JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Vires acquirit eundo.
N°1,375. 14e Année.
Jeudi, 6 Juillet 1*54.
ABONNEMENTS YpAes (franco), par trimestre, 3 francs 50c. Provinces,4francs.
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Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tpmes, I Juillet.
Nous avons eu l'outrecuidance d'avancer que
l'opinion publique, en Belgique, commençait
être inquiète des allures du clergé catholique et
bon droitcar jamais minisires d'un culte
n'ont mis autant de contradiction entre leurs
paroles et leurs actes. De ce chef, nous sommes
signalés comme des libérdtres ou des libéra-
listesdeux jolis synonymes de la qualification
de libéral. Inutile de dire que l'invention en
appartient aux scribes religieux confits en hon
nêteté et en bienséance.
Toutefois, comme nous voulons augmenter
un peu la mauvaise humeur des feuilles cléri
cales nous prenons aujourd'hui la liberté
extrêmede constater que les allures de la
hiérarchie catholique suscitent, dans plusieurs
autres pays, des mécontentements qui se tra
duiront bientôt en lutte ouverte et patente.
Déjà quelques gouvernements ont compris que
le clergé catholique, sous prétexte d'enseigne
ment et de charité, voulait pressurer la nation
et revendiquer des privilèges incompatibles avec
les intérêts civils de la société.
Aussi presque partout le clergé catholique
agit révolulionnairementse moque des lois
civiles et méprise l'autorité laïque, moins que
celle-ci ne lui inspire une crainte salutaire. C'est
ainsi qu'en Sardaigne dans le duché de Bade,
en Espagneen Angleterre mêmeun mouve
ment de résistance très-énergique, contre les
empiétements du cléricalisme, s'organise et tend
se généraliser. A ce sujet, nous trouvons dans
VIndépendance une correspondance qui fournit
des renseignements que nous croyons devoir
mettre sous les yeux de nos lecteurs
Etonnez-vous après cela, que le gouvernement
de Sardaigne persiste, comme c'est son droit et son
devoir, séculariser le clergé en lui enlevant ses
immunités et en le faisant rentrer dans le droit
commun, en lui étant ou en surveillant l'adminis
tration de ses biens; que le grand-duché de Bade et
d'autres petits États du Haut-Rhin interviennent,
d'unq manière plus ou moins violente, et qui n'ôte
rien leur droit, pour rétablir aussi dans leurs pro
vinces le droit commun l'égard des biens du clergé
sous l'autorité et la surveillance de l'État; que
l'Angleterre elle-même commence s'effrayer (non-
seulement en entendant le bruit que l'on fait pour
réveiller de vieilles prétentions; mais en voyant le
clergé et les couvents catholiques l'œuvre) de]
l'accroissement trop rapide des biens de main-morte
dont ils disposent; que partout, en un mot, où les
catholiques sont un peu nombreux, sans parler des
pays où ils dominent, en Amérique comme en Eu
rope, il s'élève des questions brûlantes ou extrême
ment vives au sujet de ces envahissements du spi
rituel ecclésiastique sur le temporel, sur le domaine
de l'État
Étonnez-vous après cela, et surtout depuis que
l'Univers et le parti ultramontain se sont arrogé,
pour eux seuls, le droit de liberté, jusqu'au droit de
persécution inclusivement, dès qu'ils seront les plus
forts ou les maîtres; que des gouvernements protes
tants soient redevenus ombrageux ou persécuteurs,
leur tour, envers les catholiques, et que même la
plupart des Etats catholiques de l'ancien et du nou
veau monde aient cru devoir reprendre une attitude
défensive et quelquefois hostile l'égard de l'Église
ou du clergé catholique
L'Univers l'a dit hautement, et il l'a répété avec
intention plus d'une fois Nous seuls, possesseurs de
la vérité, nous seuls avons droit la liberté; et, en
vertu de ce principe, nous seuls avons le droit de
contraindre et de persécuter ceux qui s'éloignent de
notre croyance. Que lui fallait-il de plus pour pro
voquer, pour irriter, dans le monde chrétien tout
entier, et ses adversaires catholiques, et tous les
hommes pieux et sincères des autres communions,
et tous les libéraux, les plus honnêtes et les plus
modérés comme les plus exefusifs? Or, jé le dis et je
le soutiens avec la plus profonde conviction (et vous
savez, Monsieur, si personnellement j'ai la moindre
propension méconnaître les droits de la religion et
de l'Église), tant que l'Univers ne sera point désa
voué par le clergé au nom de qui il parle, je vais plus
loin, tant qu'il ne sera pas forcé de se rétracter ou de
se tairte, il est impossible de prévoir où s'arrêteront
les conflitssoulevés entre l'Église catholique et peu
près sans exception tous les États du monde civilisé.
11 n'y a plus dans ces questions aucun principe de
pacification invoquer ou faire intervenir. C'est,
d'un côté, la guerre, toujours la guerre contre la
société, contre les droits les plus sacrés de la puis
sance temporelle; et c'est, de l'autre, qu'on le veuille
ou qu'on ne le veuille pas, une réaction incessante,
et comme de juste plus qu'une réaction, une guerre
de représailles perpétuelle. On veut, on convoite,
par tous les moyens, la domination, parmi les me
neurs et les agents du parti ultramontain; eh bien,
ils seront forcés de subir eux-mêmes le joug dont ils
se plaignent d'avance par la plus insigne contradic
tion qui se soit jamais vue. Ils ont eu l'audace
incroyable de défendre et de demander leur profit
jusqu'au droit ds persécutionle droit dea dragon
nades et le droit des tortures (les bûchers compris)
de l'Inquisition Eh bien, qu'en pensent-ils, les
dispositions nouvelles qui se manifestent de toutes
parts, au sein comme en dehors du catholicisme,
contre l'ultramontanisme, ne sont-elles pas un
symptôme suffisant de ce qu'ils ont le droit d'atten
dre et d'espérer, je ne dis pas de leurs ennemis, mais
de leurs adversaires mêmes les plus modérés
L'HOTEL PIMODAN
première partie.
Le Passeux de Vile aux Vaches.
Én 1638, époque laquelle se passe la première partie
de ce récit, la pointe de l'Ile Saiot-Louis vers laquelle
nous conduisons le lecteur, était loin d'offrir un aspect
semblable celui qu'elle présente en cet an de grâce
1851 il nous paraît donc indispensable de lui restituer
en peu de lignes sa physionomie ancienne. L'ile Saint-
Louis se composait d'abord autrefois de deux îles de
l'île Notre-Dame et de l'ile aux Taches. Ces deux îles
réunies n'en formèrent bientôt plus qu'âne. La partie de
Test était échue Luc Le Poullelier, secrétaire de la
chambre du roi dans cette partie se trouve encore une
rue qui porte son nom. L'ile Notre-Dame, appelée an-
jourd'hui l'île Saint-Louis, ne reçut ce premier nom que
parce qu'elle relevait de l'église métropolitaine, et qu'elle
lui appartenait en propre. Elle se trouvait partagée
d'abord en deux par un petit bras de la rivière; ce bras
la traversait dans l'endroit même où est" maintenant
l'église Saint-Louis. Dans la plus petite de ces îles (l'ile
aux Vaches) on menait paître les bestiaux dans la plus
grande (lile Notre-Dame), le chapitre régnait en maître
si absolu que, malgré plusieurs arrêts du conseil obtenus
par les entrepreneurs des constructions de l'île, com
mencées en 1614, ses oppositions seules empêchèrent la
construction du pont Marie,'jusqu'à ce que le roi inter
vînt et promit de donner dans un mois, au chapitre,
cinquante mille livres. Le chapitre de Notre-Dame tra
versa les entrepreneurs jusqu'en 1642. Ces entrepreneurs
étaient Christophe-Marie, entrepreneur général des ponts
de France, Le Regrattiertrésorier des Cent Suisses, et
Poulletier,commissaire des guerres. En 1616, Christophe-
Marie s'était déjà oblige joindre, eh dix ans, les deux
îles, les environner de quais revêtus de pierres de taille,
y bâtir des maisons, y faire des rues, et un pont vis-
à-vis celles des Nonaindières. Après avoir fait bâtir une
partie de l'île, Marie et ses associés se rebutèrent. Leur
traité fut cédé par eux, puis repris, puis recédé l'en
treprise ne fut achevée qu'en 1647, par Herbert et autres
habitants de l'île. Toutefois, dès 1635 le pont Marie était
terminé. Il faut bien le diée, pour un Parisien peu fait
aux merveilles monumentales de l'Espagne ou de l'Italie,
ce pont l'un des trois par lesquels on entre dans l'île,
réalisait un magnifique travail. Sur ses cinq belles arches
de pierre, complétées par quatres piles et deux culées,
s'élevait une double ligne de maisons uniformes et pro
fondes de quatre toises. Le pont lui-même en avait
Le Journal des Bazilis a repris ses pipeaux
champêtres pour nous roucouler ses jolis airs
de la conciliation et de la modération. A ce
sujetil nous donne une édition nouvelle de
quelques passages d'uu factum de M. Jules
Malou dédié son ami Pierre De Decker,
(iarcades arnbosur la politique nouvelle lisez
libérale, qui effectivement était nouvellecar le
cléricalisme a toujours eu soin de ne pas la
laisser prévaloir même sous le pavillon soidisant
mixte.
Cette nouvelle symphonie modérée et con
ciliante, a été exécutée la suite d'un article du
Progrès, qui, voyez l'horreur avait osé impri
mer dans ses colonnes, que le prêtre catholique
n était pas un citoyen, que de son propre aveu,
il était affecté de cosmopolitisme, mais romain
avant tout. Eh bien! il faut croire qu'il u'y a
que la vérité qui blesse, car l'estimable Journal
des Baziles s'est voilé la face, et cette énormité
l'a engagé de nouveau répéter son éternelle
ritournelle de la modération et de la concilia
tion, pour toute réponse.
Comme on peut s'en assurer, le prêtre catho
lique n'est qu'un soldat de cette milice romaine
qui actuellement fait la guerre aux institutions
de tous les peuples libres, qui ont voulu s'affran
chir de la tyrannie déguisée qu'exerçaitavant
1789, le clergé catholique sur le domaine
temporel. Aujourd'hui que les attributions des
pouvoirs sont mieux déterminées, on a jugé con
venable de ne pas reconnaître le clergé litre
d'autorité et que cela lui convienne ou non,
il faudra bieq qu'il se renferme dans celle
position qui est la seule que la société peut lui
donner, sans aliéner son indépendance et se
trouver la merci d'une caste avide de richesse
et de pouvoir.
son immense carré couvert de toits encore rares et bordé
de quais, alors en voie de construction, ne pouvait lui
opposer que le pont Rougeencore celui-ci était-il de
bois, comme le pont de la Tournelle. Ce dernier même
venait de se voir emporté par les glaces et le débordement
de la Seine ^n 1637, Tannée d'avant. Le regard du pas
sant plongeait travers les fenêtres neuves des maisons,
d'un côté sur cet horizon de fabriques et d'édifices qui
s'arrête peine au Louvre, de l'autre sur l'étendue alors
inculte de terrains coupés par la Seine, qui donne aux
paysages les seules limites de Charenton. Le marteau des
travailleurs retentissait déjà la pointe de lïle aux
Vaches; tout ce que la cour comptait de seigneurs ou de
gens riches marchandait, soit par spéculation, soit par
luxe, ce sol vierge encore, sur lequel L'édilité mettait la
main, et qu'elle vendait au plus «ffrant. Les événements
de la guerre étaient de nature satisfaire les esprits,
l'œuvre lente et progressive de Richelieul'abaissement
de la maison d'Autriche allait se voir dû tu succès de nos
propres armes. Louis XIII avait alors six armées sur pied
dans les Pays-Bas, dans le Luxembourg et la Champagne,
en Languedoc, eu Italie et en Piémont. Le duc de RobaD,
ce chef fameux des Huguenots qui s'était soumis au roi
après le siège de La Rochelle, venait de mourir Rhin-
cinquante de longueur. L'ile Notre-Dame développant i feld, après s'être signalé par plusieurs victoires contre les