JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
16" Année
Dimanche, 14 Septembre 1856
Vires acquiriUùndo.
UME VENGEANCE.
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Tpres, 13 Septembre.
ii L 1 *1 ^2
Quelques journaux se sont occupés de la
vente tenue par le domaine des terrains affectés
aux ouvrages de défense de la place d'Ypres et
en signalant le produit de cette aliénation, ont
commis l'erreur de faire penser, que ces terrains
étaient improductifs avant le démantèlement
de la forteresse.
Le gouvernement a vendu pour 612,000 frs.
y compris les dix pour cent pour frais et il y a
dix ans, ces terrains donnaient un revenu an
nuel qui variait de 27 23 mille francs. Avant
que la démolition ne fut décidée, le produit
était tombé 21 mille francs, mais depuis
qu'une partie des fortifications a été détruite et
aplanie, le revenu s'est relevé près de trente
mille francs. Du reste l'entretien ordinaire de
la forteresse n'exigeait qu'une somme de 14
15 mille francs par an, mais plusieurs parties
du mur principal avaient été abattues avant
1830 et leur reconstruction commencée avant
cette époque, n'avait pas été achevée depuis.
Easuite la place d'Ypres se trouvait dans des
conditions tout fait spéciales. Parmi ses ou
vrages de défense, il y avait au sud de la ville.,
des inondations très-étendues et qui mesuraient
au moins soixante hectares. Nous ignorons ce
que la location des terrains utilisés aux ouvra
ges de défense des autres places de guerre
peut produire; mais pour l'ancienne forteresse
d'Ypres, les terrains des fortifications donnaient
un beau revenu au gouvernement.
Mardi prochain, 2 heures et demie de rele
vée, aura lieu la distribution des prix aux élèves
de l'école communale gratuite.
Histoire du duc de Wellington,
par RI. Brialmont.
M. Brialmont, capitaine d'état-major, faisant
les fonctions de capitaine du génie en résidence
en notre ville, vient de publier les deux pre
mières livraisons d'une œuvre qui, croyons-
V. LA noce.
(scite.)
En disant ces mots, madame de Thoiry entraînait M.
de Bossange sous les grands chênes. L'orchestre jouait
ses fanfares les plus joyeuses; la fête était dans toute son
animation. Le comte se tut un instant comme pour se
recueillir; puis reprenant la parole
Madame, quand vous m'avez vu dans les salons
parisiens et que vous m'avez pris en haine...
Oh monsieur le comte, voilà un bien vilain mot
vous allez trop loin.
Je vous en supplie, madame, laissez-moi achever...
Alors, dis-je, vous ignoriez sans doute, comme moi (car
depuis quelques jours peine j'en suis instruit), une his
toire lugubre qu'on ne raconte qu'avec effroi dans les
familles, dans ces vallées magnifiques, l'histoire sanglante
des maisons de Viane et d'Aranza.
Non, monsieur le comte, cette histoire est celle de
nia famille, et, dès ma plus tendre enfance, je la sais.
Pendant qu'elle disait ces mots, l'œil ordinairement si
limpide et si doux de madame de Thoiry brilla un instant
comme un éclair.
Du moins ignoriez-vous, madame, reprit M. de
Bossange avec une voix tremblante d'émotion, et laissant
échapper les mots syllabe syllabe, ignoriez-vous que le
sang des Vianc vivait encore?
En effet, j'avais toujours ouï dire que cette famille
etait éteinte. Mais que vous importe, monsieur le comte,
nous, promet d êtfe remarquable et qui, dans
tous les cas, présentera l'histoire d'un des plus
grands hommes du dix-neuvième siècTe, sous
un aspect entièrement nouveau, nous ajoute
rons même impartial. Nous donnons ici l'appré
ciation du Messager de Gand de l'œuvre de M.
Brialmont
Les concours officiels ont parfois leur utilité, et
s'il est douteux que le prix quinquennal qui est dé
cerné chaque année, enrichisse notre littérature de
quelque œuvre de génie, il aura cependant quelque
fois cet effet, de faire subir un pVocès en révision
deséloges immérités, obtenus d'uue critique servile,
en même temps qu'il attirera l'attention des lecteurs
sur des livres restés inaperçus, paflignorauce ou par
injustice. Nous en avons un frappant exemple dans
le dernier concours pour le prjx quinquennal que
l'Académie avait décerner au meilleur livre appar
tenant aux sciences morales et politiques. Elle a
attribué une partie du prix aux Considérations poli
tique* et militaire* *ur la Belgique, par M. Brial
mont, capitaine du génie, livre qui avait été peu
remarqué jusqu'ici, qui n'avait guere été recom
mandé par les journaux et méritait cependant de
l'être, qui n'avait enfin circulé que dans un petit
cercle de lecteurs.
Le rapport dp jury en ce qui concerne M. Bripl-
mont, est plus favorable; il nous a donné, comme
plusieurs sans-doute, le désir de connaître son livre,
et nous ne l'avons nullement trouvé au-dessous du
brillant éloge qu'en fait M. Faider. Mais déjà nous
a vous parler d'une oeuvre uôuvelle, du même au
teur, dont nous soupçonnons quelque peu M, le
rapporteur du concours d'âvoir eu connaissance,
lorsqu'il disait nous les convions (les auteurs
couronnés) de nouveaux succès, les œuvres qu'ils
publieront encore, marqueront leurs progrès, et
nous les verrons, sans doute, de prochains con
cours, au nombre des plus éminens émules dispu
tant les prix nationaux.
On dirait que M. Brialmont n'a point voulu laisser
le temps se perdre, puisque, pçine couronné, il
nous donne déjà les premières livraisons d'une
Histoire du duc de Wellington.
La littérature ne possédait jusqu'ici aucune bio
graphie complète de Wellington. Tel de ses biogra
phes est inexact par dénigrement, tel autre par trop
ce que je sais ou ce que j'ignore de ces histoires domes
tiques.
C'est que la maison de Viane est pleine de vie,
madame, Le fils du comte Charles de Viane est un jeune
homme dans la force de l'âge, et, puisque vous connaissez
cette racé, ce dernier rejeton ne saurait être indigne de
ses aïeux.
Ah!
Ce monosyllabe sortit, comme un cri, du cœur de ma
dame de Thoiry, Sans oser la regarder, M. de Bossange
continua
- Cet homme, vous l'avez rencontré, vous le con
naissez, Madame, Par un concours de circonstances fatales,
destiné passer sa vie loin de vous, il a été jeté sur vos
pas, et son cœur vous appartient. Il vous aime comme
femme jamais ne fut aimée. C'est lui qui, deqx genoux,
les mains jointes, vient vous prier, au nom dé son père
mort violemment, de clore cette sombre histoire qui,
depuis plusieurs sièeles, ensanglante deux nobles mai
sons, par ùn dénoûmcnt moins sinistre. Il met son sort,
comme celui de votre famille, entre vos mains il vous
fait juge. Il ne vous demande plus de l'amour, un bon
heur si grand n'est pas fait pour lui, mais de la pitié!...
Comment, monsieur le comte de Bbssange, vous
vous appelez Henry de Viane?
Et le bras de madame de Thoiry, quittant celui du
comte, tomba brusquement, et de toute sa longueur, sur
sa robe de fête.
Viane est le nom de mon père, madame, et le mien.
Madame de Thoiry se recula, et, durant quelques se-
de rapidité dans le récit; aucun n'a eu sa disposi
tion tous les documents dont peut s'aider celui qui
entreprend aujourd'hui l'histoire du vainqueur de
Waterloo, car en France comme en Angleterre ont
été publiés des mémoires et des correspondances
inédiles qui, jettent une nouvelle lumière sur bien
des faits autrefois mal appréciés. M. Brialmont,
comme il ledit, «a pensé qu'un travail nouveau,
écrit en dehors de toute préoccupation nationale,
par un homme qui n'est ni du parti des vainqueurs,
ni de celui des vaincus... aurait chance d'être
lu, et il a eu raison.
Nous l'approuverions peu s'il qe voyait dans
Wellington que l'homme de guerre. Vous[êtes le
meilleur des coupe-jarrets s'écrie quelque part
lord Byron dans une apostrophe au noble duc. La
guerre, ajoute-t-il, n'est autre chose que l'art de
brûler la cervelle aux gens, ou de leur couper la
gorge quand sa cause n'est pas sanctionnée par le
bon droit. El d'ailleurs, chacun des champs où
combattirent Léonidas et Washington est un lieu
sanctifié par le souvenir de nations sauvées, non de
mondes désolés. Comme ces noms résonnent dou
cement l'oreille! Pendant que le nom desimpies
conquérants excitera l'étonneraent ou la stupeur
des âmes servîtes et vaines, le leur servira de mot
de ralliement jusqu'à ce que l'avenir soit libre (i).
Nous applaudissons ces dernières paroles, qui nous
montrent ce qu'il y avait d'injuste dans les premiè
res. Wellington peut n'avoir été qu'un obscur con
quérant dans l'Inde, il ne l'était plus dans les cam
pagnes de Portugal, d'Espagne, ni dans celle de
i8i5, car là il combattait pour le droit et la liberté.
Les invectives de Byron rappellent l'époque où elles
ont élé écrites et l'injustice avec laquelle ou jugeait
alors les vainqueurs de Waterloo. Sous la restaura
tion, l'opposition, qui a de tout temps la faiblesse de
se faire des armes de tous les mécontentements,
s'allia avec tous ceux qui accusaient le gouverne
ment nouveau par regretde l'ancien, et qui voyaient
des adversaires du boD droit et des ennemis de la
liberté dans tous ceux qui avaient participé au ren
versement de Napoléon. Fatale erreur dont on est
bien revenu depuis. Le nom de Wellington lui-
même en fut longtemps amoindri en France, jus
qu'au moment où le premier empire se refroidis-
(1) Don Juan VIII 5, et IX 4.
condes, il y eut dans le bois un silence solennel. On en
tendait dans le lointain la musique joyeuse du bal. La
sœur du marquis d'Aranza reprit la parole
Eli bien Viane, dit-elle, retenez ceci quand,
pour une cause ou pour uue autre, le sang a coulé entre
«Jeux familles navarraises, ce sang demande du sang
quand la croix de feu a été arborée sur la montagne, elle
appelle une autre croix de feu, et cela jusqu'à l'extinction
de l'urie ou de l'autre race. Si quelquefois l'on a pu nous
voir abandonner nos antiques maisons, nous faire l'élé
gance et la civilisation des autres peuples, jamais nous
né saurions aller jusqu'à oublier l'antique droit de nos
ancêtres. Vous osez parler d'amour une Aranza Eu
vérité, vous avez raison alors de demander de la pitié,
car là répulsion que je ressentais pour vous, Vianc, vous
ne la méritiez pas
Madame, pourquoi insulter la souffrance?...
Je n'insulte pas, Viane, je raille; je ris de vous voir
si dégénéré, si peu digne de vos aïeux.
Madame, encore une fois...
Comte, on me réclame au bal.
Cette parole dite d'une voix stridente, madame de
Thoiry quitta brusquement M. de Bossange. Pendant
quelques instants encore, le comte resta comme anéanti
la même place. Quand il revint lui, ses jambes l'en
traînèrent vers les ruines du château de Viane. A le voir,
on eût dit que sa raison avait disparu. Cependant, le
soir, il priait sur le tombeau de son père côté de Catish
la bohémienne, pendant qu'on dansait encore au château
d'Aranza. (La suite au prochain n'.)