JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Vire: acquint eunao.
N° 1,418. 14" Année.
I>fuiauclie3 Décembre 1854.
L'HOTEL FIMODAN.
Appel la bienfaisance.
ABONNEMENTS Tpres (franeo), par trimestre, 5 francs 50e. Provinces,4francs. I Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 50 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On no reçoit que les lettres affranchies.
Vphes, 2 Décembre.
Si quelque chose pouvait tirer la gauche
parlementaire de la voie d'illusion et d'erreur
sur laquelle elle semble glisser avec taot d'a
veuglement cl nous pouvons même ajouter
d'entêtement, ce sont, certes, les chants de
triomphe des organes de la presse épiscopale.
Ils ne se possèdent pas de joie et se figurent
déjà que la prépolence cléricale est un fait
établi et amtné par ceux qui ont accepté la
mission de la combattre en d'autres termes
ce sont des libéraux qui font les affaires des
éternels ennemis de toute liberté; ce sont des
laïcs qui se prêtent charger leurs commet
tants de chaînes cléricales; ce sont des manda
taires infidèles leur mandat, qui, par faiblesse
ou par ambition, laissent une minorité exploi
ter une nation qui avait trop compté sur leur
consistance et leur fermeté.
Oui, les journaux cléricaux peuvent chanter
victoire; ils ont raison de s'enorgueillir et de se
moquer de leurs pauvres dupes. Jamais fraction
d'uD parlement n'a fait un aussi beau plongeon
motivé par de plus misérables arguments.
C'est dans les moments difficiles qu'il faut savoir
se trouver la hauteur de sa mission par son
énergie et sa fermetéet si des dangers me
nacent la Belgique, ce n'est pas en s'humiliant
qu'on parviendra les écarter. C'est en faisant
tête l'orage, et s'il faut périr, au moins on
succombe alors avec honneur, et quand le mo
ment du reveil viendra sonner, la nation
Belge se reconstituera avec honneurtandis
qu'elle restera (flétriesi par de lâches conces
sions, elle se déshonorerait aux yeux des autres
peuples.
Le ministère soi-disant libéral a commeneé
rendre au parti clérical le service d'énerver
l'esprit public, et de jeter le doute et la défiance
dans la nation. Delà l'adoption d'une série de
mesures aussi maùvaises les unes que les autres,
il n'y a que la main, et ce ministère sans con
viction sans parti dans le parlement, en est
réduit s'engager dans la voie de la convention
d'Anvers, véritable fourberie cléricale, élevée
la plus haute puissancedans l'essai des probi-
le cabaret de la p0mme-de-p1n.
(suivi.)
Mariette échangea avec l'Italien un coup-d'œil de
doute. En ce moment mêmel'un des masques s'était
levé; il parlait voix basse au capitaine de ronde.
Encore une fois, elle nous a dit se nommer la com
tesse Alvinzi... répondit au masque le capitaine de ronde
sur le même tou. Alvinzi... murmura l'Italien part
lui c'est bien le nom que le passeux m'a dit ce soir...
Oh oui... celte femme... Pour ce jeune homme;
ajouta le capitaine en désignant du doigt Philippe
Gruyn celui qui venait d'entrer, je n'ai pas besoin de
vousapprendrequi il est. Nous l'avons trouvé tout proche
d'ici, arrêté sous les fenêtres de ladite dame, il attendait
peut-être la rentrée de son carrosse; or, la nuit un galant
ressemble un voleur, nous l'avons donc poursuivi. 11 j
suffira qu'il se réclame de vous... de son père... Recon-I
naissez-vous, sous ces habits de gentilhomme, Charles
Gruyn, votre fils, demanda le capitaine en riant. Je j
ne le reconnais que trop... capitaine... soupira le caba-
retier. Un enfant qui n'est bon qu'à me donner du
chagrin un coureur, un larron de nuit N'as-tu pas de
houte ajouta maître Philippe en montrant le poing
son fils. Mon père... dit le jeune homme en contenant
mal son dépit. Qu'allais-tu faire cette heure indue ?j
bilions des étouffements en matière commer- i
ciale, en attendant qu'on arrive des mesures;
de compression morale. C'est la gamme que,
nous aurons parcourir probablement, jusqu'à
ce que la liberté des nations ne se trouvera plus
offerte en holocauste en expiation des satur
nales révolutionnaires de 1848.
Nous passons par une crise qui porte avec elle
ses enseignements. Une fois de plus, on aura la
preuve qu'avec le cléricalisme, il n'y a pas de
transaction possible; tout ou rien, c'est sa devise,
et les députés de la gauche qui ont défendu la
convention dite d'Anvers, doivent avoir appris
qu'en fait de rouerie et du génie de l'intrigue,
les libéraux ne peuvent lutter contre les agents
du parti clérical.
Aussi, qu'on en convienne ou qu'on le nie,
la convention d'Anvers est une atteinte la loi
du lrJuin 1850, c'est une négation de l'indé
pendance du pouvoir civil, qui ne peut ensei
gner sans la centure de l'ordinaire du diocèse
le tout sous peine d'être privé d'instruction
religieuse. Et ce qui s'est fait pour l'ensei
gnement se fera également pour la charité et
on laissera, par couardise, le cléricalisme s'em
parer du domaine matériel, Mme il a été mis
en possession du domaine intellectuel par la
convention dite d'Anvers.
Heureusement ce ne sont là que des accidents
dans la vje des nations, et si le despotisme, de
temps en temps reparaît en vainqueur, il est
accoutumé depuis des sièclescéder pouce
pouce, le terrain la civilisation et la liberté.
Si les hommes sont faibles, les idées et la logique
ne fléchissent jamais.
M. Delehaye s'est fâché tout rouge la
Chambre, pareeque M. Verbaegen a dit que les
élections de Gand se sont faites sur une question
de vidanges et de police de cabarets.
M. Delehaye a trouvé dans ces mots une in
sulte la ville de Gandet nous sommes de
l'avis de M. Delehaye, qu'il est regrettable qu'une
ville comme Gand s'expose devoir entendre
ces dures vérités. Mais M. Delehaye, le trans
fuge, le renégat, qui ta vieille expérience n'a
réponds. Jeune homme, il est de fait que vous êtes
dans votre tort, reprit La Ripaille, qui, devaut au taver-
nier nombre de brocs payés aux gendarmes rouges en ce
lieu de plaisance, jugeait prudent de se ranger du côté
de maître Philippe. Monsieur le capitaine, répondit
Charles Gruyn, je ne vous ai point, je pense, adressé la
parole...
Cette phrase fut dite d'un ton si net, si profondément
empreint de fierté, que le capitaine resta interdit. Il
n'osa poursuivre, tant l'air et la figure de Charles Gruyn
commandaient alors la déférenct aux plus mal inten
tionnés. C'était un garçon d'une belle venue, comme on
dit communément; il avait les dents blanches et le sou
rire fin, la taille bien prise, le frpnt élevé, les yeux vifs;
seulement on remarquait chez lui un grand fond de
mélancolie... Il était âgé de vingt-un ans. Contre l'habi
tude des gens de sa classe, le fils du cabaretier portait en
effet, ce soir-là, un charmant justaucorps fleur-de-seigle;
il avait les rubans, les aiguillettes et la fraise. Ses man
ches larmes d'argent, tailladées l'espagnole laissaient
deviner aisément des membres robustes, et les pratiques
de maître Gruyn ne se rappelaient pas sans un certain
plaisir les joutes soutenues par lui, l'année précédente,
sur la Seine, au bas du pont Notre-Dame, devant les
maîtres échevins de la ville. Dans tout le quartier de l'Ile,
il était cité la fois pour son bon cœur et pour sa force.
La sévérité de maitre Philippe lui reprochait bien cepen-
pas appris, que des individus de son acabit sont
méprisables, aurait dû avoir la pudeur de ne
pas remuer cette fange, puisqu'il en a profilé.
Plus il sera question des élections de Gand,
plus on trouvera que l'issue et le produit de
cette questioq de vidanges, y compris M. Dele
haye n'offre au pays rien d'agréable ni de
flatteur.
Nous ne sommes nullement partisan de l'au
mône elle dégrade les malheureux au lieu de
leur venir en aide et de les relever fraternelle
ment. Cependant l'hiver est là, et chacun le
sait, l'hiver moissonne cruellement parmi lea
classes pauvres qui, sans travail et par consé
quent sans pain, sans vêlements convenables et
parfois sans abri, sont exposées toutes les
horreurs de la misère.
Dans les temps mêmes ordinaires, cette sai
son de l'année a toujours été pour l'indigent
une époque d'épreuve et de souffrance; pour
le riebe compatissant, une occasion d'exercer
la bienfaisance Que sera-ce donc aujourd'hui
Aux maux d'un hiver qui s'annonce connue
devant être rigoureux, s'est jointe la stagnation
des affaires résultant de la guerre qui menace
de devenir européenne. Après |e choléra dont
maint endroit a senti l'été dernier les avant-
coureurs et même les cruelles atteintes, il n'y
a pas jusqu'à la disette, ce troisième fléau du
genre humain qui ne se soit appesanti, voici
là deuxième année, sur tous les points des
contrées d'ordinaire les plus riches et les plus
prospères il n'est pas un paysil n'est pas
une ville qui ne se ressente des effets de la
triple calamité qui marque l'époque difficile
que nous traversons, et nous ne parlons ici
qu'au point de vue matériel; car s'il fallait son
der la plaie morale qui abreuve en ce moment
1 humanité, que de tristes et terribles enseigne
ments ne devrions-nous pas révéler?
Pour notre localité, il semble que la fatalité
s acharne plaisir contre elle; les tristes effets
déjà cités venant l'assaillir juste au moment où
des circonstances tout-à-fait indépendantes de
dant quelques peccadilles; il fréquentait trop les comé
diens de la troupe Turlupin, jouait la paume avec les
pages du cardinal, et ne traversait guères le Pont-Neuf
sans s'arrêter devant les tréteaux de Scaramouche. Il
n'était pas sûr que de temps autre Bellerose ne lui eût
point fait jouer la comédie. Au lieu de servir les chalands
de la Pomme-de-Pinil s'amusait le plus souvent
pincer du luth, ce qui déplaisait fort maître Philippe,
son père; mais ce qui, en revanche, charmait infiniment
Mariette. Un jour, il avait supplié Boisrobert de lui
apprendre faire un sonnet l'abbé avait eu la patience
de lui en corriger chaque rime. Il ne manquait jamais, le
dimanche, d'aller entendre l'orgue des Célestins, ce qui
ne l'empêchait pas, le reste de la semaine, de lire des
romana de chevalerie. Le pauvre jeune homme se sentait
enfin profondément humilié de vivre au sein des futailles.
Son humeur chatouilleuse lui avait déjà attiré quelques
disputes; il avait même rudoyé certain Gascan qui pre
nait le menton de Mariette. Mais cas premières effer
vescences d'écolier succédait, depuis un moisenviron, un
étrange accablement, Mariette trouva son livre ouvert
la méine page, des pensées nouvelles, inquiètes, le domi
naient. 11 eut voulu marcher l'égal de ces seigneurs, dont
il n'était, après tout, que le valet, lui, le fils d'un homme
déjà connu cependant par sa fortune. Ce comptoir enfumé,
ces nappes rougies, ce choc importun des verres, ces
chansons de lansquenets ivres, ces sounels de poètes