JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N°1,578. 10" Année.
Dimanche, 15 Juin 1856.
Vires acquirit eundo.
La bataille finie, on enterre les morts, en
jetant quelques fleurs sur leur tombe, on panse
les blessés et si on est battu, on se compte pour
savoir où on en est. Tous les organes de l'opi
nion libérale se livrent celte peu agréable
besogne, mais au moins on y met de la fran
chise. Ce n'est pas le libéralisme qui se don
nera des airs de triomphe comme l'opinion
cléricale en 1848, quand elle ne comptait pas
vingt voix la Chambre et encore ces voix, sous
la pression des événements, restaient muettes.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces,4francs.
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 50 centimes.
Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tprei, 14 Juin.
LA SITUATION.
Nous espérons que le libéralisme battu nu
mériquement, ne perdra pas son énergie morale
et qu'il saura défendre,-, malgré l'ingratitude
des électeurs, les vrais intérêts de la nation,
mis en péril par le triomphe de la dérocratie.
Nous faisons suivre l'appréciation de la situa
tion donnée par l'Observateur elle nous semble
juste et présentée en bons termes.
Le parti libéral vient de subir un échec dont nous
ne voulons pas chercher 5 dissimuler ni atténuer
l'importance. Il perd, d'une manière positive, cinq
représentants; quatre Gand, un Hasselt par la
nomination de M. de Pitteurs-Hiégarts en rempla
cement de M. H. de Pilteurs, qui s'est retiré. D'un
autre côté, la conduite tenue dans la lutte électorale
par M. Ansiau, Soignies, M. Allard, Tournai et
M. Jouret, Ath, doit faire douter sérièusement que
ces trois députés du Hainaut soient disposés repren
dre, sur les bancs de la gauche, la place qu'ils y oc
cupaient précédemment. Enfin, le résultat des élec
tions est caractérisé complètement, au point de vue
des pertes que l'opinion libérale a subies, par la
réélection des quatre transfuges, M. Rousselle,
Mons, MM. Delehaye, T'Kint et Maertens, Gand,
et par le triomphe du parti catholique dans tous les
arrondissements de la Flandre orientale.
Voilà des résultats clairs, nets, irrécusables. Ne
recherchons pas, en ce moment, les moyens par les
quels ils ont été obtenus; les faits sont là nous les
constatons franchement.
A côté de ces faits, il s'en présente d'une autre
nature. La province de Liège, dont toute la représen
tation dans les deux Chambres législatives était
exclusivement libérale, a conservé sa positionnes
tentatives de luttes auxquelles le parti catholique
LE MEILLEUR AMI.
(suite.)
En effet, le négociant, poussé par une malencontreuse
curiosité, s'était aventuré sur la pointe d'un roc d'où,
6ans contredit, l'horizon qu'on découvrait eût pu être
magnifique, si tous les précipices qui l'entouraient n'eus
sent condamné celui qui en jouissait en jouir éternelle
ment.
Comment diable vous trouvez-vous là? demanda
Victor étonné de ce trait d'audace. Eh! parbleu!
parce qu'en y montant, je ne songeais pas la difficulté
d'en descendre. Eh bien laissez-vous glisser, je vais
vous retenir. Bien obligé A mon âge, monsieur, on
ne glisse plus, on roule.Ah c'est différent... Attendez.
Puis, ayant franchi légèrement l'espace qui le séparait
de l'imprudent curieux, Victor se coucha sur le sol, se
cramponna de son mieux aux fissures du rocher, et tendit
une do ses mains au négociant.
Maintenant, reprit-il, laissez-vous aller. Je ne vous
lâcherai pas, ne craignez rien; la mohtagne tombera plu
tôt avec nous. Elle en est bien capable, murmura le
gros homme en obéissant toutefois l'invitation de son
libérateur.
Et, pendant que le pauvre père se félicitait dans les
s'est livré, n'ont servi qu'à établir avec plus d'éclat
que les quatre arrondissements de Liège,deVerviers,
de Huy et de Waremme sont l'irrévocable conquête
du libéralisme. A la Flandre orientale catholique,
notre opinion oppose la province de Liège libérale.
Conserver, sous l'empire des circonstances qui do
minent la situation en Belgique et dans toute l'Eu
rope, une position aussi brillante, rester maître
absolu d'une place anssi importante, ce n'est pas
demeurer stationnaire, c'est avancer. Un succès mo
ral considérable est également obtenu Thuin le
bruyant échec de M. Alphonse Nolhomb, ministre
ultra-parlementaire, qui le corps électoral de
Thuin refuse énergiquement l'entrée de la représen
tation nationale, compense, il faut le reconnaître,
bien des perles et atténue bien des défaites.
Çes résultats constatés dans les deux sens, exami
nons la situation qui eu ressort pour les deux partis.
En traçant cette situation, nous tenons compte du
caractère des candidatures nouvelles et des votes
exprimés, dans la séance du 24 avril i855, sur la
question de confiante posée par le cabinet catholi
que; nous écartons, en même temps, les noms des
députés de Tournay, d'Alh et de Soignies, anciens
membres tfe la gauche ou élus avec leur concours,
dont il est impossible de dessiner actuellement la
position.
La province de Liège renvoie la chambre d dé
putés de l'arrondissement de LîégeMM. Frère,
Delfosse, de Bronckart, Lesoinne et Deliége 3 dépu
tés de l'arrondissement de Verviers, MM. Moreau,
David et Grosfils-Gérard l'arrondissement de Huy,
2 députés, MM. Lebeau et d'Autrebande; l'arron
dissement de Waremme, 1 député, M. Delexy; soit
onze députés-libéraux.
La province de Lirabourg conserve M. le comte
de Renesse, député libéral deTongres.
La province de Hainaut conserve Mons 3 députés
libéraux, MNI. Lange, Laubry et H. de Brouckere;
Thuin un député libéral et) remplacement de M.
Dequesne, M. de Paul.
Les provinces dans lesquelles les élections vien
nent d'avoir lieu, conservent donc 16 députés ap
partenant incontestablement la gauche.
Les cinq autres provinces présentent la situation
que voici
Dans la province de Brabaut, l'arrondissement de
Bruxelles compte neul députés libéraux, MM. Ver-
haegen, Orts, Thiéfry,GobIet,Rogier, Dubus, P. évi-
naire, Anspach et de Sleenliault; l'arrondissement
de Nivelles compte deux députés libéraux, MM.
Mascart et Trémouroux.
bras de sa fille de son salut miraculeux, Victor, assis sur
ses talons, s'abandonna la pente de la montagne et des
cendit comme uno avalanche au milieu d'eux.
Monsieur, dit le négociant, grâce vous, je viens
de l'échapper belle. Puis-jc savoir qui je suis redevable
d'un pareil service? A M. Victor de Corvellcs, répon
dit modestement le jeune homme.
La particule qui blasonnait si élégamment le nom de
notre voyageur produisit un effet miraculeux sur son in
terlocuteur.
Monsieur, reprit-il, j'espère que nous nous revor-
rons. Sans doute vous habitez Barèges? Pas précisé
ment, répondit Victor.
En effet, son grenier n'était pas dans la ville, il était
dessus.
Dans tous les cas, lorsque par hasard, vous passerez
devant l'hôtel du Cheval-Blanc, veuillez ne pas oublier
M. Auvray, de Bordeaux, c'est mon nom.
Victor répondit comme il convenait cette gracieuse
invitation, et ajouta un sourire aimable pour la part que
la jeune fille y avait prise par son regard. Deux heures
après, Victor de Corvellcs passa, par hasard, devant
1 hôtel du Cheval-Blancmais sans doute ce hasard ne
lui parut pas de bon aloi, car il ne fit que jeter un coup-
La province d'Anvers est représentée dan* la
gauche par quatre députés libéraux, dont trois
d'Anvers, MM. Loos, Veydt et Vervoort, un de l'ar
rondissement de Malines, M. de Perceval.
La province de Namur compte dans la gauche M.
Lelièvre, de l'arrondissement de Namur, et M. le
comte de Baillet-Latourde l'arrondissement de
Philippeville.
La province de Luxembourg est représentée par
trois députés libéraux M. Tesch,1 d'Arlon M. De
Moor, de Neufchàteau M. Pierre, de Virton.
Enfin la province de la Flandre occidentale pos
sède dans l'arrondissement de Bruges trois députés
libéraux, MM. Devaux, Coppieters et Sinave; dans
l'arrondissement d'Ypres, M. Vatiden Peereboom
dans l'arrondissement de Dixmude, M. Debreyne;
dans l'arrondissement d'Ostende, M. Van Iseghem.
Le totaLdes députés libéraux de oescinq provinces
est de 26. Eu y ajoutant les 16 députés libéraux qui
viennent d'être élus; on constate, en dehors de MNI,
Allard, Ansiau, Jouret et Crombez, une opposition
de 4® voix. Sur un chiffre de 108 représentants, uno
telle opposition est imposante. Nous n'hésitons pas
A considérer cette situation comme bonne au double
point de vue de l'avenir de l'opinion libérale et de la
pratique sincère du gouvernement constitutionnel.
Sans doute, nous eussions applaudi avec bonheuF
un résultat électoral qui eut été assez vigoureuse
ment tranché en faveur du parti libéral ppur lui
permettre de prendre résolument au moins la di
rection des affaires, de gouverner honorablement et
utilement; mais un succès douteux, mais une demi
situation, mais la continuation de ce qui existait,
nous eussent semblé regrettables. Depuis quatre
ans, il n'y avait plus d'élément dominant dans la
représentation nationale; la majorité n'était nnlle
part. De là des défaillances, des transactions, des
concessions qui tournaient incessamment au préju
dice de l'opinion libérale. Des députés de la gauche
s'autorisaient des difficultés de la situation, de9 né
cessités gouvernementales, pour justifier une tiédeur
fatale.
Les convictions s'engourdissaient, les caractère»
s'énervaientdes divisions se produisaient. On
croyait remplir un devoir de patriotisme en sacri
fiant sur l'au tel de la conciliation ètde la modération;
et il était donné un ministère catholique d'inscrire,
sans recevoir de démentis trop éclatants, ces for
mules mensongères sur son drapeau. Aujourd'hui
le terrain politique est déblayé de ces difficultés et
de ces équivoques; il y a une majorité catholique
bien caractérisée; les transfuges ont planté définit!—
d'œil rapide sur la maison, sans y entrer en bonne jus
tice, il l'avait triché. Le lendemain, il se montra moins
scrupuleux. Les visites du jeune homme, d'abord assez
éloignées, finirent par se rapprocher tellement qu'elles
n'en firent bientôt plus qu'une. Non-seulement Victor
aimait la fille du vieux négociant, mais encore il en était
aimé. Lucile, c'est ainsi qu'elle s'appelait, avait trop peu
d'expérience, sinon pour taire le sentiment qu'elle éprou
vait, du moins pour en comprimer les élans indiscrets.
Cependant, tout a un terme dans la vie, même la saison
des bains; le moment de se séparer arriva.
Monsieur Victor, dit un jour le négociant, recevez
nos adieux, ma fille et moi nous quittons Barèges demain.
Vous retournez sans doute Bordeaux? demanda
çvec anxiété le jeune homme. Non j'ai promis Lu
cile de lui montrer la capitale; moi-même j'ai quelques
affaires importantes y conclure nous allons Paris.
A Paris?... Mais moi aussi je vais Paris. Si vous me
permettez de vous accompagner, vous m'éviterez les re
grets de votre absence. Mon cher Monsieur de Cor
vellcs, ce serait avec bien du plaisir, mais tous les che
vaux sont arrêtés d'avance la poste, et. j'ai été réduit
prendre les deux seules places qui fussent disponibles
dans les voitures publiques. Ah! diable! Du reste,
si vous parvenez trouver le moyen de nous rejoindre,