JOURNAL DTPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
H° 1,873. 18* Année.
Jeudi, 14 Avril 1859
Vires acmimt eundo.
LIE ©HH¥T©.
le pmues,
irrr» rr i
ABONNEMENTS yprès (franeo), par trimestre, S francs 50 c. -—provinces,4 francs. i la progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS: annonces, la ligne 45 centimes. réclames, la ligne: 30 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tpbes, 13 Avril.
Que de fois n'avoDs-nous pas entendu les
feuilles cléricales s'écrier bas les questions
de parti, fi! du clérical et du libéral, traitons
les affaires, finissons ces stériles discussions de
parti; vire les questions matérielles ce sont les
plus solides; le reste n'est qu'unedispute de mot.
Et certains libéraux, tous les radicaux de
battre des mains, applaudissaientà ce beau pro
gramme du parti clérical, qui éloignait ainsi
lallention de l'opinioo de ses empiétements
sur le domaine laïc. Eh! bien, dès les premiers
jours de la révolution le débat s; été placé sur
le terrain politique il s'agissait alors comme
maintenant de savoir, si la société moderne au
rait de gaîlé de cœur, repris les liens dont le
despotisme clérical sous l'ancien régime avait
eu l'adresse de l'eavelopper, ou si elle allait
secouer celte domination pour toujours.
Certains libéraux courte vue ont joué sou
vent le jeu du cléricalisme et les radicaux sont
encore les alliés du parti clérical. Il est ridicule
que des gens qui prétendent professer des opi
nions libérales, prêtent la main ceux qui,
prépondérants, supprimeraient toute liberté
dont ils ne jouiraient pas exclusivement. Ce
n'est pas que ce danger n'ait été signalé sou
vent, et dans un excellent article que nous re
produisons, le Journal de Liège démontre avec
autant de lucidité que de logique, que ces ques
tions de parti doivent occuper la première place
dans les préoccupations de l'opinion, sous peine
de voir la Belgique replacée sous le joug du
clergé.
Voilà bien longtemps déjà que la société civile est ren
trée en possession de ses droits dans la Belgique et cepen
dant les efforts ne cessent pas pour la ramener sous la
domination du clergé.
Non-seulement les peuples qui n'ont pas tout-à-fait
seconé le joug sont impuissants se débarrasser des en
traves séculaires qu'une politique aussi adroite que tenace
a multipliées; mais ceux-là mêmes qui en ont été tout-à-
fait délivrés sont obligés lutter sans tin pour ne pas se
laisser imposer de nouveau ce rude collier de la servitude.
L'Espagne fait d'inutiles efforts pour obtenir la liberté
de la presse, les évêques ont conservé la censure des
livres qui touchent aux.questions morales et religieuses;
ils disent anathême aux ministres et aux représentans
vii.
[Suite.)
On frappa rudement la porte du Ghetto mais cette
fois les chiens n'aboyèrent pas. L'orage les avait sans
doute terrifiés et les retenait dans leur chenil. Marco fit
signe Nisida de se cacher derrière la tapisserie de l'al
côve, et malgré la répugnance de celle-ci se rapprocher
d'un juif mort, elle obéit mais aussitôt elle jeta un cri
étouffé que n'entendit pas Marco, qui courait ouvrir
Mondaio. Après quelques paroles échangées entre eux,
Marco laissa l'orfèvre rentrer chez lui et retourna de son
côté dans la loge du custode il n'avait plus le front si
soucieux ni le regard si sombre.
Tiens, coquette, cria-il en faisant rouler cinq pièces
d'or sur la table voilà ta parure de noces
Mais personne ne répondit, excepté le tonnerre, qui
tombait dans le Ghetto en ébranlant la fois l'atmosphère,
le sol et les maisons, comme par l'effet d'un tremblement
de terre et d'une éruption de volcan Marco n'y prit pas
garde et s'élança vers l'alcôve un spectacle effrayant le
glaça de stupeur; la tapisserie venait de s'écarter, sou
levée par un bras maigre et livide; le custode Capricola,
qui font mine de lui contester ce pouvoir. Le Sénat es
pagnol vient de reconnaître la juridiction ecclésiastique
en se déclarant incompétent pour juger un chanoine ac
cusé d'irrégularités administratives. Ce malheureux pays,
longtemps courbé sous le joug de l'Inquisition, ne jouit
pas, malgré sa Constitution libérale, de la liberté des
cultes.
La Belgique n'est divisée en denx grands partis politi
ques, que parce que les uns ont compris la révolution de
1830, comme le triomphe des idées libérales, c'est-à-dire
de la séparation absolue de l'autorité civile et de l'auto
rité religieuse, et que les autres y ont vu un retour aux
anciennes idées, une réaction contre les institutions et les
lois fondées sur les principes de 1780;
Daus la discussion de nos lois organiques, comme dans
la direction des affaires, il n'y avait au fond des débats
que la question de syprématie pour l'un ou l'autre parti.
C'est pour elle surtout que les esprits se passionnent;
c'est la solution cfes'difficultés que crée l'antagonisme des
deux politiques, qui entrave l'action des pouvoirs publics.
Les deux partis procèdent, la vérité, par des moyens
différens: Les libéraux disent franchement ce qu'ils veu
lent c'est la séparation des deux pouvoirs; c'est la déter
mination des limites dans lesquelles ils se mouvront.
Respect de l'autorité civile pour l'autorité religieuse,
liberté absolue dans l'exercice dc9 cultes, indépendance
du clergé, dans tout ce qui concerne sa mission, voilà les
règles invariables de leur conduite dans les affaires re
ligieuses.
En retour, ils demandent aux ministres des cultes
qu'ils cessent de vouloir intervenir dans les affaires de
l'État. Ils ne les repoussent pas comme hommes, comme
citoyens, mais ils ne les reconnaissent pas comme for
mant uu corps, ayant droit des prérogatives différentes
des autres citoyens intervenant pour les protéger dans
l'exercice de leur ministère, ils sont bien en droit d'exiger
qu'à leur tour, et dans l'intérêt de l'ordre, ils ne trans
forment pas les cérémonies religieuses en réunions poli
tiques consacrées amoindrir l'autorité civile.
Le parti théocratiquc, au contraire, dissimule ses pro
jets, c'est par des voies détournées qu'il marche vers son
but, sa politique est plutôt dissolvante; placé en présence
d'une organisation sociale et politique qui est l'antipode
de celle qu'il rêve, il faudrait la modifier profondément.
Il est parvenu se faire admettre dans l'instruction pu
blique, mais il y est mal l'aise, parce qu'il n'a pas ob
tenu la part qu'il ambitionnait; il s'est introduit dans
l'administration de l'assistance publique par les fonda
tions avec administrateurs spéciaux; mais il a échoué
dans la tentative d'obtenir une existence légale avec cor
porations religieuses. Il a recouvré une partie de sa puis
sance dans le temporel des cultes, on a mis des limites
aux attributions des fabriques d'églises il voudrait mo
difier la loi sur la police des cimetières.
Qu'est-il besoin de rappeler le passé on sait nos
semblable un spectre qui sort de la tombe, demi-nu, la
face cadavéreuse et immobile, les yeux fixes et ardents,
ses longs cheveux blancs épars, s'était agenouillé sur le
lit, et serrait avec tant de force le cou de la jeune fille
évanouie, qu'il imprimait ses doigts osseux dans la chair,
et qu'il avait presque étranglé sa malheureuse victime.
Marco la lui arracha des mains, en le repoussant et en le
faisant retomber étendu, la tête renversée sur le bord du
lit; puis il enleva dans ses bras la pauvre Nisida, qui ne
donnait plus signe de vie il essaya de la ranimer force
de caresses et de baisers.
Que la malédiction du ciel soit le seul héritage qui
te vienne de moi! murmura le vieillard qui essayait en
vain de redresser la têteet qui sentait le sang y affluer,
prêt l'étouffer, et sifflant dans ses oreilles. Nisida
ma chère! ma bien-aimée! s'écriait Marco, dont le déses
poir balançait seul le ressentiment; reviens toi recon
nais-moi... Oh le misérable vieux! je l'étoufferai de mes
propres mains Puissent les chrétiens me venger et
te punir, fils ingrat, fils maudit! répétait Capricola en se
débattant. S'il l'avait tuée! disait Marco qui s'effrayait
du long évanouissement de Nisida le meurtrier est là,
et je l'épargne encore. Va, chien, épouse ta chré
tienne! criait sourdement le moribond qui, loin de re
prendre une position horizontale, rendait la sienne plus
luttes depuis vingt-huit ans. Elles ont amené les élec
tions de 1837 ces élections, qui seront sans aucun doute
confirmées par celles de 1839, donnent la conclusion de
débats prolongés pendant un quart de siècle. Notre
Constitution doit être respectée dans son esprit et dans
sa lettre. Les lois ultérieures doivent étrejmises en har
monie avec la législation antérieure dont le congrès a
voulu le maintien.
Les questions de parti doivent donc être soulevées et
résolues pour que le pays soit débarrassé des craintes du
retour des abus d'un autre âge. 11 a condamné les fonda
tions privées, telles que le projet Nothomb voulait les
établir il ne veut pas de ses idées sur la police des cime
tières. Après avoir longtemps souffert de l'abus que le
clergé faisait de son influence sur les populations igno
rantes des campagnes, il veut que le suffrage des électeurs
soit libre. Il demande que l'instruction populaire soit
étendue, fortifiée que les villages, comme les villes,
possèdent des écoles communales bien dirigées, bien
surveillées.
C'est en vain que l'on voudrait se débarrasser de ces
questions; elles s'imposent d'elles-mêmes tous les gou
vernements elles sont les bases sur lesquelles doit
reposer notre législation.
Si l'on veut que ces questions disparaissent, il ne faut
pas s'entêter dans une réaction impossible, il faut accep
ter franchement la constitution de la société civile, et la
laisser, en paix; administrer ses affaires. Il ne faut pas
répandre des mensonges dans les populations crédules
pour, leur faire croire que l'on en veut leurs croyances,
qu'on les veut rendre impies, dissolues. Ce sont de mau
vais moyens qui enveniment les discussions, qui créent
des haines entre les habitants.
La grande masse du clergé d'ailleurs ne partage pas
ces passions. Les curés en général n'ambitionnent pas les
charges d'administrateurs spéciaux de fondations et sur
tout sont peu sympathiques aux corporations religieuses
la plupart ne se font, qu'à regret, surveillants des élec
teurs de leuçs paroisses.
M. le commandant d'armes De Bruyn vient
d'être nommé de première classe et il n'y aurait
lieu que de se réjouir de voir accorder un
brave et digae officier, un avantage qu'il a mé
rité par une longue carrière honorablement
parcourue. Mais il devra nous quitter pour
aller Tournai et son départ causera de vifs
regrets, car M. De Bruyn, depuis huit ans qu'il
commande la place d'Ypres, a toujours joui de
l'estime et de la sympathie des habitants.
Une sérénade a été donnée hier M. le com
mandant, par les musiques du IIe de ligne et
des Sapeurs-Pompiers.
pénible chaque mouvement et touchait déjà le plancher
avec son crâne; épouse-la et mets au monde des fils chré
tiens! Maudit 9ois-tu! maudite soit-elle! maudits soient-
ils maudits, maudits! maudits!...
Les cris de Capricolamêlés d'un ràlemcnt affreux,
eurent plus de pouvoir que les tendres prières de Marco
sur l'évanouissement de Nisida mais ce fut sous l'empire
d'une terreur indéfinissable, qu'elle reprit ses sens et
qu'elle se trouva, toute tremblante, toute glacée de sueur,
face face avec son amant. Elle crut d'abord être en pré
sence du cadavre qu'elle avait vu se ranimer et la saisir.
La voix de Marco la rassura; elle se jeta dans les bras du
jeune homme, sans oser se retourner pour savoir si le
vieillard qu'elle entendait râler pouvait l'entendre encore.
Ne crains rien chère Nisida, lui disait Marco avec
l'accent le plus amoureux je suis là pour te protéger.
Ah Marco, j'ai pensé que le démon m'emportait dans
l'enfer! reprit-elle toute éperdue, c'était le vieux juif!
Hou! hou! moi! l'aide! murmurait d'une voix
expirante Capricola, qui n'ayant pas réussi reporter sa
tête sur l'oreiller, comprenait que l'apoplexie allait le
frapper dans cette position critique de grâce, secourez-
moi Pauvre Nisida, je donnerais tout mon sang pour
t'épargner une peine, un ennui, un regret disait le fils
du mourant. Il me semble toujours le voir devant moi!