Chronique politique.
commencement du siècle, la société française revenait
son ancien culte, ses anciennes croyances. Ce furent
d'abord les voix de Chàtcaubriandde Lamartine, de
Lamennais qui rappelèrent les esprits la religion
c'étaient là des voix puissantes qui parlaient l'esprit et
au cœur; ils ne prêchaient pas le retour aux vieux erre
ments, ils prêchait-ut une religion épurée, un culte digne,
approprié aux progrès de l'intelligence.
Lorsque le terrain a été déblayé, lorsque la religion
a eu repris son empire sur les âmes, les jésuites sont re
venus avec toute la fantasmagorie de l'ancienne organi
sation sacerdotale, avec la gent monacale ressuscitée des
anciens temps, avec toutes les rnomeries des siècles
d ignorance, avec leur prétention de domination; ils sont
revenus sans avoir rien appris, ni rien oublié.
Et leurs premières victimes ont été ces mêmes esprits
supérieurs, dont les œuvres leur avaient frayé la route;
ils n'ont pas voulu «le celte religion éclairée, dégagée de
ce mauvais alliage qui fait leur force et leur puissance,
parce qu'il abêtit les hommes; Chateaubriand et Lamar
tine furent mis l'index; Lamennais voulut mettre une
«ligue eo retour coupable des vieux abus; impuissant
1rs arrêter, il désespéra de la religion catholique livrée
«le telles mains,plutôt que de courber sa haute intelli
gence socs ce joug honteux, il préféra se faire briser.
Quelques prélats éclairés, tels que l'archevêque de
Paiis et ceux qui ont prolesté contre les miracles de Thé
rèse Tamisier et de Noire-Daine de la Salctlc, luttent
encore contre cet esprit mouvais de l'Église; M. Si bouc
a déjà été vaincu dans sa lutte contre l'Univeji, il vient
«l'être obligé de se rendre Rome pour coopérer dans
l'affaire de l'Immaculée Conception. C'est la loi fatale, il
courbera la tête ou sera brisé.
La religion est de nouveau lanaéc sur cette pente qui
a conduit la réforme au seizième siècle, l'incrédulité
au dix-huitième, elleaboutira une nouvelle catastrophe,
si elle continue se laisser guider par les jésuites, ses
plus redoutables ennemis.
Parce qu'ils voient les femmes, les enfants, la partie
ignorante de la société, affluer dans leurs congrégations,
verser dans leurs cuisses les faibles épargnes de pauvres
ménages, se presser leurs cérémonies qu'ils multiplient
phoque jour, accueillir avec une stupide crédulité leurs
ridicules miracles, entrer enfin dans ce courant de vie
ascétique, qui fait un si triste contraste avec notre société
laborieuse, ils s'imaginent que le monde va leur revenir,
que leur ancienne autorité va renaître ils le disent bien
haut, ils semblent le croire eux-mêmes.
Insensés qui n'ont pas pu enchaîner les intelligences,
lorsqu'ils avaient seuls la parole, dans les chaires des
écoles et des églises, dans les livres et dans les journaux,
qui n'ont pu asservir le inonde quand ils disposaient de
la force publique, qu'ils avaient leur service les cen
seurs, l'inquisition, les tortures et les bûchers; ils s'ima
ginent qu'avec la liberté, ils feront revivre un état de
choses qu'ils u'out pas pu défendre avec le despotisme le
plus effréné.
Peu importe, ils ont leur recette, ils l'appliquent,
elle a déjà plusieurs fois failli tuer le malade qu'elle de
vait guérir, c'est la faute Luther et Calvin d'abord,
Voltaire et Rousseau eusuile. Ces adversaires sont
morts, ils n'ont plus rien craindre et ils se remettent
courageusement l'œuvre.
M. de Montpellier et les évéques belges les secondent
de tout leur pouvoir, ils remettent neuf les anciens dé
cors, ils rcvernisSenl les vieux tableaux, ils mettent sur
les dents ie clergé inférieur auquel les moines tiennent
l'cpée dans les reins, ils le stimulent, ils le menacent.
Après le miracle de la Salette qui, rejeté par les plus
courageux, admis par le troupeau docile, a eu ses pom
pes et ses confréries, voici l'Immaculée Conception con
damnée par S1 Paul, par S' Bernard, par les papes Innocent
III et Sixte IV, et dont le Concile de Trente a refusé de
s'occuper, qui renail la vie, sous l'influence jésuitique,
et donne d'abord lieu un jubilé.
M. de Montpellier veut avoir, dans sa ville de Liège,
un beau jubilé, ses doyens et ses curés doivent le lui
procurer, ils sont responsables du résultat. Telle est
l'idée fondamentale de la circulaire qu'il vient de leur
adresser.
Celte circulaire rappelle celle des généraux français,
du temps de la Restauration, par lesquelles ils sommaient
les colonels d'avoir produire des conversions parmi
leurs soldats. Telle brigade, telle division avait eu autant
de conversions, il en fallait tant et tant par régiment.
Attirez le monde dans vos églises, leur dit-il, et
pour cela revétcz-lrs de leurs plus beaux ornements,
parez les autels, donnez aux offices la splendeur. Il
<i faut parler aux yeux du peuple.
Mais cet attrait ne doit pas être le seul, dit-il, visitez
votre paroisse en détail, agissez par vous-mêmes, faites
agir les influences de Paffeclion et de l'autorité.
Ce n'est pas encore assez, ils doivent agir comme le
père de famille qui, pour les fiançailles de sou Gis, envoie
ses serviteurs par les carrefours et tes places publiques,
et qui emploie une sainte et légitime violence pour faire
entrer ceux qu'il rencontre. Excite et competlite intrare.
Ainsi les riches tentures, les chapes resplendissantes
d'or, les surplis de dentelles, l'éclat des bougies, la fumée
énivraute, les sons de l'orgue et d'une musique mondaine,
les parures des femmes, les voix des jeunes filles voilà
pour la sensualité.
La parole respectée du pasteur, son défaut, les
influences des femmes sur leurs maris, des mères sur
leurs enfants, des maîtres sur leurs domestiques, des
patrons sur leurs ouvriers voilà pour la piété sineère et
pour la dévotion hypocrite.
Et si tous ses moyens sont inefliçnces, la violence
enfin, competlite intrare, une sainte et légitime violence
pour faire entrer ceux qu'ils rencontreront.
En ceci, Monseigneur se laisse entraîner par son
zèle, les doyens et curés seraient fort embarrassés de l'aire
exécuter cette partie de ses instructions.
Cependant assuré du succès de ces prescriptions, le
prélat se préoccupe des moyens de confesser tout ce
monde appelez, dit-il, des confesseurs étrangers, in-
connus de vos paroissiens; et comme on dit plus de
médecins plus de malades, plus d'avocats plus de procès,
la grand nombre de confesseurs l'ait d'ordinaire celui
des pénitents, ajoutc-L il, et il en administre la preuve;
mou collègue de Gand, dit-il, a vu augmenter de vingt-
huit mille le nombre de communions pascales.
Mais la finale de l'instruction est menaçante.«Voici
les propres expressions du prélat J'aime d vous dire
que je suis couvuincu que ce n'est point inutilement que
je vous indique ces moyens, que je vous adresse ces pres
santes exhortations. Ce qui signifie que les doyens et les
curés en ont grand besoin, et qu'il n'a pas une confiance
absolue dans leur zèle. Aussi pour se faire une convic
tion, il leur prescrit de lui adresser par écrit un rapport
après le jubilé, tant sur les fruits qu'il aura produits que
sur les moyens mis en œuvre pour le rendre fructueux.
Après la lecture «1e celte circulaire nous avons coin-
pris l'indignation de l'ecclésiastique qui nous l'a commu
niquée. Il n'était pas besoin qu'il nous rappelât les desti
tutions de MM. Henrolay et keiupeners, la suppression
des deux journaux ecclésiastiques (les Mélanges histori
ques et la Revue des Revues) qui se publiaient Liège,
pour montrer la main du jésuitisme se faisaient sentir
dans l'administration diocésaine. Cette circulaire et tout
ce qui se passe sous nos yeux en sont des preuves évi
dentes.
La presse libérale aurait tort de garder une réserve
timide, lorsque les membres du clergé eux-mêmes ne
peuvent pas résister au besoin d'exhaler leurs plaintes,
de signaler les périls de la religion, que cette funeste
direction compromet chaque jour davantage.
Samedi dr un banquet a eu lieu en l'Hôtel de
la Cbâlellenie, donné par MM. les officiers des
deux escadrons du Lanciers, en garnison en
noire ville, pour célébrer le 64e anniversaire de
la fêle du Roi. Celle réunion élait présidée par
M. le Général-Major Baron Van Rode qui avait
élé invite par MM. les officiers, ainsi que M le
commandant de la place De Bruyn, et le capi
taine du génie Bourgois. Un seul toast a élé
porté et accueilli avec enthousiasme, celui du
Roi et de la Famille Royale Cette fêle est un
nouveau témoignage de l'esprit d'union et de la
bonne entente qui lèguent parmi tous les offi
ciels de notre armée.
i-
Vendredi, la Chambre des représentants s
consacré toute sa séance aux scrutins pour
l'élection des membres de la Cour des comptes.
Le président, cinq conseillers et le greffier
sortants ont été réélus.
M Cools, ancien membre de la Chambre des
représentants, a été élu sixième conseiller en
remplacement de M. Baudier, qui avait déclaré
vouloir se retirer.
Il n'y a pas eu de séance Samedi, cause de
la fête anniversaire du Roi.
MBI S r,n IE»
Le Sénat est convoqué pour Mardi, 19 de ce
mois, 2 heures.
Un éboulement considérable a eu lien avant-
hier matin dans la tranchée, entre Ensival et
Verviers. Un quartier de rocher s'est détaché
au moment du passage du convoi. La machine
a été renversée, ainsi que le waggon bagages;
la voilure poste a élé lancée sur ce waggon. Les
voyageurs n ont éprouvé ni blessures ni contu
sions.
Les communications un moment interrom
pues ont élé promptement rétablies.
r— I
Du 17 Décembre au 20 Inclus.
Nous N'avons plus rien dire du traité avec l'Au
triche, quoique tous les journaux de l'étranger ne
parlent que de cela, si bien que l'expédition contre
Sébastopol en est presque oubliée. C'est que rien de
ce qu'ils disent n'est nouveau ni peut-être exact; il
est donc inutile de s'en préoccuper.
Le Parlement anglais s'est réuni hier. Peut-être le
traité lui sera-t-il communiqué. La chose est dou
teuse cependant, puisque les ratifications n'ont pas
encore été échangées, croyons-nous. Mais il en
sera certainement question, et les réponses des mi
nistres pourront nuus fixer sur les poiuts principaux
de cet acte important.
i.e Times prétend que cette session extraordinaire
du Pai lemenl durera tout au plus sept ou huit jours.
Le lélégrapheélectriquenousavait promis,au nom
du général Canrobert, une grande bataille pour le x
décembre il n'a pas tenu sa promesse. Une dépêche
du prince Menschikuff,annonçant qu'au 4 décembre,
rien de remarquable ne s'était passé sous les murs
de Séhdslopul, sauf quelques sorties des assiégés
demeurées sans résultat.
Une dépêche du général Canrobert, datée du 3,
constate aussi que, loin d'y avoir eu une bataille le
2. les armées étaient condamnées une immobilité
complète par le mauvais temps. Les chemins étaient
défoncés, les tranchées remplies d'eau, et tous les
travaux suspendus.
Le Times assure que le gouvernement anglais est
décidé n'envoyer des renforts de cavalerie en Cri
mée qu'au printemps prochain.
La séance des Corlès du 6 a offert de l'intérêt.
Le ministre de la guerre y a présenté la loi sur le
recrutement. 11 résulte de son exposé qu'au ir jau-
vier prochain, l'effectif de l'armée sera réduit a3
mille hommes; le projet demande une levée de 45
mille hommes pour compléter le chiffre de 70 mille,
nombre indispensable pour ne point dégarnir les
vingt-sept points militaires de l'Espagne et de ses
possessions d'oulre-mer.
Le second incident de la séance a élé un discours
de M. Allende Salazav, qui est venu annoncer sa re
traite. 11 quitte le ministère de la marine cause de
l'affaiblissement de sa vue, et non pour un dissenti
ment qu«;lconque avec ses collègues. Leur poli li
er que est la mienne, a-t-il dit, leur politique, c'est-
a-dire la politique de l'illustre général O'Doniiell
u comme celle du duc de la Victoire.
M. Allende Salazar a saisi cette occasion pour
démentir le bruit d'après lequel, quand il se rendit
de Saragosse Madrid, il aurait élé brusque, violent
et même grossier envers la Reine, u C'est une ca-
lomnie odieuse, a-t-il dit; je suis ferme dans mes
principes; je sais dire la vérité partout, même
dans les palais, mais je suis incapable de manquer
u au respect que je dois, je ne dis pas seulement la
Reine, mais ta plus humble temme du voyau—
me. a
Le maréchal San-Miguel a confirmé le fait. Je
suis heureux, a-t-il dit, de donner l'honorable
général Salazar, le témoignage public que sa con
duite envers la Reine a été aussi convenable que
ferme et patriotique.
Cela étant, M. Allende Salazar aurait dû démentir
le tait plus tôt; il élait devenu par un silence de
cinq meis, une vérité historique.
Une dépêche publiée par l'Univers annonce que
le Pape a proclamé, le 10, le décret déclarant article
de toi, l'immaculée Conception.
Nous u'attendions aucune révélation du discours
de la reine d'Angleterre l'ouverture du Parlement.
Notre attente n'a pas élé trompée. L'Angleterre veut
poursuivre la guerre avec vigueur contre la Russie
nous le savions; il faut pour cela des subsides nous
le savions également; nous savions enfin que l'Au
triche avait signé un traité le 2 décembre.
Le Moniteur français avait parlé d'un traité d'al
liance purement et simplement; la Reine en parle
dans les mêmes termes, et ne dit pas plus que la
feuille officielle, qu'il s'agisse d'une alliance offen
sive on défensive. Elle affirme seulement qu'elle en
attend de grands avantages.
Nous ne savous si les spéculateurs espéraient
entrevoir dans le discours royal quelques rayons
d'espoir pacifique; le fait est que les Consolidés ont
baissé la Bourse de Londres du jour même.
Aussitôt après la séance royale, les deux Cham -
bres ont voté l'adresse en réponse au discours de la
Reine.
Sir Sidney Herbert, secrétaire d'État au départe
ment de la guerre, a dit la Chambre des communes,
dans le cours de la discussion, qu'on devait considé
rer un triomphe complet des armées alliées comme
certain.
On remarque dans un rapport du général Can
robert, l'assertion d'après laquelle le chiffre des
tués ou blessés ne dépasserait pas i5 par jour.
Les Anglais, si ce chiffre était exact, seraient bien
plus malheureux. Un rapport de lord-Raglan, en
effet, constate, depuis le 2 jusqu'au 6 novembre, 635
morts, i,ya4 blessés et 63 manquants,en tout 2,622;
et du 7 au ao novembre, 63a morts, 1,878 blessés
et 63 manquants, en tout 2,573.