JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 1,391. 14e Année. Jeudi, 31 Août 193 i.
Vires acquirit eundo.
L'ASSOCIATION LIBÉRALE
DE BRUXELLES.
INTÉRIEUR.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces,4francs. Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 50 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tpres, 30 Août.
Démission du ministère
de conciliation et de modération.
Une crise ministérielle vient d'éclater inopi
nément. Il y a déjà quelque temps, qu'on se
doutait de la maladie du cabinet de conciliation
et de modérationmais on ne s'attendait pas
un trépas aussi subit. Samedi donc les journaux
delà capitale nous ont fait part, que ce fameux
cabinet qui devait régénérer toutes choses en
Belgique, était tombé dans le domaine du passé,
moins que par un miracle de la conciliation
et de la modérationon n'essaie de galvaniser
cette combinaison frappée de mort son appa
rition.
Ce ministère composé d'hommes qui, indivi
duellement, appartenaient au libéralisme par
leurs antécédents, peut avoir eu pour mobile
d'excellentes intentions. Il est possible qu'à sa
formation, le personnel de ce cabinet ail voulu
suivre une ligne de conduite libérale, que ses
plans étaient de gouverner d'après le système
libéral. Mais une première difficulté se présen
tait. Il était inopportun de se mettre la place
d'hommes qui avaient fait leurs preuves et contre
lesquels le libéralisme n'articulait qu'un re
proche, celui d'avoir été trop généreux. Donc,
les conciliateurs et les modérés ne pouvaient
arriver au pouvoir, que pour faire les affaires
des cléricaux, puisqu'ils devaient se montrer
moins énergiques que leurs prédécesseurs.
Cette fausse position a pesé sur toute l'exis
tence du cabinet. Dans les négociations avec la
France, il a fait preuve d'une faiblesse déplo
rable; après avoir fait voter la loi sur la presse,
qui sauvegarde plus le caractère des souverains
étrangers que celui de notre roiun traité de
commerce a été conclu, par lequel la Belgique
a obtenu des concessions futiles en présence
des sacrifices énormes auxquels elle a consenti.
Le ministère avait ainsi résolu une des questions
qui étaient une des conditions de son existence.
Mais déjà, cette époque, on pouvait découvrir
les germes de marasme qui le minait.
La question extérieure, tranchée aux dépens
des véritables intérêts de la Belgique, restait la
question brûlante de la politique intérieure,
celle de l'enseignement moyen. Le ministère
de 1847 n'avait voulu traiter avec l'épiscopat,
en exécution de l'art. 8 de la loi du lr Juin 1850,
que par écrit, et toutes les pièces de la négo
ciation avaient été publiées. Comme cette façon
de jouer cartes sur table ne pouvait convenir
MM. de l'épiscopat, on avait insinué que c'était
par la faute du cabinet libéral que l'accord était
impossible. Le ministère de conciliation et de
modération continua négociermais sans
aboutir. Le bureau administratif de l'alhenée
d'Anvers vint au secours de ce cabinet qui,
malgré toute sa bonne volonté, ne pouvait ac
coucher d'une transaction quelconque. Une
convention fut formulée, qui obtint l'approba
tion de l'archevêque de Matines et la Chambre
et le Sénat, sans trop se rendre compte de la
portée de ce compromis soumis son appro
bation par le ministère, passa l'ordre du jour.
11 est devenu évident depuis que le cabinet,
probablement par modération et par concilia
tion, s'était laissé duper et avait induit en erreur
la législature qui n'entendait nullement donner
l'épiscopat la haute main sur l'enseignement,
ce qu'il parviendrait obtenir subrepticement
par la convention dite d'Anvers, si elle était
adoptée généralement. Nous ne voulons pas
nous occuper de l'expulsion de quelques réfu
giés français, pareeque jusqu'ici cette question
n est pas claire mais nous pouvons toutefois
ajouter que les explications ministérielles don
nées par le Moniteursont peu satisfaisantes.
En résumé, les hommes qui viennent de dé
poser leur démission, peuvent avoir eu les meil
leures intentions, mais une fausse position les a
précipités dans une série de fautes, qui ont
augmenté l'audace et les exigences du parti
clérical. Celui-ci, en effet, malgré toutes les
concessioas, n'était jamais content et voulait
toujours davantage le ministère, d'un autre
côté, mesure qu'il penchait davantage vers la
droite, perdait les sympathies de la gauche.
L'axiome qu'on ne peut contenter tout le monde,
est resté une vérité.
Au point de vue de noire localité, l'adminis
tration qui quitte le pouvoir, laissera, parmi
nous, de tristes souvenirs. On n'oubliera, de
longtemps, que sous le règne de la modération
et de la conciliation on a procédé la démo
lition de nos remparts séculaires et que, malgré
toutes les réclamations et les protestations les
plus énergiques, le gouvernement ne nous est
pas venu en aide pour faciliter la transition et
adoucir la position déplorable faite la ville
d Ypres. L'administration communale a été
bercée de belles paroles, de promesses de bien
veillance et de bonne volonté qui jusqu'ici sont
restées stériles.
«a m rsri
Depuis quelque tempsles journaux de
l'épiscopat se livraient des sorties furibondes
contre le règne des clubs, tandis que d'un autre
côté, partout où le parti clérical pouvait le faire,
il en érigeait son tour. Il est vrai qu'on ne les
qualifiait pas d'exécrables clubs mais on les
baptisait du nom pieux de confrériede confé
rence ou de congrégation. Qu'on veuille le
remarquer, aux yeux des feuilles catholiques,
la différence est essentielle Les réunions saintes
sont soumises l'impulsion de l'épiscopat, et
d'institution épouvantable quand elle est for
mée de libéraux, elle devient une bienfaisante
et honnête association, eu n'admettant dans son
sein que des électeurs votant avec M. le curé.
Mais toutes ces attaques contre les clubs et les
clubisles devaient avoir un motif et le but pa-
raitavoir été de désorganiser l'Association libérale
de Bruxelles. Si le parti réactionnaire pouvait par
venir empêcher la reconstitution de l'Associa
tion électorale de la capitale, les autres sociétés
du même genre, seraient, du même coup, mena
cées de dissolution. Alors le terrain électoral
serait déblayé du libéralisme, et le cléricalisme
ferait élire ses hommes d'affaires sans crainte et
sans opposition.
Ce petit calcul, qui n'était pas sans mérite,
vient d'être déjoué par le libéralisme de la capi
tale, et grâce, il faut hautement le proclamer,
l'énergie de M. Verhaegen. Il s'agissait de
reconstituer l'Association libérale où, la suite
d'une question purement matérielle, l'incorpo
ration des faubourgs, des germes de dissenlion
avaient éclaté. Tous les membres du comité
avaient donné leur démission et une commission
choisie par l'assemblée générale avait été char
gée de formuler un projet de règlement.
Le travail élaboré par celte commission s'é
loignait sensiblement de l'ancien règlement qui
comprenait le programme du Congrès libéral
de 1846. On peut se faire une idée de la joie
qu'aurait éprouvée la presse Catholique, si on
avait eu l'air de répudier indirectement la
charte du libéralisme.
Aussi M. Verhaegen a-t-il fait sentir toute la
portée du changement qu'on voulait intro
duire dans le règlement de l'Association et, sur
ses instances, l'assemblée est revenue l'an
cienne rédaction, d'aulaDt plus qu'il n'y avait
pas de différence au point de vue des principes,
mais seulement quant la forme. Il faut croire
que M. Verhaegen, en luttant énergiquement
eu faveur du programme du Congrès libéral, a
déjoué une machination du cléricalisme; du
moins s'il faut en juger par la fureur des organes
de ce parti. Il est impossible d'accumuler plus
d'injures sur la tête d'un homme que les feuilles
cléricales n'en lancent M. Verhaegen, et il
semble, pour que la presse morale et honnête
soit si furibonde, que l'Association libérale, re
constituée et devenue plus forte, menace de
conserver une influence telleque la réaction
désespère de pouvoir l'annuller.
Au marché de Samedi d', des symptômes re
grettables d'agitation ont eu lieu. Les céréales
présentées en Vente étaient en quantité consi
dérable. Il y avait au-delà de 8t0 hectolitres
de grain. Un farinierd'Houplinnes, avait acheté,
depuis l'ouverture du marché, un certain nom
bre de sacs, soixante environ, en marchandant
comme le fait un acheteur sérieux, et vers une
heure, on l'a signalé comme un accapareur.
Une certaine agitation a été remarquée et M.
Dumarcy, le marchand en question se rendit
l'Hôtel de la Tête d'or, suivi par un certain
nombre d'individus, inoffensifs toutefois. Il n'est
pas juste croyons-nous de dire que le com
missaire de police ait dû intervenir. Seulement
il a surveillé certaines personnes qui semblaient
plus animées que de coutume.
En somme, ce qui a eu lieu ne mérite pas
qu'on en ait parlé. Toutefois, nous blâmons
hautement les tentatives faites pour inquiéter
la liberté des transactions. Plusieurs actes de ce
genre pourraient faire en sorte que le marché
d Yp res devint désert, et il nous semble que ce
résultat serait plus grave que l'achat d'un
certain nombre de sacs de grains par les mar
chands étrangers ou les commissionnaires.
Du reste, le prix du froment a diminué con
sidérablement et une grande quantité de céré
ales, n'ayant pu être vendue, a été entreposée.
Retraite du ministère.
Vendredi, la suite d'un conseil tenu au
ministère des affaires étrangères, tous les mem-