9
JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
w 1,866. 18e Année
Dimanche, 20 Mari» 1859.
Vires acquint eundo
LE PROGRES
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 3 francs SOc. Provinces,4francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 45 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tpmes, 19 Mars.
Par arrêté royal en date dn 15 Mars 1S59,
est nommé échevlo de la ville d'Ypre», le
sieur Bonrgois, Panl, capitaine dn génie
pensionné et conseiller communal de la
ville d'Ypres.
La prestation du serment et l'installation du
nouvel échevin aura lieu en séance publique du
Conseil communal fixée au Dimanche, 20 Mars,
midi précis.
A peine venons-nous d'entendre, a propos de la liberté
de la chaire, les derniers échos des dithyrambes du parti
clérical sur la gloire du Congrès, qui a mis sous la sauve
garde de la Constitution toutes les manifestations de la
pensée, et déjà, ces panégyristes de la liberté, le front
rouge de colère, les yeux enflammés, lancent des torrents
d'injures contre les journaux qui ont eu l'audace de dis
cuter le sermon politique d'un prélat français, de trouver
petite et mesquine la conduite de l'évêque de Bruges
dans son intervention au milieu d'une querelle des éco
liers de sa résidence, dans la défense faite aux chantres
de sa cathédrale, de prendre part une représentation
dramatique donnée par quelques amateurs brugeois au
profit des pauvres.
Quand donc nos adversaires mettront-ijs d'accord
leurs actes avec leurs paroles? quand cesseront-ils de
jouer la comédie en défendant un jour la liberté et en
l'attaquant le lendemain?
D'honnêtes habitants de Namur trouvent mauvais
qu'un évéque français cherche persuader aux catholiques
belges que le gouvernement absolutiste de la France est
plus favorable la prospérité de la religion que le gou
vernement libéral de la Belgique; ils blâment ce digni
taire étranger de l'église de venir établir entre la situa
tion des deux pays un contraste dont la cause remonte
aux souverains de ces deux pays; ils dénoncent ces pa
roles imprudentes; ils mettent leurs concitoyens en garde
contre de pareilles allégations. C'est bien là de la libre
discussion on met sous les yeux du public la thèse dé
veloppée par le prélaton la discute, on en montre les
tendances Où donc est l'inconvenance Où est cette
violation de tout respect divin et humain dénoncée par
la presse cléricale?
M. Malou prend prétexte d'une rixe insignifiante d'éco
liers pour jeter du discrédit sur l'Aliiénée et l'École
moyenne de Bruges; il fait faire une dénonciation, il
invoque la protection des lois.^L'autorité communale se
livre une enquête qu'il rend publique, il fait la part
des torts, dans cette mutinerie d'écoliers qui aurait pré
tendument jeté l'épouvante l'évèché, et il conclut par
LIE ©METTO.
(Swiïe.)
IV.
Fragonard attendait que la nuit fût venue pour sortir
de la maison, et pour se promener dans la ville un
coup d'œil qu'il jeta par la fenêtre lui donna quelque in
quiétude au sujet de sa liberté. Un groupe d'hommes
était encore assemblé aux environs, malgré l'approche
de la nuit et de l'orage il crut dintinguer, parmi ces
gens-là qu'il avait déjà vus la même place en venant se
réfugier ehez son ami plusieurs de ces figures basses et
sinistres qui appartiennent la police de tous les pays et
de tous les temps. Était-ce lui qu'on en voulait? était
ce plutôt Robert qu'on épiait ainsi? Il se glissa près de
la fenêtre, en prenant bien garde de se montrer, et il
examina la contenance des individus qui semblaient faire
le guet devant le logis. Il les vit tout coup se mettre en
mouvement et se séparer dans différentes directions, en
faisant entre eux des signes d'intelligence. Au même
moment, il entendit le bruit d'une clé qu'on introduisait
et qu'on tournait dans la serrure la porte s'ouvrit et se
referma.
C'était Robert qui venait d'entrer, essoufflé et haletant,
eomrae s'il eût fait une course rapide; pâle et tremblant,
renvoyer les parties dos dos, seulement il recommande
plus de réserve au plaignaut dans l'exposé de doléances
éventuelles et ultérieure!.
Monseigneur se fâche, adresse au Conseil communal
une harangue dans laquelle l'emportement perce tra
vers des formes doucereuses maladroitement affectées
il prend occasion d'attaquer la discipline des établisse
ments de l'État, la moralité d'un homme généralement
estimé. Il conclut par une réclame en faveur de ses col
lèges dont il poursuit la prospérité avec un zèle si eutré,
qu'il va jusqu'à refuser le concours de son clergé aux in
stitutions rivales, dans la crainte de faire du tort aux
siennes.
Et pareeque la presse libérale discute les procédés de
l'irascible évéque, qu'elle trouve plus de dignité, plus de
respect des convenances dans la conduite des magistrats
communaux, on pousse de grandes clameurs, on crie
l'impiété, une conjuration des méchants contre l'Église
de Dieu. Les protestations en faveur de la liberté de dis
cussion sont oubliées, l'usage très-constitutionnel de
l'œuvre du Congrès est attaqué comme un débordement
de l'esprit du mal.
Une société d'amateurs avait préparé la représentation
d'une œuvre musicale de compositeurs brugeois la so
lennité, devait avoir lieu le lendemain, elle promettait
d'être fructueuse pour les pauvres en faveur de qui elle
devait avoir lieu. Ët voilà que deux chantres de la catlié-j
drale, prévenus la veille qu'ayant choisir entre la con-|
servation de leur place et leur participation cette œuvre
charitable, sont obligés par suite de l'intérêt de Leurs
familles de s'abstenir de remplir les rôles dont ils s'é
taient chargés.
Grand émoi Bruges impossibilité de donner la re
présentation; rétachc forcé. La société exhale des plaintes
légitimes; la presse libérale les discute, et trouve néces
sairement fort inconvenante la conduite de l'évêque qui
a attendu le dernier jour pour signifier son ultimatum.
Encore un abus intolérable de la liberté de la presse
Mais dans l'impossibilité de justifier le prélat qui a joué
ce beau tour, on nie hardiment qu'il soit intervenu dans
cette affaire. 11 y avait un règlement de 1844, toujours
en vigueur, et ce sont les chantres eux-mêmes qui s'en
sont souvenus, et qui ont reculé au moment de le trans
gresser. Leur refus a été tout spontané, personne ne leur
a adressé d'observation. Ils ont fait usage de leur li
berté
Là-dessus ce sont des avalanches d'injures aux jour
naux qui refusent de croire un mot de ce roman, et qui
discutent librement, en vertu de l'article 14 de la Con
stitution, les procédés de l'évêque. Ses organes, lui, ne
l'entendent pas ainsi est-ce que la dignité d'un évéque
ne serait pas compromise, s'il subissait le jugement de
l'opinion? Est-ce qu'il devrait descendre jusqu'à rendre
compte de sa conduite? Le droit commun, c'est bon pour
comme s'il eût échappé un grand danger ses cheveux,
mouillés de sueur, que le vent avait mis en désordre, ses
habits d'atelier couverts de boue et de sable encore hu
mide, déchirés en plusieurs endroits, témoignaient assez
qu'il ne pouvait être dans une situation d'esprit normale
et tranquille. Il s'étonnait de ne pas voir Seïla accourir
au-devant de lui, lorsque Fragonard lui barra le passage,
le saisit par les bras, l'examina de la tête aux pieds avec
émotion, et l'embrassa cordialement plusieurs reprises,
avant que Robert l'eut reconnu sous son déguisement et
répondit cet accueil amical qu'il ne comprenait pas
d'abord.
Ah! mon brave Robert, s'écria Fragonard, qui
craignait d'avoir apprendre un malheur, qu'y a-t-il
donc? C'est toi, Fragonard! reprit Robert, dont le
trouble augmentait chaque instant; toi ici, seul
Oui, seul; Saint-Non m'a quitté tout l'heure ne l'as-tu
pas rencontré?... D'où viens-tu Je ne t'ai jamais vu en
cet état, mon pauvre ami Que t'est-il arrivé? Tu as
eu une querelle? on l'a maltraité? on ta renversé par
terre? Non, non... disait Robert, qui parcourait
l'atelier sans écouter les questions que lui adressait Fra
gonard, attaché ses pas. Tu es seul ici deraanda-t-il
encore une fois. Aveç qui diable veux-tu que je sois
repartit vivement Fragonard, qui éclata de rire ensuite.
Oh! je n'y songeais plus la Susanne? Où est-elle?i
les profanes. Les ministres des autels doivent occuper
une position privilégiée.
Voilà le résultat auquel aboutissent dans la pratique
ces fameux théoriciens de la liberté et du droit commun.
Il semble que ce soit un fait inoui, particulier notre
siècle que cet examen des actes du haut clergé. Jamais,
peut-être, il n'a joui d'une autorité plus absolue jamais
il n'a pu se permettre des licences qu'il prend notre
époque. Ce n'étaient pas, la vérité, les laïques qui se
permettaient des censures et des critiques, c'étaient bien
pis les moines, les jésuites, les docteurs en théologie se
faisaient un malin plaisir de contrarier les évèques, leurs
chefs immédiats.
Aux mandements on répondait par les privilèges de la
corporation, par des thèses des Facultés, par des appels
aux parlements ou au conseil du souverain et quand on le
pouvait, on faisait intervenir le métropolitain. Nos évé-
ques seraient bien déçus dans leurs illusions, s'ils se
retrouvaient en présence des beaux jours du passé. Si les
jésuites sont redoutables aujourd'hui, ils seraient leurs
maîtres avec le rétablissement de fultramonlanisme pur.
Ces contradictions du parti clérical résultent dé ses
doctrines qui sont en contradiction avec les principes de
liberté dont il se fait le défenseur par occasion. Chez lui
la libre manifestation de la pensée, quand elle le con
trarie, est une révolte, une impiété.
Quand il parle de liberté, c'est la sienne seule qu'il
invoque le reste n'est que friperie, M. de Gerlache l'a
dit. Il ne réclame pas le droit commun en ce qui con
cerne les outrages adressés aux ministres du culte, il la
revendique seulement quand ce sont eux qui diffament.
Comme ils ont le monopole des censures, ils trouvent
mauvais qu'on veuille y mettre des limites, plus mauvais
encore qu'on ose les atteindre.
Il faut que dans la chaire, dans la presse, par toutes les voies
qui leur sont ouvertes, ils éclatent, ils tonnent oontre les témé
raires qui osent regarder le soleil en face, et signaler ses lachear.
Critiquer le sermou d'un évéque, même français, répoudre, pour
le blâmer, un réquisitoire épisoopal contre un Athénée, une
école moyenne, contre la police, le Conseil communal, le bourg
mestre, le bureau de bienfaisance, se reudre jusque dans te ca
binet d'un évéque pour y demander l'origine de la défense faite
des Chambres de rhétorique de prendre part une œuvre de cha
rité laïque, ce sont des crimes qu'il était réservé notre temps de
voir oommettre impunément. On ne répond pas de pareils excès,
on leur dit: aualhème!
Voilà comment le parti clérioa! entend la liberté, et comment
il faut expliquer ses protestations en faveur du droit commun.
[J. de Liège.)
Par arrêté royal du 14 Mars 1859, le sieur
Vau Grave est démissionné de ses fonctions
d'inspecteur des eaux et forêts des deux Flan-
interrompit Robert en se retournant vers son ami et en
l'interrogeant du regard avec sévérité. Comme tu me
regardes Je te jure que je ne l'ai pas cachée dans nies
poches, et j'ajouterai que cette chaste Susanne... Où
est-elle, te dis-je? Je n'ai ni le loisir ni l'intention de
plaisanter, et toi, tu ne plaisanteras pas, j'en suis certain
d'avance, sur un sujet qui me tient cœur, puisque tu es
mon ami, Fragonard... Certes je suis ton ami, el je
te le prouverai en ne devenant pas ton rivalsi tu t'avi
sais d'être amoureux... Amoureux! je le suis comme
un fou Tu concevras que je le soisquand tu auras vu
Seïla... Je l'ai vue,, et j'étais déjà tout prêt l'aimer
aussi, faire l'impossible pour en être aimé... Je me
disposais même me mettre en campagne et tout ten
ter, jusqu'à l'enlèvement... Mais le voilà amoureux enfin,
et ee n'est pas sans peine il faut bien renoncer mes
projets et lie penser qu'à servir les tiens. Je suis tes
ordres Dis-moi seulement ce qui s'est passé en mon
absence, comment tu es enlré, comment on t'a reçu
On ne m'a pas reçu on s'est enfui, on s'est caché il
est vrai que j'enlrais la façon des voleurs, en escaladant
le mur du jardin... Mai?, enfin, où est Seïla?...
Elle se nomme Seïla j'ai deviné du premier coup d'œil
que c'était une Juive. Le charmant modèle que tu as là
Modèle par occasion, répliqua Robert en souriant.
N'cit-ce pas un bonfieur que de peindre les traits d'un*