JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Jeudi, 17 Juillet 1856.
N" 1,587. 16® Année.
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LE VOL AU PORTRAIT.
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Ypres, 16 Juillet.
Un quart de siècle d'indépendance S
Pour la première fois depuis l'ère de César,
la Belgique libre et indépendante a joui d'un
quart de siècle d'autonomie. Ce bien précieux
et auquel tant de nations aspirent en vain, que
nous, Belges, avons poursuivi pendant des siè
cles sans pouvoir le conquérir, la suite d'une
révolution réussie, nous en avons joui depuis
vingt-cinq ans. Nous devons en rendre grâces
au bon sens de nos populations, qui malgré des
excitations de diverses natures, ont toujours
montré de l'attachement l'ordre de choses
issu de 1830Mais c'est surtout au Prince,
l'élu de la Nation, représentée par le Congrès,
que nous devons de la reconnaissance et de
l affection, car c'est lui que nous devons la
pratique vraie et sincère du self-governement et
celte tranquillité et ce bien-être qui en sont la
conséquence.
Quand le Roi Léopold Ier arriva en Belgique,
pour monter sur le trône, l'horison politique
n'était nullement serein. Il y avait bien de com
plications qui n'ont pu être résolues que par de
longues négociations. Le Prince auquel avaient
été confiées les destinées du peuple Belge, en
touchant le sol de sa nouvelle patrie, a promis
de faire tous ses efforts pour constituer l'Etat
Belge dans les meilleures conditions. 11 n'a pas
failli son serment. Ayant vécu sous un régime
parlementaire pendant plus de quinze années,
jamais le Roi n'a cessé un moment de suivre
la voie correcte et sincère des principes consti
tutionnels. Cependant la révolution faite au
nom de la liberté en tout et pour tous, comme
disaient cette époque les grands faiseurs du
cléricalisme, avait dévié vers 1835 et le gouver
nement était tombé entre les mains de ceux
qui n'adoraient la liberté que dans l'espoir de
l'étouffer.
Le Roi a toujours laissé agir les ministères
qui se sont succédé, dans toute la plénitude de
leurs attributions et quand en 1840, M. De
le portrait.
Aimez-vous les lions? disait, il y a quelques an
nées, notre spirituel confrère Paul Lagardc; messieurs
les gens de lettres en ont fourré partout. C'est' qu'ils
existaient alors et qu'ils formaient un type. Ils s'en vont
aujourd'hui comme les dieux de Chateaubriand. En 4832,
une époque ou ils florissaient encore, deux d'entre eux
se rencontrèrent par une froide matinée de septembre,
dans la rue Saint-Dominique; tous deux tirèrent leur
montre un lion ne sortait jamais avant midi.
r Huit heures un quart, de Marsan, dit le plus jeune
en constatant l'heure. Je ne me suis pas couché re
prit l'autre; je viens de souper. Et toi, Jules?Moi
répartit le premier qui se nommait Jules de Céran ma
future partait pour Bordeaux ce matin avec sa grand'-
mère, je viens de les mettre en voiture. C'est vrai
pauvre ami. On m'a dit que tu te mariais. Une dot
de six cent mille francs, mon cher, et une femme adora
ble Jc te plains, reprit de Marsan, le mariage est la
pire des sottises. Que te rapportcra-t-il? des enfants?
Mais si tu y tiens, tes maîtresses t'en donneront. Marié,
tu ne souperas plus, tù dincras chez toi, tu te coucheras
huit heures, tu engraisseras. Ah j'oubliais; tu devien
dras capitaine de la garde nationale, et l'on écrira sur ta
tombe 11 fut bon citoyen, bon époux et bon père.
Une épitaphe superbe
Jules reçut ta bordée sans sourciller.
Theux dût quitter lé pouvoir, un ministère libé
ral fut agréé par le Roi comme l'expression de
l'opinion publique. Le Sénat s'insurgea contre
ce cabinet et le renversa par une adresse qui
fut une faute. On revint des ministères catho
liques sous l'enseigne de la mixture jusqu'en
1846, que M. De Theux revint au pouvoir. On
n'a pas oublié la conduite digne et noble du
Roi, en 1848, et ce fut alors seulement, qu'il
put se convaincre combien la Nation Belge s'at
tache au souverain qui règne avec prudence
et sagesse.
Vingteinq ans de tranquillité et de bonheur
forment une époque qui compte dans l'existence
d'une Nation; et le monarque, honnête homme,
qui n'a jamais abusé du pouvoir qui lui clé mis
entre les mains, mérite juste titre, que la Na
tion lui fasse une ovation et exprime sa recon
naissance et sa gratitude par des fêles, qui seront
d'autant plus belles qu'elles seront spontanées.
Exprimons le vœu que la Providence daigne
accorder la faveur Léopold If de diriger encore
pendant longues années, les destinées du peuple
Belge c'est le souhait que doit faire tout Belge
ami de l'indépendance et de la prospérité de sa
patrie.
Les fêtes qui seront données Bruges, l'oc
casion du 25e anniversaire de l'inauguration de
S. M. Léopold Ir, promettent d'être d'une ma
gnificence qui n'aura pas élé atteinte jusqu'au
jourd'hui nous doutons même que les fêles de
la capitale soient plus brillantes. Du reste,
l'antique cité de Bruges a été, de tout temps,
renommée par la splendeur de ses solennités et
ce n'est pas aujourd'hui qu'elle voudra perdre
cette réputation.
cm an»
M. Lansens, littérateur flamand, est nommé
membre de la Société des beaux-arts et de lit
térature de la Morinie.
Le bruit répandu, il y a quelque temps, qu'à
l'occasion du 25« anniversaire de son inaugu-
Comment s'appelle ta future? ajouta de Marsan.
M"* Valérie de Parthcnay. Une veuve s'écria avec
effroi de Marsan, c'est bien pis. Et quand revicnt-cllc?
Dans deux mois. Nous publions les bans son retour.
Ah! tu es libre. Eb bien! nous soupons encore cc soir
chez Stéphanie, Des Ricux et moi. Vicns-y. Non, fit
Jules. J'ai juré d'être sage, juré sérieusement. On con
naît ma vie passée et on a exigé quantité de serments.
Que veux-tu, mon cher? ajouta-t-il en voyant son ami
hausser les épaules, une femme délicieuse! Jc l'aime.
Alors, adieu, reprit de Marsan.
Et il s'éloigna en murmurant Le pauvre homme
Jules rentra chez lui. Quelqu'un l'attendait. C'était un
inconnu, portant un chapeau pointu et une barbe qui res
semblait son chapeau.
Monsieur, dit-il au lion, quand ils se furent assis,
je m'appelle Aristide Michon, peintre en miniature, rue
Chabrol; je viens faire votre portrait. Mon portrait?
répartit Jules étonné 1 Qui vous l'a commandé? Une
dame. Une dame, répéta Jules, en ouvrant de grands
yeux, comment se nomme-t-elle? Ma foi, monsieur,
je comptais vous le demander.
Jules s'était levé et se promenait grands pas. Quelle
était cette dame? Que voulait-elle faire de son portrait?
Il songea Valérie.
Au moins, vous l'avez vue cette dame? demanda-
t-il brusquement. Un peu, répondit le peintre. C'était
huit heures du soir, hier. Une blonde charmante, vingt-
deux ans peu près, des yeux bleus, assez grande, une
ration, le Roi se proposait d'accorder une déco
ration spéciale tous les officiers de l'armée
indistinctement qui comptent 25annéesde bons
services non interrompus, se confirme.
On ajoute que celte décoration, que M. Wol-
fers, orfèvre-bijoutier, au coin de la rue Du-
quesnoy et de la rue de la Madelaine, est chargé
de confectionner, sera accordée également aux
employés civils du département de la guerre.
Une médaille militaire sera décernée aux sous-
officiers et soldats qui comptent aussi 25 ans de
service.
La dépense résulter de la décoration et de
la médaille sera supportée par la cassette par
ticulière du Roi.
Nul doute qu'une distinction semblable serait
acceptée avec bonheur par tous les fonction
naires civils du royaume servant l'Etat depuis
un quart de siècle. Y a-t-on songé? Leur nom
bre serait-il trop grand? C'est ce que nous ne
saurions dire.
On dit que le Roi vient de conférer le titre
de baron M. le lieutenant-général GreindI,
ministre de la guerre.
La session du conseil provincial de la Flandre
orientale est close; celle de la Flandre occiden
tale est ajournée la fin du mois. Les sessions
des conseils provinciaux dont les noms suivent
ont été closes, savoir celle du Limbourg, le
5; celle du Luxembourg le 8; celle de Liège le
11; celle de Namur le 12.
Le Moniteur Belge vient de publier le compte
sommaire des opérations de la Banque nationale
pendant le premier semestre de 1856. Le béné
fice réalisé sur les opérations d'escompte s'est
élevé fr. 1,706,669, dont 446,113 pour
47,693 effets escomptés Bruxelles, 743,920
pour 48,186 effets escomptés dans la succursale
et les comptoirs, 265,764 pour 3,277 effets es
comptés sur l'étranger, et 250,871 de rées
compte du semestre précédent.
taille qui tiendrait dans ma main, pas de signes particu
liers.
Évidemment ce n'était pas Valérie. La veille, Jules ne
l'avait pas quittée de la soirée. De plus, Valérie était
petite, brune avec des yeux noirs; elle avait un signe
marqué la joue gauche. D'ailleurs elle l'eût prévenu.
A qui devez-vous remettre le portrait, demanda
encore Jules. Elle viendra le prendre chez moi le
trente.
Jules recommença sa promenade. Au bout d'un quart
d'heure, Aristide avait perdu patience.
Quand voulez-vous que nous prenions séance dc-
manda-t-il.
Jules le toisa avec colère.
Séance! répondit-il, jamais. Mais, Monsieur,
hasarda piteusement le peintre, j'ai reçu cent écus d'avance.
Jamais, répéta Jules furieux. Ah! c'est ainsi, ri
posta son tour Aristide, poussé bout, la guerre alors.
Et prenant son chapeau d'un air décidé, il sortit. Jules
s'ennuyait. Fidèle ses habitudes, il s'en alla dîner au
Café de Paris. 11 y était depuis un quart-d'heure 1 peine,
quand il aperçut en face de lui, Aristide Michon, un al
bum en maiii, esquissant imperturbablement son por
trait.
Ah! fit-il étonné. Garçon, cria-t-il presque
aussitôt, un cabinet particulier. Première séance! dit
de son côté le peintre. Garçon la carte, jc vais diner.
Le lendemain, Jules se promenait cheval au bois, eu
compagnie de de Marsan.