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JOIIKi\iL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
J*° 1,941. 19* Année.
Jeudi, 8 Décembre 1939.
V^ires acquirit cundo.
ENQUÊTE
sur les élections de XiOuvalu.
LE PNUES
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs. Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
1NSER TIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 30 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Tpres, T Décembre.
L'enquête sur les élections de Louvain paraît
avoir donné un coup de fouet au parti clérical,
car depuis que le rapport sur cette affaire a été
déposé, le mutisme de nos dignes députés épis-
copaux a disparu pour faire place des allures
très-agressives. C'est ainsi qu'on a eu un véri
table orage parlementaire Samedi dernier. MM.
De Theux, Nothomb et De Champs ont parlé
avec une violence inouïe. Allons, il faut se tenir
pour averti, le parti rétrogade et réactionnaire
s'apprête de nouveau geurroyer contre la
société moderne au nom soi-disant de la liberté
qu'il chérit tellement, qu'il n'en veut que pour
lui seul.
Les débats de la Chambre sont très-instruc
tifs et aussi très-concluants, car quand on a
invité les orateurs du cléricalisme prendre
sous leur patronage les injures et les outrages
que les feuilles honnêtes et modérées lancent
constamment contre le cabinet et l'opinion li
bérale, nul n'a osé prétendre quele ministère fût
le ministère de l'émeute et que la majorité fût
issue des pavés de Mai. On s'est tû, trouvant
qu'il était prudent d'abandonner cet outrageant
langage aux journaux soudoyés de l'épiscopat.
C'est aussi plus adroit, quoique peu digne, ce
dont la minorité se soucie peu du reste, car
pour jouer le rôle qu'elle a accepté, il faut
qu'elle ne possède pas un alôme de dignité.
t si
Nous donnerons dans notre prochain numéro,
le compte-rendu de la séance du Conseil com
munal de Samedi dernier.
RAPPORT DE M. L. DEFRÉ,
Au nom de la commission d'enqnéto.
[Suite.)
III.
Quel était l'intermédiaire dont le parti conserva
teur ae servit pour faire fructiiler cet argent au pro
fit de son triomphe Du prêtre, qui, la campagne
surtout,exerce sur L'espritdesélecteurs une influence
qu'aucune autre autorité ne peut balancer. Il tient,
au souffle tost-puissanl de sa parole, toutes les âmes
asservies. Comment lutter contre lui Ceux mêmes
qui n'acceptent pas cette dépendance, font semblant
dé l'admettre. Les conseils que donne le prêtre, sont
des ordres qu'on exécute d'autant mieux, qu'on a
reçu d'avance la rémunération du service qu'il a
réclamé. La conscience et la bourse sont satisfaites.
Le prêtre fut donc choisi comme l'intermédiaire
le plus efficace pour déterminer l'électeur voter.
Cslte vérité jaillit lumineuse de l'enquête, et les
aveuglas seuls pourront la nier.
Le curé de Léau dépose que M. Van Bocfcel lui a
fait parvenir, par l'intermédiaire de M. Vandormael,
une somme d'argent il n'y avait pat mille franct
je crois qu'il pouvait y avoir quelque chose comme
cinq cents francs, mais ma mémoire n'est pas très-
fraîche 149* déposition). Le curé ajoute f en ai fait
la répartition d'autres ecclésiastiques.
La curé de Capelle a donné chaque électeur cinq
francs. (i5o* déposition). Il dépose
Ces dépenses ont été faites la suite d'une lettre
dont je ne me rappello pas la signature, mais qui
devait venir d'un comité électoral. Il y avait dans
la lettre que les dépenses seraient rembourséea.
Le vicaire de Tirlemont, M. Messens, avoue, de
son côté, qu'il avait reçu la commission de faire les
dépenses électorales. Je crois, dit-il, que c'est de M.
Van Bockfcl voir 65* témoin) et dans sa circulaire
aux électeurs, le notaire Aspeculo ajoute ce post-
scriptum fameux: pour les frais de voyage, s'adres
ser chez M. le curéceux qui le désirent.
Le clergé était donc partout l'instrument dont
s'est servi le parti conservateur. Cependant, il y a
eu de la part de quelques prêtres de nobles protesta-
lions contre ce rôle de courtier électorale si peu en
harmonie avec leur ministère, et que l'ambition
pulitiqueleur avait imposé. Nousaimons consigner
ici les parole* du curé de Léau J'ai dit mon
vicaire qu'il me répugnait de faire le courtier d'élec
tion et de courir la ronde comme un garde-cham-
pétre. (ioo* déposition).
Le bourgmestre de la commune deKeerbergen déclare
devant M. le jugeCasicr, le 5 novembre dernier Lors-
que le vicaire m'a offert une pièce de cinq francs, quel-
ques jours avant les élections, il m'a dit qu'il lui répu-
gnait de devoir donner aux électeurs une pièce de cinq
n francsque chacun d'eux devait connaître son devoir.
Ce malheureux prêtre, condamné un travail contre
lequel sa conscience se révolte, cède en gémissant aux
ordres qui lui sont donnés. Cet argent lui brûle les
doigts, et quand M. Michiels lui repousse jusqu'à trois
fois, il le jette sur la table, en disant donnez-le aux pau
vres si vous voulez, j'ew vevx être «bitte
Nobles paroles que nous relevons comme la condamna
tion la plus sanglante des moyens employés dans la lutte
électorale dont il s'agit. Que n'avons-nous, hélas con
stater la même répugnance de la part de tout le clergé
mais tous n'ont pas eu ce sentiment élevé de leur devoir,
et quelques-uns ont, pour ainsi dire, profané le temple
dans un but électoral.
Dans certains endroits, le curé ne se donnait pas la
peine d'aller domicile, il faisait venir l'électeur dans la
sacristie: ainsi, Neerlinter, d'après la déposition du
premier témoin entendu, le curé fait venir dans la sacris
tie Henri Scots, et lui dit que, s'il veut voter pour la liste,
il lui donnera dix-huit francs. (1* déposition.)
Le même fait s'est passé Halle-Boyenhoven et Keer-
bergen. (95* et 99" dépositions.) Quelques jours avant
les élections, dit Jean Materne, pendant la messe, on
me fait avertir par le sacristain, de.ne pas quitter avant
d'avoir parlé au vicaire, qui avait quelque chose me
dire. On avait appelé, en même temps que moi, deux
n autres électeurs. Introduits, après la messe, dans la sa-
cristie, le vicaire me remit huit francs et un billet pour
le déposer dans l'urne. Les deux autres ont reçu, corn-
me moi, un billet et huit francs.
Pour mieux agir sur l'esprit de l'électeur, la sacristie
ne suffit pas, on y joint le confessionnal. On y parle de
liste» électorales, et on refuse l'absolution au pénitent
qui votera pour M. de Luesemans, accusé par le confes
seur de vouloir anéantir la religion et ruiner le pays. La
déposition de M. Sterkmans est aujourd'hui confirmée
par l'instruction faite devant M. le juge Casier, le 21
novembre dernier.
Cette instruction nous apprend aussi que pour éviter
d'être renvoyés du confessionnal sans absolution, de
malins campagnards se munissaient d'un numéro du
journal catholique le Btlqe; ce que voyant, le prêtre ab
sout le pécheur sans lui faire, comme Vollen, des
questions indiscrètes Ja, ja, dit l'un de ces cam
pagnards, mgnen Belg heeft verscheiden keeren in den
biechtstoel gczeten. (Oui, oui, mon Belge a été son-
vent confesse.) (36° et 18" dépositions, et le procès-
verbal du 21 novembre qui se trouve aux Annexes.)
On a fait grand bruit de la pression exercée sur les
locataires des hospices de Bruxelles, sur les fournisseurs
du bureau de bienfaisance de Diest, et sur un petit em
ployé de la poste aux lettres de Louvain. L'enquête a en
levé ces faits tout caractère de gravité mais qu'est-ce
qu'une pareille pression côté de celle que le prêtrepeut
exercer dans le confessionnal Ce malheureux pécheur,
dont il tient le salut dans ses mains puissantes, ne peut
que s'incliner et promettre. Ce ciloyen, que la Constitu
tion a rendu libre, abdique entre les mains da prêtre sa
part de souveraineté dans les affaires de son pays.
S IV.
En exécution donc d'un plan do campagne dont l'effi
cacité a été démontrée par le succès obtenu il a été dis
tribué de l'argent Tildonck, HaechtMontaigu, A
Winghe, Léau, Keerbergen, a Tirlemont, Diest,
partout enfin, sauf aux électeurs de Louvain.
Ce fait est si bien établi qu'on est obligé dé le recon
naître mais on réplique après voir reçu la pièce de
cinq francs l'électeur restait libre de voter pour la liste
libérale, et ce qui le prouve, dit-on, c'est que l'électeur
qui recevait de l'argent ne recevait pas de bulletin.
Le bon sens n'admettra jamais que le parti catholique
ait dépensé tant d'éeus pour donner aux électeurs le
moyen de voter contre lui. Son but était de triompher
au scrutin en engageant, sur l'appât d'une rémunération,
ceux dont il connaissait les opinions, venir voter pour
lui. Mais les faits démentent cette assertion qu'on aurait
donné de l'argent sans bulletin.
Le notaire Aspeculo dépose qu'à sa circulaire du t"
juin 1859, qui renvoie au curé pour les frais de voyage,
était joint un bulletin conservateur, de sorte que si des
curés ont remis de l'argent sans bulletin, c'est que le
notaire y avait déjà pourvu. Et voilà pourquoi le curé de
Tildonck, qui dépose avoir donné cinq francs quatre
électeurs, a pu ajouter cette phrase consignée dans sa
déposition J'avais l'intention de leur donner des Iril-
lets, mais je ne l'ai pas fait, parce que les électeurs
m'ont dit qu'ils en avaient. (72* déposition.) A Tirle
mont, le vicaire va trouver Hillen et lui offre de cinq
dix francs puis il lui dit Je vous enverrai un bul-
letin. Suppose-t-on que ce vicaire va envoyer un
bulletin libéral (62" et 63° dépositions.)
A Cappelle, le curé joint l'argent qu'il donne, un
bulletin électoral; je joignais, dit-il, un billet en ser-
tant, laissant l'électeur libre d'en faire l'emploi. (50*
déposition) A Baens il offre cinq francs et pas de billet.
Pourquoi? Parce qu'un ami du curé lui en avait rerais ud.
(48* déposition.) Le vicaire de Montaigu en agit de même.
Je leur donnais également un billetdit-il. (79" dé
position.) A Keerbergen, le vicaire va trouver la femme
de Pierre Buedts; il laisse sur la table une pièce de cinq
francs et un billet, puis il dit la femme que son mari
devait le déposer dans l'urne 100" déposition.) Le sacris
tain Ceulemans reçoit du même vicaire cinq francs et un
bulletin. (36° et 99" témoins.) A Haecht,le clerc distribue
des bulletins catholiques avec une ou deux pièces de
cinq francs (instruction faite devant le juge d'instruction
Dekeyser, de Malines. Voir aux Annexes.)
A Keerbergen, le vicaire essaie sa persuasion l'aide
d'un pièce de cinq francs sur la femnic d'un électeur
pour gagner le mari. A Haecht, le curé fait remettre dix
francs Rély par l'intermédiaire de la sœur. Decoster
croit qu'il en avait aussi reçu un bulletin (102° 105"
dépositions.)
Michiels, entendu devant le juge d'instruction Lou
vain, le 5 novembre dernier, a déposé Tous les élec-
teurs auxquels j'ai parlé, m'ont dit qu'ils avaient reçu
une pièce de cinq francs et un bulletin je dois ajouter
que la remise de la pièce de cinq francs était accom-
pagnée d'un bulletin.
Le curé de Cappelle s'informe près de l'épouse Taes si
son mari vote pour les catholiques ou pour les libéraux
et il ne remet la pièce de cinq francs que quand il ap
prend que le mari votera pour les catholiques. (41* té
moin.)
Et il en a été ainsi partout. Le prêtre n'avait pas mission
de faire voter pour les libéraux, ni de jeter inutilement
l'argent recueilli non sans peine ni fatigue et qui n'avait
été ehvoyé aux communes que pour faire triompher les
catholiques. Supposer le contraire, ce serait faire injure
l'intelligence et l'habileté des hommes du parti con
servateur.
De l'aveu de tous, c'est l'argent qui a fait venir les
électeurs au vole.
Ceux, qui, la veille des élections avaient constaté l'état
de l'opinion, comptaient sur un autre résultat.
Les témoins Pcemans, Boels et Guibert, membres
actifs de l'Association libérale de Louvain et partant au