JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
3* 1.360. 14' Année.
Dimanche, 14 Mal 1844.
Ipbes, 13 liai.
LA MAIN-MORTE ET LA CHARITÉ,
ABONNEMENTS Ypres (franeo), par trimestre, 5 francs 50c. Provinces,4francs, f Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout cc qui concerne le journal doit
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it-
Après le décès de la république française il
était devenu de mode de dénigrer le gouver
nement parlementaire ou constitutionnel. Le
despotisme avait maîtrisé l'anarchie socialiste et,
sous son impulsion, on tirait boulets rouges,
sur le gouvernement du pays par le pays, sys
tème qui, notre avis, est le plus perfectionné,
le plus rationnel et le plus salutaire pour les
nations civilisées.
Le coup d'état réussi sentait le besoin pour
faire absoudre la violence qu'il avait employée,
de démonétiser le soi-disant parlementarisme
qualification qu'il appliquait aux institutions
constitutionnelles, pour pouvoir se dispenser
d'en doter la France et, son exemple, les abso
lutistes de toute nuance et de toute couleur,
depuis le fanatique partisan de l'inquisition,
jusqu'au niveleur-communisle, se mettaient
déblatérer l'envi contre le gouvernement con
stitutionnel.
Cependant les derniers événements qui émeu
vent si profondément le vieux continent, qui
arrêtent l'industrie dans son développement,
entravent le commerce et font planer une gêne
universelle sur tous les pays, pourraient bien
remettre en faveur ce maudit parlementarisme,
dont certains avaient l'air de ne faire aucun cas.
S'il est vrai que la guerre est un fléau il est
bon de la rendre impossible, et le meilleur
moyen de l'empêcher, c'est de ne pas mettre
les fonds indispensables pour la faire, la dis
position des gouvernements. Mais un pareil
moyen ne peut être employé que dans un pays
où la nation est consultée sur les questions qui
l'intéressent un bien plus haut degré, que le
chef qui règne d'après une constitution, contrai
synallagmalique convenu entre lui et la nation.
Aussi la guerre de conquête n'est possible que
de la part d'un empire, en lequel le monarque
résume tous les pouvoirs, et où il dispose en
souverain maître de la vie et des biens de ses
sujets. Si la Russie entame une lutte contre la
Turquie pour la démembrer et jouir d'une
par jean van damne.
Durant plus de cinq cents ans, la puissance souveraine
a fait de vains efforts, dans presque tous les Etats de
l'Europe, pour arrêter les envahissements des corpora
tions, quant la possession des biens. Depuis le treizième
jusqu'il la fin du dix-huitième siècle, on rencontre une
succession de lois, échos de plaintes générales qui avaient
été longtemps répétées avant d'être entendues, et dont ie
but constant était de mettre un frein, dans l'intérêt des
familles cl dans l'intérêt de l'État, l'insatiable avidité
des gens de main-morte. La multiplicité des édits ne
faisait qu'attester l'inanité des prescriptions de l'autorité
publique. Enfin l'on comprit presque partout qu'il était
devenu nécessaire de substituer des mesures efficaces
des commandements toujours méprisés, et l'on commen
çait, en divers pays, d'importantes réformes louchant les
biens des corps moraux, lorsque la révolution de 4789
éclata.
Dès le 2 novembre 1789, les biens du clergé furent
mis disposition de la nation. Bientôt après, les ordres
monastiques furent supprimésles vœux perpétuels
abolis; toutes les corporations et congrégations séculières
d'hommes et de femmes, ecclésiastiques ou laïques, furent
éteintes et supprimées. Les bénéfices, les substitutions,
les fidcicommis furent prohibés.
Çc régime, rendu applicable la Belgique, fut invaria
blement maintenu dans son ensemble pendant le Consu
lat et l'Empire; en France, pendant la Restauration et le
partie de ses dépouilles, la raison en est que
son empereur peut au gré de ses volontés dé
chaîner la guerre et la paix, comme il 1 entend,
sans que l'intérêt du peuple sur lequel il règne,
soit consulté Des institutions parlementaires,
incompatibles jusqu'à ce jour avec l'état de civili
sation auquel les Russes sont parvenus, eussent
modifié et amoindri cette omnipotence toujours
dangereuse entre les mains d un seul homme
sans contre-poids.
Si on considère maintenant, que ce sont les na
tions qui supportent seules le poids de la guerre,
bien léger pour l'autocrate quipar caprice ou
par rapacité, lente de démembrer un empire,
il faut convenir que les habitants sont bien
plaindre de voir leur vie et leurs biens mis en
péril par la volonté d'un homme soumis comme
eux aux vicissitudes humaines. Ensuite, les dé
penses improductives faites en armements et en
approvisionnements militaires,doivent provenir
des richesses amassées par la nation et sont préle
vées sous forme d'impôt. L'élat de guerre entraîne
avec lui une consommation dimmenses capi
taux qui sont fournis par le travaille com
mercel'industrie et 1 épargne. Un pays qui
aurait le droit de peser les avantages et les
chances de pertes d'une guerre de conquête
ne permettrait jamais sou souverain de 1 en
tamer, moins d y être provoqué par une in
sulte grave équivalente une atteinte l'hon
neur; qui existe pour les nations comme poul
ies individus.
Actuellement la guerre n'est devenue possible
en Europe, après une paix de trente-neuf ans,
que pareeque les nations ont, pour la plupart,
cédé des mouvements révolutionnaires qui
ont, par réaction, ramené le règne du despo
tisme sous diverses formes et, nous devons
lavouer, aux applaudissements de tous ceux
qui s'arrêtent la superficie des choses et ne
remontent pas aux conséquences. Mais les folies
socialistes et la guerre ont fait rétrograder la
civilisation car pour nousle témoignage le
plus incontestable du degré de civilisation au
quel un peuple est parvenu, consiste dans son
Gouvernement de juillet; en Belgique, aussi longtemps
que subsista le royaume des Pays-Bas. On n'y fit que de
rares exceptions, les unes généralement approuvées,
comme le rétablissement des congrégations hospitalières;
les autres qui ne reçurent jamais la sanction de l'opinion
publique, comme l'institution des majorats. Une réaction
les fit revivre en France, une révolution nouvelle les
abolit. Mais dans leur essence, les principes nouveaux
qui refusaient aux corporations la participation la jouis
sance des droits civils, ne subirent aucune atteinte.
En haine de la corporation, on alla même jusqu'à pres
crire la simple association. Autant il était juste et légi
time de ne laisser subsister que les corps qui avaient une
évidente utilité sociale, autant il était tyrannique et
odieux d'interdire aux hommes d'user librement de la
faculté de s'associer.
C'est ce que comprit le gouvernement provisoire au
lendemain de la révolution de 1830.
Considérant, dit-il que les entraves mises la
liberté d'association sont des infractions aux droits
sacrés de la liberté individuelle et politique, arrête: il
est permis aux citoyens de s'associer comme ils l'en-
tendent, dans un but politique, religieux, phiioso-
phique, littéraire, industriel ou commercial; la loi ne
pourra atteindre que lesactes coupables de l'association
ou des associés, cl non le droit d'association lui-même.
Les associations ne pourront prétendre aucun
privilège.
Ainsi, droit absolu de s'associer, mais point de privi-
[1] Arrêté dn tft octobre 1839.
intervention plus ou moins prépondérante dans
la direction des affaires. Une nation courbée
sous la verge du despotisme, est menée la
guerre comme un vil troupeau on la trompe,
on la fanatise et on la ruine, sans même qu'elle
se doute être le jouet d'un souverain omnipo
tent, ayant des caprices satisfaire.
Un peuple qui vil sous l'égide d'institutions
constitutionnelles, consulté sur l'opportunité
de la guerre ou de la paix, se décide d'après ses
intérêts, et dans tous les cas, par le vole de
l'impôt, reste l'arbitre de ses destinées. Il y a
des guerres nécessaires, que les nations les plus
civilisées doivent savoir entreprendre avec réso
lution conduire avec énergie et ne terminer
que quand le but est atteint. Mais des guerres
de celte espèce sont populaires pareequ'il ne
s'agit pas d'un caprice du souverain ni d'un
lambeau de territoire ajouter au sol de la
patrie, mais des intérêts, de la position de
chacuti de ses habitants, menacés par les sau
vages entreprises d'un autocrate, fasciné par le
pouvoir absolu qu'il exerce dans son empire.
On peut déplorer la nécessité de soutenir des
guerres de ce genre mais les nations gouver
nées constiluliounellement. ne les provoquent
jamais, et avant de les déclarer, elles négocient
bien longtemps pour les éviter, pareeque le
gouvernement d'un pays libre a sa responsabi
lité sauvegarder vis-à-vis de la représentation
nationale.
Enfin, aux yeux de la raison et de la logique,
il n'est pas légitime de dilapider les richesses et
de faire couler flots le sang d une nation, sans
qu'elle soit le moins du monde intéressée sou
tenir une lutte odieuse et insensée, et nous
croyons que s'il y avait eu en Russie, un gou
vernement de publicité au lieu d'un régime de
ténèbres, l'état de guerre de nation nation en
Europe, ne serait pas revenu de longtemps et
la paix aurait pu être maintenue, au grand
bonheur de l'humanité.
Nous engageons nos lecteurs lire la bro
chure La Main-morte et la Charité, par Jean
lége, tel fut le double caractère du principe nouveau que
l'on proclamait.
Deux mois peine après l'arrêté du 16 octobre 1830,
le prince de Méan, archevêque de Matines, s'adressa au
congrès national pour l'engager garantir la re-
iigion catholique celte pleine et entière liberté qui
seule peut assurer son repos et sa prospérité. 11
disait, au sujet des associations religieuses
Les obstacles que les gouvernements précédents ont
mis au droit qu'ont les hommes de s'associer pour
opérer le bien, et qui pesaient particulièrement sur les
associations religieuses et de bienfaisance des calho-
liques, font généralement désirer ceux-ci que la
liberté de s'associer, déjà rétablie par le gouvernement
provisoire, soit confirmée dans la Constitution, et
n qu'il soit assuré aux associations des facultés pour
acquérir ce qci est nécessaire a leur existence.
On voit naître ici une pensée toute différente de celle
qui animait le gouvernement provisoire. Le gouverne
ment provisoire admettait la liberté d'association sans
restriction, mais sans privilège; M. l'archevêque de
Matines réclamait pour les associations religieuses et de
bienfaisance une personnification civile.
La question fut donc posée entre les partisans de la
liberté, telle que la voulait le gouvernement provisoire,
et ceux qui ta liberté seule, le droit commun, ne parais.
[2] Séance du Cougiè* national Ou 17 décembre 1850 11 est
donué communication de la lettie de l'archevêque du 13 oclobie
1830. Discussion du Congrès nntionsl ds JUcIgijue, par M. Êiuiic
Hoyttens, 1.1, p. 535.