JOURNAL D'YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
IV 1,855. 18e Aimer.
Jeudi, 10 Février 1859.
VOEUX D'IIX PETIT PROPRIÉTAIRE
LE PROGRES,
ABONNEMENTS Ypiif.s (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs. I Le Procrés paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 30 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Trnes, 9 Février.
La Chambre doit avoir entamé hier la dis
cussion des articles du Code pénal qui concer
nent la responsabilité spéciale des ministres du
culte, pour les délits commis l'occasion de
leurs fonctions. Nous nous attendons une
discussion assez vive, parceque quelques jeunes
libéraux se sont avisés de prendre fait et cause
pour la liberté absolue du prêtre prêchant du
haut de la chaire dite de vérité, et naturelle
ment ils seront appuyés chaleureusement par
les députés des évéques, qui défendront les in
térêts de ceux qui les ont envoyés la Chambre.
Nous admettons que le prêtre-citoyen ail la
pleine liberté de s'exprimer sur toutes choses
du haut du prône, mais nous revendiquons
haut et ferme, le droit de répondre pour tout
citoyen qui en aurait la volonté, sans qu'il soit
punissable, ainsi que le Code pénal le prescrit.
Si le prêtre dans l'église a le droit de s'occuper
d'autres choses que d'idées religieuses et des in
térêts de la morale, le citoyen, lui, doit avoir
la faculté de répondre au ministre du culte, qui
par cela même, qu'il ne reste pas dans les li
mites de ses attributions, doit pouvoir être con
tredit.
On nous dira que la liberté des cultes sera
violée? A cela nous répondrons que le prêtre-
citoyen qui s'occupe de politique et d'intérêts
mondains dans la maison de Dieu, n'est plus un
ministre du culte, mais uo simple citoyen. S'il
se borne développer la foi religieuse, le prêtre
absorbe le citoyen et c'est pour ce motif qu'il
est spécialement protégé par la loi. 11 l'est au
même titre que le juge sur son siège. Mais l'un
et l'autre doivent remplir certaines obligations
qui leur sont imposées en compensation de la
position privilégiée, qu'on leur fait. Le juge doit
remplir les formalités prévues par la loi, le
prêtre, lui, doit se renfermer dans sa mission
religieuse.
La Constitution, en séparant l'ordre spirituel
de l'ordre temporel, a nécessairement voulu
que le clergé n'eut pas le pouvoir de mettre la
confusionlà où elle prescrit la séparation, et
le prêtre citoyen doit commencer par respecter
les lois de son pays, sioon une pénalité doit lui
être appliquée. Mais les journaux du jeune
libéralisme parlent du prêtre-citoyen. Sont-ils
bien certains que le prêtre catholique-romain
soit resté ciloyen, après avoir reçu les ordres?
N'a-l-il point élé instruit dans un état d'isolement
et reçu une éducation qui lui a fait une exis
tence autre que celle du commun des mortels?
N'a-t-il point fait un serment d'obédience une
autre puissance religieuse, dira-t-on, mais poli
tique aussi L'homme qui met son courage et sa
force physique la disposition d'une puissance
quelconque perd par cela même sa nationalité.
Le prêtre romain peut mettre son influence
morale souvent plus puissante que le courage
et la force, au service d'un système politico-
religieux et il ne perd pas sa nationalité Il y a
là une absurdité qui ne se perpétue que par la
force de la tradition. Anciennement le clergé
romain et son chef le pape jouaient un rôle po
litique plus prépondérant que de nos jours et
toutes les anomalies du prêtre-citoyen provien
nent de cet ancien état de choses, dont certains
débris sont restés debout et s'agitent de temps
en temps convulsivement.
En somme, nous ne craignons pas la liberté
absolue qu'on réclame pour le prêtre-citoyen
mais en vertu de l'égalité devant la loi, nous
voulons que le citoyen non-prêtre ait le droit
de répondre une homélie politique, sans qu'il
puisse être fr»ppé par une pénalité. Si le prêtre
l'église n'est plus qu'un simple ciloyen et
comme tel ne doit être passible que de la res
ponsabilité commune tous les citoyens, nous
exigeonsen revanche, que tous lesciloyenssoient
sur la même ligne l'église et telle est la coasé*-
quence fatale laquelle on arrive, quand on
crie, vive la liberté! lorsqu'elle vous est profitable
et qu'on invoque son caractère sacré, quand il
s'agit de s'en approprier exclusivement les bé
néfices.
Lundi matin vers six heures, est décédé,
après une courte agonie, M. le baron Vander-
slichele de Maubus, bourgmestre de la ville
d Ypres nous pouvons encore le qualifier ainsi,
car bien qu'il ait résigné ses fonctions et doimé
sa démission de conseiller communal, il n'est
pas encore remplacé.
pour
faire suite ceux des couseils généraux.
Nous recevons d'un de nos abonnés communication de
la lettre suivante, adressée au conseil général de son dé
partement
Messieurs
Je soussigné Jean-Louis Giraud, propriétaire rural et
votre serviteur, je viens de lire dans mon journal les
vœux que vous avez formés dans l'intérêt de notre dé
partement. Si l'année qui vient, ces messieurs de Paris
continuent nous vendre des engrais sophistiqués qui
ne font pousser que la nielle; si nos marchands de vin
n'inscrivent pas en grosses lettres sur les douves de leurs
futailles juste le nombre de litres qui doivent entrer dans
nos bouteilles; si les allumettes chimiques brûlent encore
nos meubles; si nos routes sont mal empierrées, et si les
chasseurs paient encore double taxe sur les chiens qu'ils
ne déclarent pas par oubli, ce ne sera point votre faute.
Pour ma part, je vous en ronds grâce, car je tiens fu
mer ma terre, boire tout le vin qne je paie, dormir
en paix sans craindre pour ma grange, ne pas verser
dans ma carriole, et ne pas être l'amende si j'oublie
de présenter M. le percepteur mon petit basset Rus
taud. Tous ces vœux me rendent fort aise d'autant plus
aise, messieurs, qu'ils ont pour unique objet l'intérêt
matériel de notre département d'où je conclus naturel
lement qu'il doit être au moral dans un état parfait. Et
comme en relevant les vœux de MM. vos collègues des
autres conseils de France, j'ai trouvé que sauf en cinq ou
six endroits, c'est quasi le même partout j'ai le conten
tement de penser que la santé physique de notre citer
pays a seule besoin de quelques petits soins, et que sa
santé morale ne laisse rien désirer, ce qui m'a causé
autant de surprise que de joie, parce que, vous parler
franc, on le disait un tant soit peu malade, et que nous
sommes patriotes dans la famille Giraud.
Oui-da on le disait malade, cl cela sans méchanceté.
Je connais d'honnêtes gens nullement malintentionnés,
mais enclins se faire peur, qui trouvent que c'est pitié
de voir comme l'amour de l'argent tourne la tète de
tout le monde et comme le luxe fait des progrès. Ils di
sent que l'alarme est dans les familles et que U pomme de
Dimanche vers deux heures, il avait eu une
légère syncope, mais vers le soir, il s'était remis
au point de pouvoir faire sa partie de cartes.
Rien ne faisait donc prévoir une fin aussi pro
chaine, lorsque vers cinq heures du matin, il
s'est senti oppressé de la poitrine et une antre
syncope a eu lieu. On est allé chercher les
médecins Hammelralh et Meynne, mais tout
secours était devenu inutile, notre bourgmestre
avait rendu son âme Dieu.
M. le baron Vanderalichele de Maubus, d'une
famille noble d'Ypres et dont le père avait élé
avoué de la ville avant la révolution française,
est mort l'âge de 77 ans accomplis.
Nommé sous-intendant et ensuite commis
saire de l'arrondissement d'Ypres en 1815, il
resta en fonctions jusqu'en 1830. Il fut destitué
et les électeurs lui conférèrent le mandat de
bourgmestre de la ville d'Ypres. Il fut succes
sivement réélu jusqu'à ce que I âge et les infir
mités le forcèrent de prendre sa retraite, ce
qu'il fil au mois de Novembre dernier.
M. le baron Vanderstichele a rendu la ville
tous les services qu'il était en position de rendre,
et si vers la fin de sa carrière, il ne pouvait
donner tous ses soins l'administration, ce
n'était pas le courage qui faisait défaut, mais
les forces physiques fatalement atteintes par
plusieurs attaques d'apoplexie.
■na
Les obsèques de M. le baron Vanderstichele
de Maubus auront lieu Vendredi malin, avec
tous les honneurs qui sont dus au bourgmestre
de la ville et au chevalier de l'ordre Léopold.
Nous donnerons dans notre prochain nu
méro, le compte-rendu de la séance du Conseil
communal de samedi dernier.
Dans la partie de la séance qui a eu lieu
huis-clos, M. Becuwe, membre du Conseil
communal, a été réélu membre du Bureau de
bienfaisance, l'unanimité moins une voix.
Dans la même séance il a élé annoncé que
lêtang de Zillebeke ne contient encore que peu
d'eau. On a constaté 40 centimètres d'eau au-
dessus du plafond de ce réservoir. L'eau arrive
discorde roule dans les meilleurs ménages. 11 y a des
pères qui prétendent qu'au train dont vont les choses ils
ne pourront doter leurs filles, vu qu'un franc dans co
temps-là ne vaudra peut-être plus que dix sous; il y des
maris qui font grise mine, parce qu'une robe d'aujour
d'hui coûte le prix d'un acre de terre. Dimanche dernier,
au sermon, M. le curé a déclaré que le luxe est le démon
du dix-neuvième siècle, et il a tonné trois quarts d'heure
contre les dames de notre endroit qui se parent comme
des châsses pour venir prier le bon Dieu, ce qui fait que
M™' Giraud trouve que le curé ne prêche pas bien. Hier
M. Ic maire me contait, en nous promenant, que Jacques
le vigneron avait vendu un arpent de vigne, il y a une
huitaine pour acheter des chemins russes qui lui don
neront dix du cent, ce qu'il ditquand ils seront faits,
et que M,u Babet, la gouvernante du vicaire, s'est retirée
de la Caisse d'épargne et s'est mise dans le Mobilier.
Quand j'entends tout cela, je ne tremble pas, comme
bien d'autres mais je me dis qu'il faut y prendre garde
et ne pas être trop sans souci sur le moral de notre pays.
Nous surtout, les petits rentiers et les petits propriétaires,
le luxe nous mangera les premiers. Mais votre tour vien
dra, vous autres les gros messieurs. Vous y passerez les