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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Jeudi, 27 Janvier 1859.
UN HERITAGE.
N° 1,851. - 18e Année.
LE PROCIES
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être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tprfj, 26 Janvier.
Déjà, plusieurs reprises, il avait élé ques
tion la Chambre d'un rapport adressé au
minisire de l'intérieur par une commission, sur
les griefs articulés par les promoteurs du soi-
disant mouvement flamand. M. De Decker n'a
vait pas voulu le faire publier, disant qu'il y
avait des parties de ce rapport qu'il eut élé dé
sirable de voir remaniées. On est revenu la
charge et M. Rogier a dit qu'il ne s'opposait
pas la publication, mais qu'il voulait avoir
l'avis de quelques appuis du fameux mouve
ment flamand. Enfin, le rapport est publié et
nous douions fort qu'il soit utile la cause
qu'on a la prétention de défendre.
A notre avis, la langue flamande sert de pré
texté une intrigue cléricale et nous ne sommes
pas seul de cet avis.
Nous trouvons dans YÊtoile belge un feuil
leton signé Hysuns, propos de cette question.
Il apprécie très-sainement les tendances de
ce rapport et accuse justement la commission
d'avoir exagéré plaisir les griefs des flamin
gants et nous en savons quelque chose ici, car,
bien qu'en pleine Flandre, personne ne s'est
douté jusqu'ici de l'état d'abjection auquel nous
étions réduits, cause de l'idiome usité Ypres.
A propos du rapport
de la Commission Flamande.
Nous venons de lire ce rapport, qui fut adressé
au chef du précédent ministère et que celui-ci n'a
pas consenti publier. Nous comprenons aujourd'hui
celte répugnance.
M. Dedecker est un ami sincère et dévoué des
lettres flamandes; c'est un cœur généreux qu'un
excès de faiblesse peut égarer parfois dans des ques
tions personnelles, mais que rien ne fera dévier
jamais de la voie du patriotisme et du devoircivique.
Comme Flamand et comme citoyen, M. Dedecker
ne pouvait pas livrer la publicité ce manifeste qui
voue au ridicule une cause si digne de sympathie,
ce plaidoyer d'une imagination eu délire, dicté d'un
bout l'autre par des passions d'un autre âge; pour
tout dire en deux mots, cette mise en accusation
formelle et brutale de la Belgique de i83o.
Chacun a sa façon de comprendre ses devoirs po
litiques. Que Damis, le député wallon, qui exige
11
XI.
(Suite.)
Ces dernières paroles furent pour le cœur de Muller
une blessure cuisante. Ceux qui ont cultivé l'art avec
ardeur, et qui, plus tard, l'ont abandonné, ne peuvent
contempler sans honte et sans remords le travail persé
vérant et couronné par la renommée. L'opulence la plus
éclatante, la plus enviée, ne peut consoler de l'inaction
et de l'obscurité. Muller l'éprouvait en ce moment et
regardait d'un œil jaloux l'œuvre ébauchée de Spicgel.
Ce sentiment devint encore plus douloureux, quand il
lut le nom de son ami dans un journal qui discutait les
mérites et les défauts de son dernier ouvrage. La gravité,
la pénétration avec laquelle l'intention de l'auteur était
analysée, contrôlée, appréciée, relevait singulièrement
l'importance du tableau. Ainsi donc le public ne s'occu
pait pas seulement de cc que Spiegcl avait fait il voulait
deviner, il voulait savoir tous les secrets de sa volonté
Spiegel avait désormais conquis un rang glorieux et ne
le devait qu'à son travail. 11 était fils de ses œuvres
tous les yeux s'attachaient sur lui. Muller fit un retour
sur lui-même et compara tristement la vie oisive et inu-
que son cocher parle le français, se fasse le serviteur
d'une coterie flamande qui lui sert d'appoint au jour
des élections; que Phiiinle, l'écrivain français, qui
fait des journaux en Belgique, se croie obligé de
flatter des préjugés qu'il prend pour des principes,
et d'en imposer l'opinion pour s'imposer lui-mê
me; qu'un ministre libéral, sincèrement patriote,
se croie tenu envers un mouvement plein de mys
tères d'autant plus d'égards qu'il le comprend
moins ce sont là des conséquences fatales d'une li
berté respectable et de nécessités officielles qu'il laut
subir. Mais l'homme qui a le précieux privilège de
tenir une plume indépendante de tout pouvoir
l'homme qui n'attend rien d'aucun parti; qui est
Belge, dont le flamand fut la langue maternelle; qui
a vécu et grandi parmi les Flamands, qui les connaît
et qui les aime qui a puisé dans l'histoire du pays,
une source inépuisable d'admiration pour les héros
de l'ancienne Flandre, celui-là commettrait une in
signe lâcheté, en ne protestant pas de toutes les
forces de son âme contre ces ribonistes belges qui
viennent d'aller déposer leur programme révolu
tionnaire jusque sur le bureau de la Chambre des
représentants.
Que signifie ce rapport? Quelle est son origine,
son but, sa conséquence inévitable et fatale?
Ils sont neuf citoyens qui signent ce lamentable
exposé des griefs des populations flamandes, ils sont
neuf qui proclament l'oppressioo dont ils sont vic
times, et de ces neuf il n'en est pas un seul il en
est un peut-être qui ne doive ses préférences
flamandes sa position sa fortune, son ambition, sa
renommée.
M. Conscience, qni débuta par des chansons fran
çaises, a-t-il regretter d'avoir choisi un autre
idiôme qui lui valut le soutien d'un parti politique,
des faveurs exceptionnelles dans sa patrie, au dehors
une considération que n'obtiendront jamais les
meilleurs parmi les auteurs belges qui écrivent en
français
M. Mertens a-t-il fi regretter d'avoir écrit en fla
mand l'Histoire d'Anvers, qui lui valut une part du
prix quinquennal et-la croix de l'Ordre de Léopold
M. Snellaert serait-il de l'Académie, s'il n'avait
cultivé les lettres flamandes?
M. Eug. Stroobant serait-il autre chose qu'un
honnête notaire, s'il ne s'était mis la tête d'une
société dramatique flamande? M. David, M. Rens,
M. de Corswarein et cet illustre inconnu, M. Mi-
chiel Vandervoort, auraient-ils eu des litres quel
conques figurer dans une commission officielle et
imprimer leur prose dans les Annales parlemen
taire», s'ils ne s'étaient faits les chevaliers fidèles du
mouvement flamand?
Loin de nous de rabaisser le mérite de ces esprits
éminents; mais il faut bien le reconnaître, si la
néerlandais était la langue officielle dans notre pays,
si toos les hommes supérieurs que nous comptons
dans toutes les branches avaient été obligés de
l'adopter pour leurs œuvres, ces neuf commissaires,
sauf M. Conscience et M. Jottrand, seraient bien
peu de chose leur piédestal leur eut manqué la
loule ne saurait pas leur nom.
C'est avec une profonde tristesse qoe nous avons
vu figurer au bas de ce rapport la signature de
M. Jottrand. Comment cet ami sincère de la liberté,
cet admirateur des idées américaines, qui refuse fi
l'État le droit d'obliger le père de famille donner
l'instruction primaire ses enfants, a-t-il pu accor
der son adhésion ce manifeste dont chaque article
est une violation de la liberté individuelle? Com
ment ce vétéran de i83o, ce soldat de l'uniow, ce
vaillant rédacteur du Courrier de* Pays-Bus, a-t-il
pu s'oublier jusqu'au point de taxer d'ignorance, de
dérision et d'arbitraire le gouvernement provisoire
qui, par l'organe de MM. GetidebieB, Rogier et de
Mérode donnait satisfaction l'un des principaux
griefs de la Belgique en accordant, dès le »6 octobre
i33o, l'usage facultatif des langues, consacré plus
tard par l'article -i3 du pacte fondamental
Celle double contradiction serait le fait de la Bel-
gique entière, si elle pouvait songer jamais se
rendre solidaire des prétentions exprimées dans le
rapport de M. Snellaert et que tout le monde con
naît. La commission est d'autant plus hostile aux
idées de i83o (et elle ne se donne pas la peine de le
dissimuler), qu'elle plaide en faveur du néerlandais,
qu'elle a substitué la langue flamande, chaque fois
qu'il en était question dans son rapport.
Ce néerlandais, c'est le hollandais, c'est la langue
écrite, acceptée par tous les dialectes, c'est le hol
landais, contre lequel les Flandres ont protesté et
pétitionné en 1829 avec une énergie plus grande en
core que les provinces wallones, c'est une langue
que le peuple flamand ne comprend pas.
Je parle ici en parfaite connaissance de cause et
j'affirme que les Flamands, de très-rares excep
tions près, 11e comprennent pas cette langue écrite.
Ils ne la comprennent pas au théâtre et c'est pour
cela qu'ils n'y vont pas. Ils ne la comprennent pas
tile qu'il avait menée depuis neuf mois cette vie labo
rieuse et féconde. Cependant Muller aurait dû jouir avec
déliées, avec enivrement, de la vie calme et paisible qu'il
avait retrouvée Munich. A peine éveillé, voulait-il
descendre au jardin, il ne trouvait pas devant lui un
large espace, une perspective indéfinie, mais il était sur
au moins de ne pas rencontrer le profil sec et hautain des
demoiselles de Stolzenfels ou la physionomie imperti
nente du major Bildmann. Si Hermann et Marguerite
voulaient s'ébattre sur la pelouse, ils n'avaient pas re
douter l'humeur querelleuse d'isaac. Si Muller rentrait
chez lui après une absence de quelques heures, il trou
vait près d'Edith spn fidèle ami Spiegel, dont l'affection
sérieuse et dévouée ne lui inspirait aucune inquiétude.
S'il franchissait les portes de la ville, s'il allait promener
sa rêverie dans la plaine ou sur la colline, il n'apercevait
sur sa route que des visages bienveillants. Il pouvait
marcher pendant toute la matinée sans jamais surprendre
dans le regard ou le sourire d'un paysan l'expression
ironique ou méchante qui avait été pour lui un supplice
de tous les instants pendant son séjour Hildesheim.
Rentré chez lui, il partageait librement son temps entre
l'étude et la causerie. Le soir venu, il réunissait autour
de lui quelques amis que son opulence inattendue n'avait
pas éloignés, dont la nature généreuse et loyale ne s'était
pas laissé égarer par l'envie. Enfin, quand l'heure du
repos avait sonné, le bonheur de sa journée se continuait
dans ses rêves. Retiré dans sa petite chambre, où il avait
goûté pendant tant d'années un sommeil paisible, Muller
voyait passer devant lui les plus belles, les plus poétiques
années de sa jeunesse. Quand il se réveillait, craignant
d'être abusé par une illusion, il ouvrait d'une main em
pressée les rideaux de son alcôve pour s'assurer qu'il
n'était plus Hildesheim. En achevant son déjeuner, il
n'avait pas craindre la visite de maître Wolfgang.
Ainsi, tous les instants de la journée, il sentait qu il
venait de quitter l'enfer et d'entrer dans le paradis. Et
pourtant, malgré la douceur et la séiénité dont se com-
j posait sa vie, il n'était pas heureux, ou plutôt il ne jouis
sait pas de son bonheur. Il ne trouvait pas en lui-même
la force d'apprécier dignement la vie calme qui lui était
rendue et qu'il croyait perdue sans retour. Souvent un
ver se cache au cœur des plus beaux fruits une pensée
douloureuse suffît pour gâter les plus belles journées.
Muller se disait que cette vie si calme et si paisible fini
rait dans trois mois, que dans trois mois il retrouverait
les tracas cl les soucis dont le souvenir s'était d'abord
effacé de son esprit comme un rêve. Et si, obéissant la
voix de la raison, il songeait un instant ne plus
quitter Munich, il se demandait comment il pourrait