JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
IV 1,543. 15e Année.
Jeudi, 14 Février 1S56.
J -A tT 5 s l j tj_
Vires;acq_uiriteuùdo.
Les journaux catholiques ne laissent échapper
aucune occasion d'endosser l'opinion libé
rale des projets et des vues qu'elle a toujours
répudiés. C'est une tactique adroite, si l'on
veut, mais déloyale, car nul n'ignore que ces ac
cusations ridicules ne sont point fondées. En
1R48, quand la moitié de l'Europe était en fer
mentation et que les idées politiques les plus
saugrenues avaient cours, le parti libéral au
pouvoir a maintenu l'ordre constitutionnel, sans
se laisser emporter par les théories républicai
nes. A celle époque, les adversaires du parti
libéral que la peur avait rendus véridiques,
proclamaient sur les toitsque le libéralisme
avait sauvé la Belgique.
Peu d'années nous séparent du cataclysme
républicain, et le parti qui avait alors réussi
garantir la Belgique du flot révolutionnaire, est
aujourd'hui accusé par ceux mêmes qui, en
1848, nesavaient comment bénir la tranquillité
dont ils avaient jouide rêver le suffrage uni
versel, le droit au travail et autres songes creux
qui Ont transformé une révolution faite au nom
de la liberléen despotisme. Un orateur d'une lo
ge dëVèrvîers commet un discours,que personne
lie l'a engagé prononcer et sans qu'un mandat
lui ait été confié pour parler au nom du parti
libéral, et, dans ce discours, iljuge convenable
d'exprimer le voeu de voir la Belgique dotée du
droit au travail et du Suffrage universel et
toute la presse cléricale de rejeter la responsa
bilité des idées émiies par l'orateur de la loge
de Verviers sur le parti libéral
Mais dans le parti catholique, il y a des fa
natiques qui se remettraient encore torturer
et brûler des malheureux, sous prétexte d'hé
résie. Doit-on en inférer que le rétablissement
de l'Inquisition est un des articles du pro
gramme catholique? Il y a des prêtres qui, par
ignorance probablementattaquent tous les
jours les principes fondamentaux de la Con
stitution faut-il en déduire que la hiérarchie
catholique rêve le renversement de l'ordre con-
UNE FATALITE.
stilulionnel Quelques-uns le prétendent et
croient que le parti libéral admet seul sans ré
ticence ni restriction mentale la Constitution,
et que les catholiques comme les démocrates
ne demanderaient pas mieux que de la modi
fier, les premiers daûs le sens de la théocratie,
les seconds pour arriver fatalement an despo
tisme après une halle dans l'anarchie.
Les feuilles cléricales, en rendant le parti
libéral responsable de l'intempérance de langue
du premier venu, tentent de distraire l'attention
de l'opinion publiquedesalluresde leurs patrons.
Il n'y a pas longtemps, que des prêtres qui ont
siégé au Congrès, ont essayé de mettre diaccord
leurs votes de 1831avec l'encyclique papale
de 1832, et ils ont déclaré que la liberté de
conscience et des cultes ne doit être envisagée
que comme un fait et non comme un droit na
turel et primordial. On ne peut nier la gravité
de celte déclaration, car d'aulres et même tous
les principes fondamentaux, conquêtes réalisées
au prix deduttes séculaires., peuvent être au
même titre envisagés copame des faits n'ayant
qu'un caractère.politique et alors, entre les ca
tholiques et les radicaux, il n'y a plus de diffé
rence que dans l'usage que les uns et les autres
feraient de l'omnipotence, si elle leur échéait.
Peut-être le bruit que la presse catholique
fait l'occasion du discours de l'orateur. de la
loge de Verviers, n'est- H qu'un moyen de voiler
les idées réactionnaires du parti clérical, en
prêtant ses adversaires des projets révolution
naires. Seulement les feuilles cléricales n'auront
guère de succès par celte tactique, car on se
dira le moment n'est pas convenable pour la
proclamation du droit de travail et l'introduc
tion du suffrage universel. Si le libéralisme
avait voulu essayer de ces belles inventions, il
pouvait le faire en 1848, sans opposition; car
alors, les accusateurs d'aujourd'hui étaient frap
pés de mutisme. Ensuite il ne suffit pas que le
premier venu émette des idées peu en harmonie
avec le pacte constitutionnel, pour déclarer le
parti libéral coupable de menées révolution
naires. Le libéralisme a son programme et n'a
jamais caché où,il veut arriver. L'indépendance
du pouvoir laïc est son drapeau, et mettre un
terme la confusion de l'élément civil et reli
gieux en matière politique contrairement au
vœu de la Constitution, est son devoir.
Présents MM. le Baron Vanderstichele de
Maubus;, bourgmestre, président; Pierre,Beké,
échevin; Théodore Vanden Bogaerde, Charles
Vande Brouke, Lçgraverand, Martin Smaelen,
Edouard Cardinael> Ernest Mergbelynck, Char
les Becuwe, conseillers,
La séance est ouverte vers dix heures, par,la
lecture du procès-verbal de la réunion du 29
Décembre 1835. La rédaction en est approuvée.
Il est donné lecturé (Tune lettre de M. Iwcinè-
Fonteyne, juge aul!tribunal de première in
stance, par'laquelle il donne sa démission de
membre du Conseil communal. Elle1 est prise
pour notification.
Par une dépêche imibistériellé iiu départe
ment des finances, il est donné avis £df Çbnseil
qu'un subside dé six mille francs est accordé
la ville sur le crédit de 1,500,000 fràhôs, pour
travaux d'hygiène et d'assainissements.
Lecture est donnée d'une lettre de M. le
Gouverneur, demandant la présentation de
candidats pour la formation du bureau admi
nistratif de I École moyenne. Âvaiît dq procéder
la confection de la liste de candidats, il sera
demandé des propositions ce collège et le
Conseil statuera après avoir entendu son avis.
L'examen de la comptabilité de l'adatinistra-
tion des Hospices est remis une prochaine
seânce. ,i
Le Conseil approuve le cabièr des -clauses et
conditions de la location publique de 233 hec
tares 66 ares 13 centiares de terres labourables,
prairies et pâtures .grasses, divisées en fermes de
diverses contenances et situées dans un grand
►a^fejwsi r~r
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces,4 francs. I Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui Concerne le journal doit
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne Cieçoitque lès lettres affranchies.
vmMam^Mamm*mwmmmamm
Ypbes, 13 Février.
X.
(suite.)
Il rappela Luigi.
Luigi, cours au palais de FeliceMattei, et demande,
avec la plus grande précaution, si le comte de Baufre-
mont ne s'est pas arrêté chez lui. J'ai pu l'honneur de
dire votre excellence que M. de Baufremonl a traversé
le Corso comme un éclair; le cocher de la marquise de
Vcllctri l'a vu passer Ponts-Mole. Nous connaissons
tous M. de Baufremont. C'est bien ne sors pas, puis
que c'est inutile... Laissez-moi seul.
Piranese, immobile sur la terrasse de son jardin, prê
tait l'oreille au tressaillement de la ville, la chute du
jour il semblait que Rome saluait déjà son jeune roi, fils
de son grand empereur. Le miracle du débarquement de
Napoléon étonnait la cité des miracles jamais le sol ita
lien ne fut si profondément ébranlé sous les populations
émues, depuis le jour qui jeta sur les places publiques
de la Péninsule cette nouvelle un monde a été décou
vert par Colomb le Génois! Il était nuit close, quand
Émile Dutretz arriva de son expédition la villa. Les
deux amis se rencontrèrent sur l'escalier. Ils étaient
tous deux pâles et défaits Piranese interrogeait par son
silence Emile, ému et embarrassé, cherchait une tour
nure d'introduction. Ils s'assirent dans un corridor, et ce
fut un long soupir qui servit de préambule cette phrase
d'Emile.
Nous avions un énigme deviner ce matin, n'est-ce
pas? Oui, dit Giampolo d'une voix éteinte. Eh bien!
ce soir nous en avons deux... Sommes-nous seuls?
Seuls. Voici le bulletin de campagne En arrivant
la villa, j'ai laissé ma chaise la grille, pour ne pas faire
sensation, et ne pas donner le temps aux gens de la mai
son d'organiser un plan de défense. J'ai pris le sentier
droite, le sentier qui mène aux grands arbres, pour ne
pas être découveit sur l'Allée nue du château. J'ai mar
ché, dans la nuit des pins et des cyprès, jusqu'au quin
conce des bals $J'été, où le gazon est aujourd'hui très
haut et atteste qu'on n'a pas dansé depuis longtemps.
Avançant ainsi, me faisant toujours éclipser par un arbre,
j'ai aperWT, dans les ténèbres ëlyséennes du bosquet,
deux damés assises sur une banquette elles m'avaient
vu, il m'était impossible de reculer. C'est madame la
marquise Piranese, me suis-je dit, et madame la com
tesse la mère et ta lemme. En avant donc. Parole
d'honneur j'élais troublé; je frissonnais de peur, Un
terrible moment Je faisais des pas d'un pouce, afin de
me préparer l'abordage, et je marchai droit la mère,
comme la moins redoutable. A mon approche, ces da
mes ne se sont pas levées. Je me suis incliné de toute la
profondeur possible, et j'ai dit ta mère, avec un ton
d'assurance artificielle J'ai l'honneur de saluer mes
dames Piranese; je crois que je n'ai pas le bonheur d'être
reconnu dans la villa de mon ami. Ta mère m'a regardé
fixement, et m'a dit Ah c'est M. Émile Dutretz et elle
a paru embarrassée, et a balbutié quelques mots que je
▼ILLE D'YPRES. Conseil com.wi.nal.
Séance publique du Mardi, i2 Février 1856.
>u/ an
n'ai pas compris. Alors, je me silis raidi sur raies jarhbcs,
:et j'ai ajouté je n'ai pas vu mon ami" Piranese depuis
qu'il a épousé la belle comtesse Rosa Balma et en disant
.cela, je me détournai de ta mère, et je m'inclinai devant
l'autre dame. Comme je me relevai, j'ai senti'le pied do
ta mère sur mon pied; et j'ai vu sur le visage de l'autre
une pâleur épouvantable, et des yeux égarés. Que
dites-vous là, Monsieur? a-t-elle dit d'une voix étouffée,
le comte Piranese a épousé... et ta mère lui a eoiipé la
voix. Mon chapeau est tombé de mes mains. J'ai jeté
rapidement un coup d'oeil stir ta mère; ta mère se pen
chait en arrière, me regardait avec des yeux enflammés,
jet croisait ses lèvres avec son doigt, comme là déè'sse
Muta. Juge de mes perplexités, mon cher Pira. Cdnçois-
j tu mon embarras devant ces énigmes en action J'aurais
'donné mille louis pour être une des' statues de marbre
qui riaient autour de nrtus. Après un long voyage, une
j longue insomnie, ane diète forcée, il y a du vide et de la
folie dans notre cerveau; j'hi cru que je faisais un songe,
et que je me promenais dans les Champs-Élyséens, où les
femmes nous regardent de travers, selon Virgile,
Mais quel étrange récit me fais-tu là s'écria Pira
nese, les bras levés et raidis par dessus la tête. Laisse-
moi achever, mon cher Pira... Mes regards étaient
attachés sur ta mère, et j'attendais qu'elle parlât Mon
sieur, m'a-t-clle dit tout bas et l'écart, Giampolo, moA
fils, vôtre âmi intime, serait bien étonné's'il savait que
vous n'avez pas reconnu, dans Mademoiselle, la fille de
madame Piranese il est vrai que, depuis son heureux