mémorial de (Sourirai lui imputait d'avoir
tenu.
Quatre semaines se sont écoulées et une réu
nion du conseil de la ville de Courtrai est an
noncée. On se doutait que quelque chose se
mitonnait sourdement. Eu effet, M. le bourg
mestre est venu présider la séance et de son ail
le plus patelin, il a lu une déclaration écrite, par
laquelle il afHrme n'avoir pas dit les paroles
qui ont été rapportées dans la feuille courlrai-
sicnne il les qualifie de travestiesdénaturées
falsifiées.
Deux membres du conseil affirment sur l'hon
neur que M. leséualeur-bourgmestrea prononcé
les paroles qu'on lui impute d'avoir dites. Des
démentis se croisent en termes malsonnauts
mais enfin le bourgmestre, invité faire con
naître ce qu'il a dit, s'y refuse obstinément et
loulenarguant de faux,la relation du Mémorial
il ne veut pas faire connaître les paroles ou le
sens de la phrase débitées par lui eu plein
conseil.
(suite).
III.
Depuis plusieurs jours, les personnes qui habitaient
sous le même toit que madame de Saint-Estève l'obser
vaient avec un silence étudie, dont elle ne devinait pas la
véritable cause. Il y avait dans tout ce qui l'entourait, et,
pour ainsi dire, jusque dans l'air qu'elle respirait, comme
un secret, comme un mystère qu'elle ne pouvait percer.
Une fois, comme elle était plus profondément absor
bée que de coutume par ses recherches et ses inquiétudes,
on proposa un jeu de cartes pour distraire son imagina
tion. EHc prit les cartes, cl se trouva une table face
face avec le comte.
J'ai perdu avec vous, dit celui-ci après la pre
mière partie; mais je me flatte que vous voudrez bien
m'accorder ma revanche.
Eten prononçant ces motsil tire de sa bourse et
jette sur la table quelques pièces d'or, par lesquelles il
s'en trouvait plusieurs qui étaient étrangères et avaient
une forme ainsi qu'une effigie singulières. Madame de
Saint-Estève les remarqua.
Elles sont curieuses, dit-elle en observant plus
particulièrement l'une d'elles du regard cl de la main; et
j'en avais d'absolument semblables dans la somuic que
Il n'est pas nécessaire d'insister beaucoup sur
la scène ridicule dont M. le bourgmestre est le
héros. Il se trouvait sous le poids d'un démenti
depuis trois semaines, et se lient coi pendant
ce laps de temps, et tout coup, sur lejjmême
théâtre, il se borne déclarer que ce qu'il a dit
n'est pas exactement rapporté, sans vouloir
toutefois déclarer quel est le sens de l'allégation
qu'on l'accuse d'avoir proférée, l'ourun homme
qui se trouve la tête d'une administration
importantec'est un rôle louche et pileux
que celuijoué par ce M. Belhune, quijce n'est
pas la première fois, qu'ilarrivede devoir avaler
les paroles qu'il avait prononcées.
Mais le rôle de la majorité du conseil n'est
pas moins risible. Comment, sans s'inquiéter
de la véracité de la déclaration du bourgmestre,
on lui eu donne acte au procès-verbal, malgré
l'opposition de deux membres qui font ressortir
la niaiserie de cette dénégation si tardive, et sur
l'affirmation d'un troisième, M. le médecin De
Jaeghere, qui n'avait pas assisté la séance
précédente Une semblable conduite de la part
d hommes revêtus d'un mandat de leurs con
citoyens, témoigne ou qu'ils sont les valets du
hniirjjmûL.-l 1
leur intelligence.
Finissons en constatant que c'est une scène
de haute comédie politique où les hommes du
cléricalisme, du parti moralhonnêtepieux el
conciliantne jouent pas le beau rôle, malgré
leurs prétentions exclusives la vertu.
VILLE O'WPRES. Conseil communal.
Séance publique fixée d'urgence au Lundi34 Avril 1854.
Présents MM. le Baron Vanderstichele de
Maubus, bourgmestre, président; Al pli. Vanden
Peereboom, échevin; Pierre Beke, Boedt-Lucien,
l.egraverand, Iweins-Fonleyne, Martin Sinaelen,
Edouard Cardtnael, Auguste De Ghelcke, Ernest
Merghelynck, Boedl, avocat, Charles Becuwe,
conseillers.
M. le secrétaire donne lecture du procès-
verbal île la séance huis-clos du 2 Mars et de
celui de la réunion du 18 Avril. La rédaction
en est approuvée.
M. Iweins, dont la démission d'échevin a été
acceptée par arrêté royal, dépose sur le bureau
j'ai envoyée mon banquier Grctry de Marseille.
Grctry de Marseille? reprit le comte; mais c'est
lui que je les ai gagnées au jeu.
Lui avez-vous gagné de la sorte beaucoup d'ar
gent? demanda madame tic Saint-Estève.
Quatre cent nuile livres, répond le comte sans
s'émouvoir; et, avant moi, quelqu'un lui avait déjà gagné
une égale somme.
Ce qui fait huit eent mille livres huit cent
mille livres répondit par deux fois l'interlocutrice; mais
cette somme outrepasse ses capitaux connus, et il est
impossible qu'il l'ait perdue sans faire banqueroute,
ajouta-t-ellc.
Puis il vint dans la pensée de madame de Saint-
Estève que depuis plusieurs jours on cherchait dans la
maison lui cacher une nouvelle défavorable, et que
nulle lettre ne lui avait été remise depuis l'arrivée d'un
assez grand nombre de courriers. Un petit froid lui par
courut les veines; elle se leva tremblante et pâle d'attente:
Mes lettres s'écria-l-clle, mes lettres il inc les
faut. Je veux qu'or, me dise tout Je veux tout savoir
Tout lui fut découvert en effet. Elle avait deviné
juste Grélry avait fait banqueroute.
A celte nouvelle, madame de Saint-Estève tombe
la renverse sur un siège.
C'est peut-être moi, lui glissa alors le cointc,
sa démission de conseiller prise pour notifica
tion.
M. le président donne lecture du projet de
délibération résumant les demandes faites par
l'administration aux départements de la guerre
et des finances, en indemnité des pertes subies
par suite du démantèlement de la place et en
compensation des nouvelles charges qui seront
imposées la cité, par suite de sa nouvelle
position de ville ouverte. Des cessions de terrain
et de bâtiments sont sollicitées divers litres et
les motifs qui doivent engager l'administration
supérieure y consentir, sont exposés dans un
mémoire explicatif très-étendu.
Le Conseil, l'unanimité, adopte celte déli
bération, et décide qu'elle sera, avec les pièces
et plans l'appui, transmise l'autorité supé
rieure.
M. le président fait connaître qu'à dater d'au-
jounl hui, l'entrée en ville par la porte de Bailleul
est supprimée L'aubête l'usage des employés
de l'octroi, en station près de celle porte, sera
louée par adjudication publique, afin qu'elle ne
soit pas dévastée pendant qu'elle resterait
inoccupée. Le Conseil est d'avis de ne pas louer
Ïiaiuleitaii*-«a— •-.>•»» »u»cepiiDies «le servir
e dépôt de marchandises près Ue la station,
avant qu'ils ne soient nivelés.
L'assemblée, sur la proposition faite par le
collège, décide qu'un plan de nivellement géné
ral de la ville sera dressé. M. Bûcher, coiumis-
saire-voyer de l'arrondissement, sera chargé de
ce travail utile et important.
Le Conseil, avant de se séparer, prend com
munication d'un plan fait pour la construction
d'un abattoir ériger sur la Dlaine d'amour ou
au nord du Marché-aux-besiiaux. Ce travail
sera déposé l'examen de MM. les conseillers
au secrétariat ou communiqué domicile, si
des membres du Conseil le préfèrent.
Dans la dernière séance du Conseil, M. Wyers,
professeur litre intérimaire de la classe de
troisième au Collège communal, a été nommé
définitivement cette chaire, avec jouissance
du minimum du traitement attaché cette
fonction.
qui suis l'auteur de votre ruine: tuais d'un mot, madame,
vous pourriez tout réparer. Daignez seulement, dans la
réponse que vous accorderez sans doute la lettre que je
vous ai écrite, me faire connaître votre décision.
Ceci prouva madame de Sainl-Eslève qu'elle avait
eu raison de ne point se presser d'envoyer au comte sa
première épitre. Cependant sa position présente lui im
posa quelques amères réflexions, parce qu'elle savait
bien qu'en se mariant elle faisait le sacrifice de sa liberté;
mais le comte mettait tant de grâce tant de bonté, tant
d« générosité, tant d'ardeur dans ses offres, et il était si
doux, surtout pour une coquette, de ressaisir au passage
une fortune si rapidement éclipsée, qu'elle résolut d'en
passer par la perte de son indépendance pour retrouver
ce qu'elle avait perdu. La richesse, l'or et un noble litre
sont d'ailleurs des moyens si concluants d'attraction
Elle céda.
J'accepte, dit-elle bas l'oreille du comte.
k Soit et j'en dis cent fois merci au cisl et vous,
madame Ma fortune est désormais la vôtre, repartit avec
une indicible joie d'enfer le comte, qui la couvrait des
yeux; oh oui, ma fortune entière est vous, elle est
vous comme vous êtes moi; hâtons l'heure, bâtons
l'heure; je brûle d'y toucher.
Vous êtes jeune, dit en souriant madame de
Saint-Estève.