JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
M' 1,537. 15* Année.
Jeudi, 24 Janvier 1956.
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Ypres, 23 Janvier*
C'est hier qu'a eu lieu l'interpellation auto
risée par la Chambreconcernant l'affaire de
l'Université de Gand. Le député de Roulers, M.
Dumortier, doit enfourcher ce dada, et proba
blement, si nous devons'en juger par ses anté
cédents tâcher de surprendre la religion de la
Chambre par une proposition insidieuse. Un
jour, le grand braillard catholique se leva et
proposas la Chambre de déclarer que la charité
était libre. Tout le monde était ébahi d'enten
dre la proclamation d'une vérité, que nul ne
contestait.
Mais on ne comprenait pas toute la portée de
celte liberté de. la charité. De ces mots, en appa
rence si inofiFensifs, le parti clérical voulut faire
sortir la main-morte,lescou vents,la mendicité ec
clésiastique et la spoliation des familles. La liberté
de la charité n'était pas coqame on aurait pu le
croire d'après la signification naturelle des mots,
le droit de faire la charité qui vous plaît, de
faire des aumônes, on voulait en faire dériver le
droit d'ériger des fondations d'après les sugges
tions du premier ecclésiastique vpnu et sur les
quelles le pouvoir laïc n'aurait eu aucune action.
C'était, en d'autres termes, la réédification du
cou veut privilégié et la spoliation de la société.
Pour l'affaire de Gand, une autre proposition
tout aussi insidieuse sera probablement faite et
elle a été indiquée par le père d'Anelhan, un
zélé homme d'affaires du parti clérical. Elle
consiste faire admettre, que Venseignement
xmiversitaire de l'Etat doit être conforme la
religion de la majorité. Sans y réfléchir, on
peut croire que cette petite phrase ne contient
pas le moindre venin. Mais laissez-vous engluer
et le parti fanatique, de déduction en déduc
tion, en fera sortir la hideuse Inquisition et se
remettra vous harceler, pour obtenir la faculté
de torturer et de rôtir les individus libres-pen
seurs, pour la plus grande gloire de Dieu. Elle
veut direcette mielleuse propositionque
l'enseignement au lieu d'être littéraire, scien
tifique, philosophique, sera catholique avant
tout, et qu'on fera de la jeune génération des
crétins,des hypocrites et des jésuites; qu'il n'y au
ra plus de science, ni d'indépendance, mais que
lejougultramontain énervera tous les caractères.
jusqu'à ce qu'une révolution fasse justice de ces
éternels ennemis de la liberté humaine et les
balayera comme le simoun fait tourbillonner
dans l'espace le sable du désert.
Que le pays y prenne garde, la réaction clé
ricale se montre depuis quelque temps aussi
audacieuse que rusée. Ces ignobles trembleurs
dë 1848 menacent aujourd'hui et jouent le rôle
du serpent réchauffé et protégé par le libéra
lisme. C'est une leçon pour l'avenir, car ils ne
réussiront pas dans leurs tentatives réaction
naires. Depuis huit siècles, la civilisation, le libé
ralisme, les idées plus justes, plus nobles et
plus généreuses, ont fait reculer les suppôts de
la théocratie et du despotisme, et aujourd hui
encore ils peuvent, par surprise leurrer l'opi
nion capter des privilèges, mais ce seront des
succès éphémères, qui n'auront d'autres consé
quences que de troubler la société, en d'en
rayer pour quelque temps sa marche progres
sive.
UNE FATALITE.
IX.
(suite.)
Rome, le soir du même jour, Pirancse, rentré dans
son palais, demandait tous les génies de l'air le mot de
cette énigme qui l'exilait du foyer domestique; sa tète,
où tourbillonnaient les conjectures, brûlait comme dans
un accès de fièvre, et il n'y avait déjà plus de place pour
la réflexion calme. Cette exaltation s'aggravait encore de
la sérénité des objets extérieurs et de cette quiétude des
galeries solitaires et des frais jardins où marchait le jeune
homme en délire; il s'irritait de voir cette nature insou
ciante et tranquille dont il était environné, cette dérision
aérienne de bonheur qui descendait mollement sur les
corniches lumineuses du palais et sur les grands arbres
de l'allée. Aux autels, dans les grottes, devant les fon
taines, sur les piédestaux, les dieux et les déesses don
naient leur sourire, éternel au maître de ce domaine, et
pas une plainte n'arrivait son cœur, pas une réponse
d'oracle ne sortait de ces temples sibyllins qui expli
quaient autrefois aux hommes les secrets de la vie et de
la mort. La nuit tombée, Pirancse, assis sur un chapiteau
dévasté, attendait encore que le ciel intelligent de son
Le déparlement des travaux publics a jugé
convenable de défendre les nouvelles disposi
tions du tableau du service du chemin de fer
pendant la période d'hiver 1856. On eut tout
aussi bien fait de ne rien dire, car les explica
tions du Dlonileur n'expliquent lien, et en ou
tre, les allégations du département des travaux
publics sont ou fausses ou erronées. Nous ne
voulons les examiner, qu'au point de vue des
relations d'Ypres et de son arrondissement et il
est incroyable que justice n'ait pas encore été
faite nos réclamations. C'est surtout la sup
pression du convoi du soir, partant autrefois
4 heures 45 minutes de Bruxelles, qui a jeté ie
plus grand désarroi dans les relations postales
et le transport des voyageurs et marchandises.
Peut-on croire que le courrier n'arrive Ypres
que vers dix heures et se trouve distribué
onze, et que si vous voulez répondre, il faut que
la lettre soit remise la poste vers trois heures.
Ensuite il n'y a plus moyen de revenir Ypres,
qu'en partant vers dix heures du matin de
Bruxelles, et moins de partir par le premier
convoi, il est impossible d'atteindre Liège en
un jour. Jamais plus ridicule service n'a été
imagiué et on croit avoir tout dit, quand on a
pays illuminât son âme d'un rayon; immobile et silen
cieux, il ressemblait cet homme dont parle Ovide, cet
homme qui, touché par la foudre, vit encore, sans se
douter de son existence. Enfin, il se leva, vaincu par la
fièvre; il appela le plus fidèle de ses serviteurs, le Ro
main Luigi, et il monta l'escalier de ses appartements,
précédé d'un flambeau, comme Caïus Duilius, et salué,
son passage, par tous les personnages consulaires in
clinés aux niches des murailles. Le premier objet qui le
frappa dans son alcôve fut la lettre que Joachim Murât
avait écrite Éraile Dutrctz, et qui était suspendue, là,
dans son cadre, comme une relique d'amitié. Pirancse,
isolé dans Rome et privé de conseils, reporta sa pensée
sur son camarade de Florence et de la Moskowa; aussitôt,
sans s'inquiéter des lenteurs et de l'éloignement, il écri
vit cette lettre son ami
Mon cher Emile,
Un jour, Florence, tu m'ordonnas de partir sur
l'heure pour Radicoffani; j'étais heureux Florence, je
partis avec ton épéc, sans regarder derrière moi j'étais
novice dans les armes, je trouvai sur mon chemin un
tueur d'hommes qui cherchait ta poitrine, il ne trouva
que la mienne, et je remerciai le ciel.
publié qu'un convoi supprimé ne transportait
pas en moyenne cinq voyageurs par jour! Voilà
une bellq raison, quand la suppression de ce
train établit une lacune dans le transport des
dépêches et des voyageurs. Ensuite on dit que
le matériel est trop restreint pour le transport
des marchandises et est-ce en supprimant des
trains qu on transportera davantage?
Somme toute, nous avons longtemps désiré
d'être reliés au railway national, mais la direc
tion du chemin de fer de l'Etat a trouvé le
moyen de faire regretter l'ancien service de
diligences. Jamais, depuis trenleans, le courrier
de la poste aux lettres n'a été distribué une
heure aussi avancée de la journée et dans notre
ville les relations commerciales sont devenues
plus difficiles, qu'il y a quarante ans. Il faut
qu'on mette ordre cet incessant besoin d'in
nover là, où des innovations jettent la pertur
bation dans les habitudes prises. Depuis quatre
ans, on a supprimé les périodes d'hiver et d'été
dans le service des chemins de fer français.
Dans les longs jours, on ajoute des trains on
les supprime dans les courts jours, mais les
heures de départs des convois dans le milieu
de la journée restent fixes et on s'en trouve
bien.
Par arrêté royal du 17 Janvier 1856, est
nommé membre militaire du conseil de milice
de l'arrondissement d'Ypres
M. Berlaux, major au 28 régiment, Ypres,
et suppléant de ce membre, M. Noullet, major
au 2e régiment, Ypres.
Par arrêté de M. le gouverneur de la pro
vince, en date du 12 Janvier 1856, le tirage au
sort pour la levée de la milice, aura lieu dans
les différents cantons de milice du ressort
d'Ypres, aux jours indiqués comme suit
17ecanton.Ypres. lrFévrier 1856.4
18e idem. Poperinghe. 29 Janvier.
19e idem. Proven. 11 Février.
20° idem. Elverdinghe. 31 Janvier.
21e idem. Langemarcq. 7 Février.
22e idem. Gheluvelt. 14 d°.
23e idem. Neuve-Église.8 d°.
24° idem. Warnêlon. 12 d®.
25e idem. Wervicq. 14 d®.
Aujourd'hui c'est moi qui te dis Pars sur l'heure,
je t'attends au palais Piranese, Rome!
Ton malheureux ami,
Gumpolo.
La lettre écrite, il lui sembla qu'Emile était déjà sur
les Appcnnins; cette pensée consolante, faisant diversion
l'événement du jour, donna un peu de calme ses es
prits, et lui versa, par intervalles, le baume du sommeil.
Luigi veillait près de son maître et priait Dieu pour lui.
X.
Ce n'est point un vain caprice ou le hasard du choix
qui a poussé vers cette noble ville de Rome tous ceux
qui ont été brisés par un grand revers, et obligés de se
survivre eux-mêmes. Il y a, dans ce coin de terre,
sinon des remèdes aux maux incurables de l'âme, du
moins des adoucissements et des consolations que le
reste du monde n'offre pas. A ceux qui souffrent, Rome
étale ses cicatrices; ceux qui ont perdu une couronne,
elle montre son front dévasté'; ceux qui attendent quel
que soulagement de l'avenir, elle donne de la patience,
parce qu'elle est, sur la terre, le symbole de la patiente
éternité. 11 y a dans cette merveilleuse atmosphère quel
que chose qui éraousse l'aiguillon de la douleur; aussi,