JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
IV 1,574. 16' Année.
Dimanche, V Juin 1656.
Vires acquirit eundo.
LES DIX AMOUREUX.
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Ypres, 31 Mal.
Dans tous les temps et en tous pays, l'homme
inconsistant, tournant tous vents comme une
girouette, a toujours été méprisé. En guerre
comme en politique, abandonner son drapeau
ou changer d'opinion au gré de son intérêt, a
toujours été considéré comme le fait d'un carac
tère peu estimable. Les individus qui ont trahi
leur parti comme les soldats qui ont fui au mo
ment du combat, étaient employés par ceux au
profit desquels ils avaient commis la mauvaise
action, mais jusqu'ici on n'avait jamais songé
les bisser sur un piédestal, ni leur tresser des
couronnes.
Ce cynisme poussé la suprême puissance
est pratiqué sans remords par le parti vertueux,
parce parti qui s'attribue le monopole de l'hon
nêteté. Trois anciens députés élus en 1847
Gand par le parti libéral, sont portés en tête de
la liste catholique nour les récompenser de
leur défection et de leur action dissolvante ex
ercée au sein du parti libéral depuis 1852. Que
le parti fanatique et réactionnaire les fasse réé
lire, s'il en a la puissance, cela peut la rigueur
se concevoir, quoique des gens qui ont trahi
leur parti ne méritent guère de confiance. Mais
les feuilles vertueuses, au nom de l'honnêteté
politique et de la moralité, se livrent aux éloges
les plus mirobolants de ces candidats autrefois
gens de sac et de cordé, quand ils marchaient
sous la bannière libérale' et aujourd'hui méta
morphosés en petits saints, depuis qu'ils sont
Iransfuges.
C'est le cas de dire: o Religion que de fois
les bigots se donnent l'air de vous défendre, en
foulant aux pieds vos préceptes les plus sacrés.
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Le Messager de Gand et le Bien Public ont
signalé un acte sauvage commis Gand par des
individus fanatisés dans les congrégations et les
sacristies. Des jeunes gens se trouvaient la so
ciété jouer aux dominos pendant le passsage
de la procession sur la Place d'armes. Ils n'ont
pas jugé convenable d'interrompre leur jeu au
moment de la bénédiction et immédiatement
après des bravis sont tombés sur eux, renver
sant et brisant les tables et blessant même un
d'entr'eux.
Constance, vivandière du 76*, était la fille d'un brave
officier tué l'ouverture de la campagne d'Italie.
Restée seule, sans autre soutien que sa bravoure, son
humanité, sa beauté et une vertu toute épreuve, grand
était le nombre des adorateurs. Elle les compta, la bonne
fille, et après avoir éliminé ceux qui ne s'expliquaient
pas assez catégoriquement l'égard du matrimonium, il
en resta dix.
Pressée de faire un choix, elle donna secrètement
chacun d'eux rendez-vous dans le même lieu et la
même heure. Aucun n'y manqua mais aucun, en s'y
rendant, ne lui fit l'injure de soupçonner une fortune
que démentaient les antécédents de celle qu'on désignait
dans le 7C* sous le nom de Constance la Vierge.
Toutefois, en se voyant réunis au nombre de dix, tous
sous-officiers du même corps et cependant tous rivaux,
l'étonnement de ces hommes rendait l'horizon gros de
tempête les regards fiers et superbes le déchiraient
déjà, quand parut la jeune fille.
Vous avez été fidèles au rendez-vous, merci, dit-
elle de ce ton daressant, familier et lutin dont elle con
naissait tout l'empire aussi, point de fatuité, de coquet
terie ni de perfidie entre nous, tout doit se passer ici
Si, contrairement la liberté des cultes, une
procession peut interrompre la circulation dans
les rues, nous croyons qu'au moins nul ne peut
être molesté, ni forcé concourir cet acte re
ligieux. Il paraît cependant qu'à Gand, depuis
que celte ville est travaillée par les chevaliers
de S1 Vincent de Paul et autres congréganistes,
on n'entend plus ainsi la liberté et on y devient
très-amateur d'une justice sommaire et sauvage.
Il n'y a pas fort longtemps, les feuilles cléricales
de Gand faisaient appel aux coups de sabots
comme moyen religieux et préconisaient 1 In
quisition comme une institution gouvernemen
tale excellente. On dirait lire de semblables
invocations au fanatisme et aux passions san
guinaires, que la ville de Gand est infestée par
une horde de sectaires, dont il faudra bientôt
se garer comme de bêtes fauves. Il est temps
que cela finisse, sinon les honimes paisibles,
aimant la liberté pour tous, seront obligés de
sortir armés de revolvers, comme en Amérique,
afin de pouvoir se défendre, s il prenait fantaisie
aux chevaliers du sabot de vous assaillir soùs
un prétexte quelconque. On ne doit pas ou
blier que peu après la révolution de 1830, les
individus de même acabit et de la même cou
leur, ont suscité en la même ville, des troubles,
qui ont manqué de causer la mort de plusieurs
personnes très-bonorables, odieusement mal
traitées par le motif qu'elles étaient suspectées
de professer des opinions oraogisles.
Une métairie occupée par le cultivateur Sa-
myo, Louis, Wylschaete, a été réduite en
cendres, le 28 de ce mois, vers le soir. L'in
cendie a pris naissance la paille remisée dans
un hangar, où le fils Samyn, âgé de 6 ans,
jouait avec des allumettes phosphoriques, dont
il s'était emparé, l'insu de ses parents. La
perle causée par ce sinistre, s'élève 2,800 fr.
Les bâtiments étaient assurés le mobilier, dont
on est parvenu sauver une grande partie, ne
l'était pas.
Un incendie, que la clameur publique attri
bue la malveillance, a éclaté la nuit du 28 au
29 de ce mois, dans une grange isolée, appar-
tenantau sieur Maveau, boutiquier, Bulscamp.
comme la parade; vous êtes mes seuls amis, d'ailleurs,
et c'est de vous que je veux prendre conseil.
Tous, disons le mot, vous m'avez adressé des déclara
tions d'amour!... Me démente qui voudra... Est-ce vrai?
Oui, dirent hautement les dix amoureux.
Tous, vous voulez m'épouser pour de bon, ajouta-
t-elle en souriant d'un petit air lutin... Est-il vrai?
Oui, fut-il encore répondu avec résolution et gra
vité.
Très-bien, répliqua Constance d'un ton plus ten
dre et plus enjoué!... Il y a de l'ensemble! Cependant
je n'en puis épouser qu'un, et tous vous avez des droits
égaux ma reconnaissance, et qui dit reconnaissance dit
amour dans le cœur de celle qu'à juste titre vous nom
mez la Vierge.
Toi, mon brillant fourrier, tu m'as aimée le premier,
cela le vaut bien un chevron.
Toi, mon valeureux adjudant, vingt-cinq ans et la croix
d'honneur, ça tenterait une duchesse, vieux style.
Toi, mon jeune sergent, séducteur et galant, tu m'as
sauvée des mains des Autrichiens; peste! mon honneur
le doit quelque chose.
Toi, chef de file du dieu Mars, pourrait-on ne pas te
distinguer, superbe tambour-major dont les sept pieds
me rappellent le clocher de mon village.
Celte grange et les récoltes qu'elle contenait
encore, évaluées ensemble 2,000 fr., ont été
entièrement consumées. Rien n'était assuré.
Nous donnons le tableau des départs et arri
vées des convois du chemin de fer de la Flandre
occidentale, dater du lr Juin 1856 Voir aux
annonces.)
Académie de Belgique.
Mercredi 1 heure, a eu lieu ,1a séance pu
blique de la classe des lettres et des sciences
morales et politiques, dans la grande salle des
Académies, au Musée.
Cette solennité littéraire, qui avait attiré une
nombreuse assistance d hommes de lettres, d'ar
tistes et de dames en brillante toilette, a été
honorée de la présence de Mgr le duc de Bra-
bant, accompagné du général comte de Lannoy
et du colonel Goethals.
Après l'arrivée de S. A. R., M. le baron de
Gerlache, président de l'Académie, a ouvert la
séance par la lecture d'un discours sur la pa
pauté et la réforme du XVIe siècle. Ce discours
a été suivi du rapport, présenté par M. Charles
Faider, au nom du jury chargé de décerner le
prix quinquennal des sciences morales et poli
tiques, et du rapport du jury chargé de décer
ner le prix quinquennal d histoire nationale,
qui a été présenté par M. le général Renard, et
enfin, par la proclamation des résultats des
concours annuels.
Voici les décisions de ces différents jurys
Prix quinquennal d'histoire nationale M.
Théodore Juste a obtenu 3.000 fr.; MM. Wau-
ters et Merlens, chacun 1,000 fr.
Prix quinquennal d.es sciences morales et po
litiques M. Ducpétiaux a obtenu 3,000 francs;
les 2,000 francs restants ont été répartis entre
MM. Thonissen, Brialmont et Vandermeersch.
Concours annuels: M. Eugène Van Bemmel
a obtenu le prix pour l'éloge de M. le baron
de Stassart.
La médaille d'or a été décernée M. Félix
Neve, pour un Mémoire sur l'histoire du collège
des Trois-Langues Louvain.
L'Académie n'a pas adjugé le prix du con
cours relatif au lieu de naissance de Charlema-
Et chacun de rire des joyeuses saillies de la jeune fille
qui, après avoir passé en revue les titres de tous ses
prétendants, s'écria
Vous le voyez, choisir est impossible, car je ne veux
aucun sujet de discorde entre nous, mais je ferai mieux,
sempressa-t-elle d'ajouter la guerre va commencer; Je
petit Caporal a juré qu'avant un mois il ferait son entrée
dans Vienne. C'est donc Vienne que je deviendrai la
femme de celui qui, durant la campagne, aura fait la plus
belle action. Mon cœur, ma vie, seuls trésors de la pauvre
orpheline, lui appartiendront sans partage.
Que ceux auxquels ce traité convient touchent là.
Et elle tendit sa main blanche.
A ces paroles chevaleresques, éclata un tonnerre d'ap
plaudissements; les mains se serrèrent, les bouchons sau
tèrent on but la gloire et l'amour, désormais insé-
A Vienne répétèrent une dernière fois les auteurs
de cette scène.
Deux mois après, 1 armée faisait son entrée triomphale
dans la capitale de l'Autriche; mais le 76* avait payé de
son sang ses prodiges de valeur. Le jeune fourrier, l'un
des dix amoureux de Constance, avait eu les deux jambes
emportées; mais, en tombant sous les yeux et pour ainsi
dire dans les bras de la belle vivandière, il s'était écrié