M. Cavour est parti pour Gênes, il se rend la
rencontre de l'Empereur des français.
Chronique politique.
s'est retiré précipitamment de Cariano et de Strop-
piana.
On écrit de Rome la Gazette de Cologne
Lea enrôlements pour les troupes papales se font
avec une extrême lenteur. La jeunesse enthousiaste
voit sa patrie dana le Piémont et franchit la iner en
masse. Il y a quelques jours, ces volontaires, en
recevant leurs passe-ports de la police, étaient
obligés de signer leur exil. Aujourd'hui il n'en est
plus de même depuis qu'est établi le service régulier
du chemin de fer pour Civita-Vecchia, ils prennent
simplement un permis pour cette ville. On le leur
accorde sans peine, et, une fois là, ils s'embarquent
sans passe-ports sur des navires piémontais ou tos
cans.
Paris, jeudi, 12 mai.
Les Autrichiens se rendant l'injonction du Pape
ont levé l'état de siège d'Ancône.
Le phare a été rallumé. (Moniteur du îa mai.)
Turin, 11 mai, au soir.
Le Bulletin officiel annonce que les Autrichiens
restés Verceil, font de fréquentes excursions vers
Desas.
Hier, sont rentrés Pavie par Gravelone, deux
batteries et 20 voitures contenant dea malades et des
blessés.
Turin, 12 mai.
L'Empereur est attendu Gênes aujourd'hui
midi. M. de Cavour est parti hier soir pour Gênes.
De l'artillerie de siège, un régiment d'infanterie,
et un détachement de chasseurs ont repassé Gra-
vellone, et se sont dirigés vers Casale Puiterlengo.
Beaucoup de troupes ennemies sont concentrées
entre MortaraPalestro et Robbio. Le quartier-gé
néral autrichien est Moi tara.
Gènes, 12 mai.
L'empereur a débarqué et s'est rendu directement
au palais royal, accompagné du prince de Savoie-
Carignan, de M. de Cavour et du prince de La Tour
d'Auvergne.
En ce moment, il se montre au balcon le peuple
l'acclame et le salue d'applaudissements enthou
siastes.
Marseille, 12 mai.
Les journaux rapportent que la canonnière an
glaise Coquette a salué d'une salve d'artillerie le
départ de l'empereur et a escorté pendant quelque
temps le bâtiment sur lequel se trouvait Sa Majesté.
Sa sortie au port de l'escadre impériale offrait un
spectacle magnifique.
Berne, 11 mai.
Les nouvelles de Turin prétendent que les Autri
chiens repasseront le Tessin; 5oo Autrichiens ont
occupé Mandera sur la frontière du canton des Gri
sons. Les chasseurs tyroliens occupent Stelvio. Sur
la frontière du Tessin se trouvent des masses de ré
fugiés lombards.
Londres, 12 mai.
Le ministre do la guerre vient de publier une
circulaire adressée tous les lieutenants des comtés
par laquelle le gouvernement déclare être prêt
accepter toutes les offres de s'enrôler faites par les
volontaires.
Paris, vendredi, 13 mai.
Le Moniteur d'aujourd'hui vendredi, confirme la
uouvelle de l'arrivée Gênes de l'Empereur et de la
réception enthousiaste qui lui a été laite.
Le numéraire de la Banquede France est diminué
de vingt-cinq millions; le portefeuille est augmenté
de soixante-sept millions, comptes particuliers
aoixanle-sept millions et demi.
Londres, 12 mai.
On écrit de Vienne au Times qu'il règne dans le com
merce et la finance une vive consternation; on s'attend
des faillites nombreuses dans la capitale et dans les
provinces.
La noblesse de Gallicie est très-mal disposée envers le
gouvernement.
Bourse de Londres Consolidés 91 7/8 92 1/8.
Do ft IHal an 14 Inclue.
La tactique dea Autrichiens préoccupe vivement
les hommes spéciaux. On ne sait pas s'ils franchi
ront le Pô afin d'attaquer les forteresses, ou s'ils ont
l'intention de marcher vers Turin. Ils continuent
de manoeuvrer sur le fleuve, tandis que l'armée sarde
appuie son aile droite sur Alexandrie et son aile
gauche sur Casai.
Aujourd hui que les Français ont 70,000 hommes
Gênes, et 3e,000 Suze, il n'y a plus lieu pour les
troupes autrichiennes de tenter sur Turin cet assaut
dont on avait attribué le projet l'Autriche. On est
très-mécontent Vienne du retard apporté dans les
opérations, après l'expiration de Yultimatumet l'on
y croit que ce délai coûtera des milliers d'hommes
et des millions de florins.
Les pluies subites et les inondations artificielles
des rivières, ajoutent aux difficultés de la marche.
Si, comme on l'affirme, le vieux système d'envoyer
des instructions militaires de Vienne, auquel on a
dû les désastres de 179b, continue être mis en pra
tique, si le général Hess contrôle Vienne les ordres
donnés par le général Giulay en Piémont, les an
ciennes erreurs du Conseil aulique seront fatales
encore une fois l'Autriche. Il s'agit de voir si elle a
conservé les traditions de Wurmser et si les Fran
çais ont gardé celles de Napoléon. Si la guerre
doit être menée d'après les principes de la vieille
stratégie, il faut s'attendre 6 des marches et contre
marches sans fin, sans combat décisif. Les Autri
chiens hésiteront marcher sur Turin par crainte
des forteresseset les français hésiteront marcher
sur l'ennemi qui pourrait les prendre en flanc par
Plaisance et Pavie. Les plus probable jusqu'à ce jour,
c'est que cette partie d'échecs mènera une nou
velle bataille dans les plaines de Marengo.
Les assaillants ont perdu leur meilleure chance.
Reste savoir si le maréchal Baraguay-d'Hilliers
est capable de déconcerter le système d'attaques
concentriques des Autrichiens et de les battre en
détail, comme jadis le général Bonaparte.
En attendant, l'Autriche a fait une faute énorme,
d'après les hommes compétents, en jetant des trou
pes dans Ancône, une forteresse ou verte du côté de
la mer, et située 60 lieues de toute place de ravi
taillement. Jusqu'ici les généraux autrichiens n'ont
pas répondu ce que faisaient prévoir leur allure
hautaine et les apprêts gigantesques de la guerre.
La Patrie annonce comme positive la nomination
de M. de Persigny Londres. On se demande ce que
fera le duc de Malakoff en attendant la formation de
cette armée du Rhin dont il est nommé comman
dant, mais qui n'existe encore que sur le papier.
La retraite des Autrichiens se confirme de plus
en plus, et le Nord croit savoir quelle est la consé
quence d'un mot d'ordre envoyé de Vienne, où un
nouveau plan de campagne vient d'être adopté.
Une dépêche de Londres nous annonce, mais nous
ne savons d'après quelle autorité, que la Prusse et
l'Angleterre ont l'espoir de localiser la guerre.
La situation financière en Autriche est encore ag
gravée par suite du décret qui donne cours forcé aux
nouveaux billets de la Banque, et l'on craint de voir
l'agio sur l'argent s'élever 5o p. c. comme en 1848.
Les navires autrichiens qui se trouvent dans les
ports français ont reçu l'autorisation de regagner
leur pays ou leurs ports. Le Journal des Débats in
dique au gouvernement une autre mesure libérale
prendre.
En ce moment une frégate autrichienne de 4°
canons, Novarra, achève avec un état-major de sa
vants, un voyage de circumnavigation entrepris
depuis plus de deux ans dans le seul intérêt de la
science. An siècle dernier les navires de Cook, de
Bougainville et de La Peyrouse, étaient, au plus fort
de la guerre entre la France et l'Angleterre, considé
rés comme neutres et respectés en vertu de conven
tions spéciales par tous les belligérants. C'est une
traditiou qu'il serait honorable de faire revivre.
Le général sir John Codi ington, l'ancien com
mandant en chef de l'armée anglaise en Crimée, est
nommé, par décision royale en date du 6 mai, gou
verneur et commandant en chef de la ville et de la
garnison de Gibraltar. Jusqu'à présent aucun officier
général supérieur n'avait été investi de ces fonctions,
réservées de simples majors généraux, parfois mê
me h des officiers d'un grade inférieur.
Nous sommes en temps de guerre et jamais les
nouvelles n'ont été aussi insignifiantes. C'est tel
point que beaucoup de gens, n'entendant plus parler
de rien, s'imaginent que tout est fini. Notre public
reprend confiance, et les plus pessimistes sont per
suadés que la guerre durera encore deux mois.
Nous ne pourrons malheureusement les entrete
nir longtemps dans cette douce illusion et le bruit
d'unegrande bataille retentira bientôt de l'autre côté
des Alpes.
Les journaux belges se trouvent en ce moment
dans une détestable position pour apprendre la vé
rité au public. Ils reçoivent tous les matins une
douzaine de feuilles de Paris, des correspondances
de Paris, des dépêches de Paris, et c'est avec ces lu
mières qu'ils doivent éclairer le public belge. Le
matin sept heures nous avons déjà avalé douze
tartines sur la gloire de la France. Qu'est-ce que cela
nous fait pour l'amour de Dieu, la gloire de la
France!
Tel est pourtant le thème du moment et la plu
part, sans savoir pourquoi, modulent des variations
sur de vieux airs chauvins.
Après la gloire de la France, viennent les injures
contre l'Autriche. Nous voyonsimprimer partout
que l'Autriche fait une guerre de brigands, parce
qu'elle frappe des réquisitions en pays ennemi. Le
Piémont lui, a mis l'embargo pur et simple sur les
navires de commerce autrichiens. C'est tout aussi
naturel, mais on l'en blâme beaucoup moins. Enfin,
la troisième partie du concerto, consiste chanter
les avantages d'une division en Allemagne il faut
absolument que la Prusse et la Confédération ger
manique abandonnent la cour de Vienne. A quand
le finale de la symphonie? Nous le prévoyons sans
peine. Ce sera la guerre l'Angleterre. Sus la per
fide Albion Tel est l'esprit de ce que nous lisons
chaque matin, heureux de reposer un peu nos
oreilles de tout ce tintamare en parcourant un
journal anglais, encore impartial jusqu'à ce que les
cartes se brouillent aussi de ce côté-là. Alors nous
ne saurons plus absolument rien, et nous nous ré
veillerons un beau matiu dans la douce conviction
que c'est nous qui avons chassé les Autrichiens de
l'Italie.
Voici les seules nouvelles du jour. Le grand-duc
de Toscane prend du service dans l'armée autri
chienne.
La noblesse de la Sélisie autrichienne vient de
faire présenter par une députalion une adresse de
dévouement l'empereur François-Joseph. La dé-
putation avait sa tête le prince évêque de Breslau,
M. Foerster.
La Mareohbereilschaft de l'armée prussienne, or
donné il y a dix jours, sera terminée aujourd'hni.
L'Europe vient d'arriver i Liverpool, avec des
nouvelles de New-York du 37 avril.
La plus importante se rapporte l'arrestation
la Nouvelle-Orléans de M. Migeon, consul de
France, pour avoir donné un refuge un nègre libre,
déserteur d'un vaisseau. Les consuls d'Angleterre,
de Prusse, d'Espagne et de Belgique avaient protesté
contre l'arrestation de leur collègue.
Des lettres de Mexico, disent que Miramon est
arrivé le 11 dans cette ville et qu'il y a commis des
atrocités contre les étrangers. Il a protesté contre la
reconnaissance du gouvernement de Juarezparles
Etats-Unis, et banni le consul américain.
Les Anglais menacent les ports du Mexique pour
les dommages éprouvés par leurs nationaux. Vera-
Cruzdoit leur payer un million et demi de dollars,
sous peine d'être bombardée.
Le mouvement de retraite des Autrichiens parait
continuer. D'après les dernières dépêches, ils ont
évacué Verceil et repassé la Sesia. Us ont quitté
Biella, qui n'est situé qu'à très-peu de distance de la
Doire où les Piémontais ont leur première ligne de
défense. Les troupes impériales se retranchent der
rière la Sesia et le Pô; elles font des reconnaissances
en attendant la bataille, et le général Giulay prélève
partout des contributions de guerre en argent et en
nature.
Un changement complet s'est opéré dans la posi
tion. Les Autrichiens ont abandonné aux Français
la vallée de la Scrivia qui- borde la limite orientale
du champ de bataille de Marengo et baigne les murs
de Tortona. La Sesia, qui marque aujourd'hui la
ligne de l'armée d'invasion, prend sa course près du
Simplon, traverse le Piémont dans ai plus grande
longueur et se jette dans le Pô près de Casai.
Les Autrichiens appuient leur aîle gauche sur ce
fleuve et leur aîle droite sur les Alpes. Ils font face
la Doire où le général de la Marmora a son quartier-
général que M. de Cavour a visité ces jours derniers.
Le mouvement des Autrichiens peut s'expliquer
de différentes façons. Il peut être fait en vue de
choisir un champ de bataille, une précaution, jus
qu'au jour où les pluies auront cessé, ou un prélude
de retraite générale. Les Piémontais comptent déjà
sur cette dernière résolution et espèrent voir l'en
nemi se retirer Plaisance, Manloue et Pes-
chiera, laissant les duchés en révolte, et la petite
ville de Côme en insurrection.
Nous ne savons rien sur les mouvements de l'ar
mée française. L'Empereur a décidément quitté
Paris avec le prince Napoléon. On attend pour son
arrivée les grandes opérations.
Il est probable que l'empereur d'Autriche ira
prendre le commandement de son armée au mo
ment même où l'empereur des Français se mettra
la tête de ses régiments; le branle-bas général ne
peut donc tarder maintenant retentir sur toute
la ligne.