JOURNAL D7PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
N° 1,377. 14" Année. Jeudi, 13 Juillet 1814.
L'HOTEL PIMODADT.
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ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 5 francs 50 c. Provinces,4 francs. I Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
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fPRES, 19 Juillet.
Nous reproduisons textuellement le discours
prononcé par M. le Gouverneur de la province,
l'ouverture de la session du Conseil provin
cial. Ce discours contient un exposé de la situa
tion^ industrielle que nous recommandons
l'attention de nos lecteurs; dans un langage
simple, mais fleuri, M. De Vrière traite de la
crise industrielle qu'a eu traverser notre pro
vince et des moyens qui ont contribué faire
revivre nos industries; nous craiudrions d'affai
blir ce discours en l'analysant; un seul passage
toutefois nous semble mériter quelques obser
vations, cest celui relatif aux projets de route.
M. le Gouverneur avoue que les ressources
actuelles de la province sont insuffisantes pour
les nombreux projets de route dont on demande
la construction; mais il prétend que des motifs
impérieux, mûrement méditésobligent l'au
torité provinciale se renfermer dans les limites
que la situation actuelle lui assigne. Quels sont
ces motifs impérieux? Nous regrettons que
I honorable chef de la province ne les ait point
fait connaître. 11 est pour nous une raison
péremptoire contre les limites que l'on assigne
aujourd'hui l'intervention de ta province dans
les travaux de la voirie. En principe, en effet,
la province a fournir le tiers de toutes les
depeuses pour routes, qu'elles soient construites
par les communes ou par l'Etat or, ce tiers
n étant que d'environ cent dix mille francsla
province ne peut léclamer au-delà de pareille
somme sur les fonds du gouvernement, tandis
que sa partdans le chiffre actuel des crédits
qui figurent aux budgets de I ultérieur et des
travaux publics, pourrait s'élever en toute
équité près de 220,000 francs. Les limites
actuelles que l'on assigne l'intervention de la
province ont donc pour effet de retarder, quant
présent, un grand nombre de projets de route,
et elles compromettraient leur exécution dans
l'avenir si, par la suite, le chiffre des subsides
du gouvernement venait être réduit pour des
motifs quelconques. Nous reviendrons sur
celte question.
première partie.
Le Passeux de File, aux Vaches.
(suite).
L'Italien, après avoir croisé ses bras sur sa poitrine,
regardait silencieusement maître Gérard.
Tu 11e comprends donc pas que je veuille me noyer,
dit-il au passeux. Dame mon gentilhomme, c'est une
idée comme une autre... répondit Gérard en affectant un
grand flegme. Seulement, je trouve que vous quittez la
vie de bonne heure... La vie I tu en parles comme
d'un bien assuré, reprit l'inconnu; serais-tu donc heu
reux, par hasard Ça, continua-t-il en frappant la table
du pommeau de son épée, qu'on me montre un heureux
et j'y croirai, la vie Hélas! monseigneur, dit
Gérard avec un soupir, je n'ai guère* le droit de vous
prêcher ici en faveur de la vie, moi qui vous parle. El
cependant, voyez-vous, non, ja ne me noierais pas
Cela veut dire que tu n'en aurais pas le courage. Je
suis aussi courageux qu'un autre dans l'occasion, mais
c'est un péché. Un péché, dis-tu? Oui, c'est un
péché que. de disposer ainsi de soi-même. Comme si der
rière nous, nous ne laissions rien. Allons donc mais
cela n'est pas possible. Tenez, Monseigneur, on oublie
toujours, en partant, quelqu'un que l'on aime ou qui
vous aime. On a une mère, une sœur, une femme ou un
ami. Je n'af rien de tout cela, brave homme; la famille
Messieurs,
Lorsque l'année dernière, j'eus l'honneur d'ouvrir votre session
ordinaire la situation générale da la province m'autorisait vous
dire, que si quelque catastrophe imprévue ne venait démentir les
prévisiou», nous pouvious espérer que les dernières traces de nos
années oalamiteuse* seraient effacées dans un avenir peu éloigné.
Cette situation malheureusement n'a pas duré; une crise ali
mentaire des plus graves est venue surprendre mus populations au
milieu des espérances d'une prospérité croissante.
Le souvenir de 1845 1847, avec son cortège de hideuse misère
et de profond découragement, nous émouvait vivement encoie,
lorsque la crainte d 'une disette, bientôt suivie des plus vives ap
préhensions sur la condition prochaine du travail, a fait place aux
perspectives riantes qui s'ouvraient devant nous.
Grâce au régime libéral introduit dans notre législation des
oéréales, le pays a été suffisamment approvisionné; toutefois le taux
élevé des denrées n'étant pas en rapport avec le prix de la main-
d'œuvre, nos classes laborieuses ont été en proie aux plus dures
privations.
Notre Flandre, peine relevée de sa longue agonie, a été de
nouveau soumise une épreuve cruelle mais elle n'a pas dû
mendier le pain de ses voisins; elle n'a pas, comme naguères, rempli
le monde de ses cris de détresse, elle a su vivre de ses propres res
sources, et surtout de son travail régénéré.
Les populations urbaines ont particulièrement souffert, et souf
frent encore de la cherté des subsistances; aussi est-ce dans nos,
villes que la charité publique, d'ailleurs admirable partout, s'est
manifestée de la manière la plus large et la plus ingénieuse dans
ces pénibles circonstances. Quand on considère que dans nos
agglomérations les plus populeuses, oest surtout en faveur de la
classe ouvrière vivaut des divers travaux de construction, que la
charité réclame des sacrifices aux familles aisées, on se demande
quel ne serait pas l'avantage pour le pauvre comme pour le riche,
que des occasions plus abondantes de travail, pendant la bonne
saison, rendissent moins nécessaires ces fréquents appelsà la charité
qui absorbent stérilement d'immenses sommes de salaires.
Indépendamment des ressources considérables qui ont été re
cueillies par des souscriptions et par des œuvres de charité depuis
le commencement de l'hiver, de nombreuses libéralité» sont venues
augmenter les moyens d'assistance de nos établissements publies,
dans une proportion qui dépasse de beaucoup le chiffre le plus
considérable qui ait été atteint jusqu'à ce jour. L'ensemble des
donations et legs faits aux bureaux de bienfaisante, aux hospices
et aux fabriques d église, s'éleye pour l'année 1851, la somme
de fr. 447,202-92 c.; c'est presque le double de la moyenne des
douatious pendant la période de 1848 1853, et presque le triple de
la moyenne obtenue pendant la période de 1841 1847.
S'il était vrai que les progrès de la civilisation ne peuvent pré
server du fléau d'un paupérisme toujours croissant, les contrées où
la terre ne peut nourrir qu'une partie des habitants, le capital social
tout entier ne suffirait plus un jour aux besoins de l'assistance
publique. Mais l'exemple de ces dernières années est là pour nous
tranquilliser autant on désespérait du sort d'une grande paitie de
nos populations l'époque où le travail industriel faisait défaut,
autant ou était rassuré sur l'avenir, dès le moment où l'industrie,
stimulée par le besoin, eût retrouvé de nouvelles et plus solides
conditions d'existeuce.
Et qui. Messieurs, ue serait confiant daus l'avenir d'un pays où
se sont produit de pareils exemples de courage, d'activité, et, je
dirai, de puissance vitale après un si profond abaissement! Pour
ma part, je le crois sinoèrement, taut qu'il y aura daus le monde
entier un lieu où il soit possible au commerce de trouver une
rémunération équitable pour le travail liumaio, l'accroissement du
paupérisme ne sera chea nous que local et partiel; et, si, comme
tous les pays qui nous entoureut. nous ne pouvons éviter que dans
certaines localités le nombre des indigents suive la marche asceo-
est le plus gênant des attirails quand on veut se jeter en
Seine. Je n'ai pas même un chien pour ami; mais en
revanche, j'ai là sur le cœur des choses qui m'empêche
raient de remonter sur l'eau si jamais je devais y revenir.
Gérard considéra l'Italien avec une sorte de frayeur
superstitieuse. Il avait souvent ouï parler d'une armée
occulte de bravi que le cardinal entretenait sa solde;
c'étaient des Padouans, des Vénitiens, de* gueux de
Manloue et de Naples. Il attacha sur l'inconnu un regard
insistant. Mais les prunelles bordées de cils gris du vieil
lard furent bientôt forcées de s'incliner devant la flamme
électrique qui jaillissait des yeux de l'Italien; il resta
confus et tremblant devant cet homme. Était-ce un vé
ritable dépit d'amoureuxun désespoir de joueur, ou le
remords qui poussait l'étranger une résolution pareille?
L'inconnu s'était accusé trop franchement devant lui pour
que Gérard ne dût pas le croire sous l'obsession de quel
que délit; il n'hésita donc pas lui demander si d'aven-
turc il s'était battu en duel, contrairement aux édita du
cardinal.
Le cas serait grave, ajouta l'honnête passeux, mais
ce n'est pas une raison pour se tuer, quand on a tué son
ennemi dans les règles. Je ne me suis pas encore battu
ici, reprit l'étranger, je suis dans cette ville depuis six
jours. Mais enfin, mon noble seigneur, dit Gérard en
joignant les mains, par quelle circonstance cruelle?...
Encore un coup l'ami, vos questions sont inutiles, je
me noie, parce que tel est mon bon plaisir, je me noie
parce que je ne veux ni ne dois plus vivre.
dan te de la population, avec quelle satisfaction ne devons-nous paa
voir le domaine da pauvre s'agrandir inc.ssamment, et s'accroître,
en une seule année, d. l'énorme somme de 400,000 francs!
La classe ouvrière de nos districts industriels a souffert de moins
dures privations que celle de quelques-unes de nus villes et de nos
communes purement agricole. Le travail, quoique languissant par
intervalles, a été maintenu, et conserve jusqu'à ce jour une activité
qui, dans les circonstances actuelles, doit être oonsidérée comme
très-satisfaisante.
line fabrication très-importante, celle des articles de Roubaix,
n'a pas peu agrandi la place qu'elle a prise dans notre sphère indus
trielle,et a contribué, pour une grande part,A améliorer la situation.
Cette industrie que de meilleurescoudilions économiques avaient
d'abord attirée sur notre territoire, ne s'y est fixée définitivement
que depuis tes événements politiques de 1448.
Chassées du sol Datai par le besoin, pendant la orise alimentaire
et industrielle de 1845 1847, des masses considérables de tisse
rands étaient allées chercher en France, une existence moine
pénible, et s'étaient établies d'une manière permanente dans ce
pays. C'était Roubaix et les communes environnantes qui avaient
recueilli le plus grand nombre de ces émigrants. Mais quand surviut
la révolution française de 1848, les ouvriers belges furent obligés
de rentrer daus leurpatrie. Ilsy revinrent enrichis de la cuunaîssan-
ce d'une industrie nouvelle. Quelques-uns des plus intelligents
étaieutdevenuscontra-maîtres. Dèsc«mumeut, l'impulsion donnée
la fabrication des articles de Roubaix, en Belgique, devint plus
caraotérisée.
Depuis quelques années peine, oelta nouvelle industrie s'était
annoncée par des essais timides cl se bornait modestement pro
duire pour la cousommation du pays. Bu detiors d. marché belge,
elle considérait la concurrence contre la fabrication frauçaisc com
me impossible. Mais quand les rares fabricants qui existaient a cette
époque se virent dotés des éléments de succès que leur .envoyait
la Frauoe, quand ils s'apperçurent par les résultats que donnait la
toile, que, grâce au bas prix de la main-d'œuvre, daus oette période
calamiteuse, il y avait possibilité d'exporter eu concurrence avec
la France sur les marchés étrangers, des expéditions furent tentées
la suite de celles des produits liniers. et furent, comme celles-ci,
couronnées de succès. Bientôt des essais nombreux furent faits
dans toutes les directions, et amenèrent de nouvelles expéditions
qui déterminèrent le développement des fabriques existantes et ta
création de nouveaux établissements. Aujourd'hui, l'anoienae in
dustrie de Roubaix compte des oentaines de fabricants dans la
province; d'abord implantée dans les communes frontières, ses
racines ont gagné peu àpeule terrain environnant, et nous ia voyou s
déjà porter ses fruits dans les arrondissements de Thiell et de
Roulsrs.
En tenant compte de la crise commerciale que nous traversons,
nous pouvons considérer oette industrie comme en pleine voie de
prospérité; la crise passera; et, quand la paix et une abondante ré
colte auront ramené la oonbance et ranimé la consommation, notre
domaine manufacturier se trouvera définitivement enrichi d'une
industrie puissante, placée dans les meilleures conditions de pro
duction et de concurrence, et dont les fabrioats appartenant a la
grande consommation, s'adressent au monde entier.
Avant le ralentissement des affaires, provoqué par ia question
d Orient, notre exportation en transit par la France était devenue
considérable; les commissionnaires de Roubaix fesaieut exécuter en
Belgique les ordres qu'ils recevaient des pays étrangers pour les
articles communs. Ce genre d'opérations a nécessairement subi
I influence des événements extérieurs et a momentanément fait
languir notre fabrication. D'un autre côté, le malaise de l'industrie
étant plus général et plus considérable chex nos voisins qu'eA
Belgique, les ouvriers flamands, que l'appât d'un salaire plus élevé
avait attiré au-dela de la frontière, uut de nouveau été renvoyés
dans leur pays. Nos fabricants se sont ainsi trouvés en face d'opéra-
Cctte fois, le front de l'Italien s'était assombri, sa
parole était devenue si brève et en même temps si ferme
que le passeux ne répliqua plus. Il fit semblant de cher
cher dans sa cahuttc une nasse dont il avait soin, disait-il,
de se pourvoir dans son bateau chaque fois qu'il devait
sortir. Puis, sans que l'étranger put le voir, il s'assura
en même temps de la présence d'une petite cassette en
bois demandai qu'il cachait chaque soir sous son oreiller.
La rivière chapolait autour des planches de la cabane, et
le veilleur de l'Arsenal venait de crier huit heures.
Maître Gérard, en continuant ainsi divers préparatifs,
espérait gagner du temps; mais il avait faire forte
partie. Depuis quelques secondes pourtant, l'inconnu
semblait plongé dans une sorte de rêverie mélancolique;
il s'était approché du berceau laissé dans un coin de celte
demeure, et il regardait ses branches d'osier presque
rompues.
Un enfant que vous avez perdu sans doute, et que
vous aimiez demanda-t-il au passeux avec intérêt.
Comment est-il mort? Cette histoire serait trop longue
vous conter, mon gentilhomme, répondit le bonhomme
avec malice; n oubliez pas que vous devez vous noyer
avant minuit... A minuit, soit; mais en une heure tu
peux me dire ton histoire. Voyons, fais-moi, l'ami, quel
que beau récit; demain je le conterai aux poissons.
Et 1 inconnu sourit d'un sourire amer et triste.
-— Après tout, mon gentilhomme, répondit Gérard
puisque vous l'exigez, je m'en vais vous satisfaire. Ce
berceau que vous voyez fut fait par mai, il y a quinze