9
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Vires acquirit eundo
M" 1,943. 19* Année
Jeudi, 15 Décembre 1959.
ENQUÊTE
sur les élections de IaouvaIii*
ix.
LE PROCHES
ÎQt lia
ABONNEMENTS: Yfrbs (firaneo), par trimestre, 5 francs 50e. Provinces,4francs.
INSERTIONS: Annonças, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes.
Le PnosniÈs paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchie*.
Tpres, 14 Décembre.
Nous avons dit que le départ ch; M. De Bruyn
inspirait d'unanimes regrets parmi nos popula
tions aussi, en apprenant cette nouvelleun
grand nombre d'arnis de l'honorable colonel se
sont entendus pour lui offrir un banquet comme
témoignage d'estime et de sympathie. Celte
réunion a eu lieu Dimanche l'hôtel de la
Châlellenie, et nous devons le dire en l'hon
neur de Mll# Sonneville, nous n'avons jamais eu
de plus beau banquet en notre ville, celte fête
avait réuni soixante-dix convives et elle a été
réellement digne de celui qui en était l'objet,
car rarement nous avons vu plus de cordialité
et d'élan.
Au dessert plusieurs toasts ont été portés
au Roi, par M. Carton, commissaire d'arron
dissement; au Colonel De Bruyn, par M. Alph.
Vanden Peereboom la prospérité de la ville
d'Ypres et son digne bourgmestre, par M. le
colonel De Bruyn. Enfin, le colonel De Bruyn
a remercié ses anciens frères d'armes de la
coopération et de la bienveillance qu'il avait
rencontrées chez eux. Nous ne rendrions qu'un
compte incomplet de cette féte si nous ne par-,
lions de l'impromptu de MJean-Baptiste Vanden
Peereboom qui, après avoir fait un juste éloge
du caractère de M. De Bruyn. a proclamé que
les vœux des Yprois le suivraient partout et
toujours dans sa retraite. Ajoutons que M. le
colonel Tbiebault, qui avait été invité au ban
quet, a eu la délicaleattention d'y faire entendre
son excellente musique, ce qui n'a pas peu con
tribué rehausser la fête.
On sait que la presse cléricale ne reconnait
pas l'autorité de la Chambre les discussions
qui y ont lieu sur les questions les plus graves,
sont pour elle comme non-avenues, et la majo
rité, quand elle n'appartient pas la droite, y
est traitée comme une intruse, et regardée com
me de la valetaille qui se serait permise de pas
ser de l'anti-chrmbre au salon sans la permis
sion du maître. Une majorité libérale bien qu'é
lue légalement et régulièrement sans le secours
des pièces de cinq francs, est toujours pour elle
le produit de l'émeute et les ministres ceux de
Sa Majesté l'Émeute.
On saiLcomment MM. Frère, Rogier, Devaux
ont fait justice des accusations, des injures de la
presse épiscopale sur l'origine de la majorité et
du ministère, et comment ils ont prouvé, sans
qu'une voix de la droite s'élevât pour les con
tredire, que ce sont eux qui ont conseillé au
ministère De Decker de ne pas retirer le projet
de'loi sur la charité, afin de ne pas amoindrir
l'autorité de la Chambre qui devait avant
tout être sauvegardée. Eh bien, de tout
ces faits irréfutables et irréfutésla presse clé
ricale ne lient aucun compte. C'est ainsi que la
Patrie de samediprenant celte fois des airs
de victime, comparait l'enquête de Louvain
l'apologue du Loup et de l'Agneau, et parlait au
plus fort de pavés et d'émeute. Or, on con
viendra que les agneaux de Louvain ont pu
mêler du vin dans le courant de l'onde pure, au
moyen de pièces de cinq francs, il en est même
4ui, non contenu de leur toison naturelle, ont
pu s'acheter de chauds vêtements contre le froid.
Décidément, il serait temps que la presse
cléricale inventât autre chose, la comédie de
mai-novembre, des pavés des bûchers, de l'é
meute est usée jusqu'à la corde, le public la
siffle et demande quelque chose de plus vrai
semblable et de moins usé Journal de Bruges.)
Plusieurs journaux cléricaux s'indignent très-
haut de la mesure dont ont été l'objet, dans
quelques communes, les Frères de la doctrine
chrétienne; ils en veulent beaucoup au gou
vernement d'avoir provoqué le retrait des sub
ventions dont les Frères jouissaient encore dans
plusieurs localités.
Dans les communes auxquelles nous faisons
allusion la position des frères était irrégulière,
illégale.
Recevant des subsides des caisses publiques,
ils ne croyaient pas devoir remplir les condi
tions que la loi met l'obtention «le ces subsides.
Par exemple, il leur répugnait d'admettre l'em
ploi des livres approuvés par le gouvernement,
de participer aux conférences trimestrielles,
qui se donnent sous la présidence de l'inspec
teur cantonal de subir l'épreuve de l'examen
devant les inspecteurs, etc., de se mettre enfin,
vis-à-vis de l'autorité publique, dans la même
position qu'occupent les chefs d'établissements
subventionnés par le trésor communel.
Ils entendaient, pour tout dire, jouir des
avantages attachés aux écoles publiques, sans
en accepter les charges. Dès lors ils se trouvaieut
en dehors des conditions légales.
Or, le gouvernement chargé de faire respec
ter la loi et de garantir une bonne instruction
aux populations, ne pouvait pas tolérer plus
longtemps que la loi de 11142 fût foulée aux
pieds dans ses articles principaux.
Partout où les frères ont refusé de se sou
mettre, Chimay, Châtelel, Péruwelz,
Tournay la suppression des subsides a été la
conséquence de ce refus.
Une pareille mesure offre-l-elle la moindre
prise la critique
Uue loi ayant été votée, est-il libre au gou
vernement d en restreindre l'application? Non,
sans cloute, qu'elle s'applique des laïcs et des
religieux, elle doit les traiter sur le même pied,
en ne créant point de privilèges en faveur de
l'un, au détriment de l autre.
Ceux qui veulent garder leur entière indé
pendance le peuvent, mais dès lors il est du
devdir des administrations de garder leurs sub
sides. (Idem.)
RAPPORT DE M. L. DEFRÉ,
Ah nom de la commliolon d'enqnéte.
(Suite et fin.)
L'enquête révèle un fsit étrange qu'il importe de vous
faire connaître. Le parti conservateur avait organisé,
pour le jour de l'élection, une garde de sûreté composée
de cent cinquante individus, connue sous le nom de
stukslagers (assommeurs), dont la majeure partie était
composée de repris de jostice, et qui devait assurer la
tranquillité publique. Cotte bande a coûté 900 francs. La
plupart était armée de bâtons. Ils se groupaient aux
portes de la ville et aux bureaux de l'élection. Leurs
antécédents bien connus, leur mine étrange, leur attitudo
provoquante produisaient sur la population une espèce
d'excitation cl d'intimidation.
De celte bande faisaient partie un nommé ffermsiis,
surnommé le Buffetcondamné deux fois; Devriendt
Martin, dit de groote Padde, condamné dix fois; De-
vriendt, Pierre, dit de kleine Paddecondamné sept fois;
Winnepenninck, condamné trois fois et mis sous la sur
veillance de la police. Ces condamnés pour vols, rebel
lions, coups et blessures, étaient payés li raison de six
francs, pour concourir au succès de la liste conservatrice.
Tous étaient munis d'une carte bleue portant ces mots
qui ont dû les faire sourire Paix et concorde, et plu»
bas Dieu, la Constitution, le Roi. Quelques personnes
ont été l'objet de leurs violences pour avoir arraché une
affiche sans timbre, que le nommé Coppin faisait pla
carder aux portes des bureaux, te matin de l'élection.
Dans l'après-midiquand le résultat a été coDnu ils se
trouvaient devant le bureau principal et criaient ea levant
leurs bâtons Vivent les catholiques Le soir les slok-
slagers se trouvaient aux Oratoires, siège de l'Association
conservatrice Un étudiant y but la santé du chef de la
bande, qu'il qualifia de Garibaldi de Louvainprofanant
ainsi un nom illustre.
Plus tard, l'avocat Boels, en montant la rud de Namur,
rencontra une partie de la bande toujours en train de
célébrer le triomphe de la journée; ils s'étaient livrés
de copieuses libations. L'un d'eux, Devriendt, nommé de
Paddeétali soutenu par dru* femmes. A onze heures du
soir, ils troublaient tellement le repos public que la po
lice dut fermer les établissements où ils s'égayaient.
La paternité de cette bande est disputée par deux
hommes marquants du parti catholique, Mle professeur
Moëllcr et M. le notaire Van Bockel. M. Moëller dit
J'eus alors (eu 1857), l'idée d'organiser ce que nous
avons appelé une garde de sûretéet je me félicite de
cette idée. M. Van Bockel dit de son côté J'ai de
mon chef, aux élections de 1854, rassemblé une tren
taine d'individus non armés, qui avaient pour consigne
de maintenir l'ordre aux abords des bureauxd'empê
cher toute violence sur les électeurs, etc.
Il y avait, selon M. Moëller, deux grands motifs pour
créer cette garde d'abord des scènes d'une gravité ex
trême qui, d'après lui, s'étaient passées aux élections de
1850 et 1854, et ensuite la circonstance que les élections
de 1857 se faisaient sous l'impression des désordresédu
mots de mai.
On cherche donc h justifier l'existence de cette bande
par les désordres qui auraient eu lieu en 1850et en 1854.
Il y a eu, en effet, quelques désordres en 1850, mais en
1854 1a tranquillité publique n'a pas été troublée, ainsi
que le prouve la lettre adressée, par M. le procureur du
roi de Louvain M. le président de votre commission.
Il y a eu, en 1850, l'occasion d'une sérénade donnée
un candidat heureux, quelques désordres, mais c'était
après l'élection, et partant, ils n'ont eu ni pour butni
pour résultat, de gêner l'électeur dans le libre exercice de
son vole. On se demande comment les désordres de 1850
n'ont pas engagé les conservateurs organiser, en 1854,
la garde de sûreté. Pourquoi attend-on jusqu'en 1857
pour la former? La réponse cette objection s'est trouvée
dans la bouche de quelques témoins.
L'élection du mois de décembre 1857, dit-on, s'est
faite sous l'impression des désordres du mois de mai.
Les désordres du mois de mai 1857 ne constituent pas
un motif plus sérieux en faveur de la création de cette
garde, composée de repris de justice, et agissant sans
responsabilité et sans contrôle côté des autorités éta
blies, et auxquelles on a l'air de dire nous ne pouvons
pas compter sur vous, nous ne sommes pas en sûreté
avec vous. Grave insulte faite i l'honneur et h la capacité
des magistrats chargés de protéger le repos publie Les
désordres du mois de mai Et contre qui done les forces
publiques se sont-elles déployées dans les rues de Lou
vain, en 1859 Mais précisément contre les échappés de
prison dont on avait, en partie, composé la garde de
sûretéet transformés en défenseurs de l'ordre et ds la
propriété. En 1857 l'autorité communale a fait sou de
voir et préservé la ville des désordres dont elle était me-