28a ANNÉE.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VISITE DU ROI A YPRES.
«.S4W. HmwHnhe^
Août ISfll
LE PROGRÈS
VIRES ACQCIRIT EUNDO.
ABONNEMENI PAR AN Pour l'arrond1 administratif et judiciaire d'Ypres. fr. 6-00
Idem Pour le restant du pays7-00
Tout ce qui concerne le journal doit être adresséii l'éditeur, rue au Beurre, 83.
INSERTIONS: Annonces la ligne ordinairefr. 0,15
Idem Réclames idem. ^>3"
Les lettres et paquets doivent être affranchis.
pues, le 8 Août.
Correspondance particulière de /'Écho du Parlement.
Ypres, le 3 Août 1868.
On a beaucoup parlé, en ces derniers temps, de fêles
flamandes. En voici une du meilleur aloi, et dont l'au
thenticité ne sera récusée par personne. Célébrée en
pleine Flandre, eu plein ommegang, celle solennité a
eu une expansion cordiale et naïve qui est le caractère
distinct if de la race flamande. Où retrouver mieux ce
caractère qu'à Ypres, la ville par excelleuce des vieux
souvenirs et des vieilles mœurs?
Le Roi y est arrivé vers midi, après avoir été com
plimenté, la gare de Menin, par les autorités de cette
ville.
Le canon gronde, la Brabançonne se fait entendre,
mille cris'de Vive le Roi retentissent. Notre souve
rain descend de la berline royale. MM. Bara, ministre
de la justice, Renard, ministre de la guerre, Vander-
stichelcn, ministre des affaires étrangères, l'accom
pagnent, de mêineque divers autres hauts personnages,
tels que MM. Vaiiderstraclen-PonthozVrauibout,
gouverneur de la Flandre occidentale. Il est reçu par
M. le bourgmestre d'Ypres, qpi lut souhaite la bien
venue et lui présente ses collègues du conseil com
munal, en ajoutant que la population yproise sera
heureuse de l'accueillir. S. SI. répond par quelques
paroles affectueuses.
Elle passe immédiatement en revue la garde civique
et la garnison, au milieu des plus bruyantes acclama-
lions. Les tambours, le carillon, diverses musiques s'y
mêlent. Le cortège traverse des arcs de triomphe, dont
deux exécutés avec goût. Entre tous, celui de Saint-
Sébastien, l'antique gilde des archers, dont M. Alph.
Vandcn Peercboom est membre, se distingue par le
pittoresque de l'ornementation. Décrirai-je ces ban
nières, ces trophées, ces tentures, ces étagères de fleurs
et de verdures qui décorent les rues que traverse le
cortège? Toutes les sociétés de tir, de musique, de
dessin, d'agriculture, toutes les écoles avec leurs dra
peaux et leurs blasons forment la haie au milieu de
cette immense drève fleur delisée et enrubannée.
Le soleil éclaire celte population flottante et bariolée
qui se heurte, se presse et se broie pour voir et accla
mer Léopold II. Vu d'une fenêtre, lo coup d'œd est
réellement splendidc. A chaque croisée les dames
agitent leurs mouchoirs, et dans le nombre il en est
de fort jolies, ma foi I,e cortège suit les rues des Bou
cliers, du Temple, la Grand'Place et la rue de Lille, et
conduit S. M. l'hôtel de M. le baron Mazeman, séna
teur, qui le reçoit, ce que l'on me dit, avec une rare
magnificence.
A 2 heures et un quart, visite l'église de S'-Martin.
Vous savez que la restauration de cette belle cathédrale
vient d'être effectuée avec un soin infini.
Dégagé de son vilain badigeon, ce monument revêt
une physionomie la fois se»ère et élégante. Les
colonnes et les clefs de voûte en pierre bleue font
saillie sur le reste de l'édifice qui est en pierre blanche.
S. M., accompagnée des personnages déjà indiqués,
plus M. Alpli. Vandciipcereboom, est reçue et com
plimentée par le doyen et le clergé du doyenné- Les
pompiers stationnent aux deux côtés de la grande nef
pour écarter la foule. S. M. se fait présenter M. Mufle,
président du conseil do fabrique, qyi lui lit uu long
discours sur les travaux de restauration de la cathé
drale, puis l'architecte qui a dirigé ces travaux, M. Van
Yscndycke. En complimentant l'artiste, le Roi lui
dit que la difficulté de sa tâche était de mettre l'édifice
en son mcilleurétal possible, sans rien innover (ce sont
ses propres paroles), et que l'artiste lui paraît avoir
résolu ce difficile problème.
Pendant l'exécution du Salvum fac regem, avec
accompagnement de violons et orgue, le Roi s'est
agenouillé sur un prie-Dieu devant l'autel, puis il a
examiné en détail les antiques curiosités de l'église
les célèbres reliques de Térouanne, la tombe de Jan-
sénius, les superbes panneaux de Van Eyck, etc. Tout
cela s'accomplit aux sons de la Brabançonne partis de
l'orgue. Le doyen est rayonuant, le clergé aussi. Ils se
séparent du monarque en criant avec force Vive
le Roi
11 est trois heures. Une autre cérémonie v» s'effec
tuer l'audition d'une cantate et le défilé des diverses
autorités et sociétés de la ville et de l'arrondissement.
La Grand'Place ici l'épilhète grande a une signi
fication précise est littéralement comble. Les toits
et les fenêtres regorgent de curieux. Un charmant
kiosque orné de draperies rouges et or sa dresse au
fond. Des places réservées s'élèvent côté elles sont
garanties contre les ardeurs du soleil par une tenture
en toile. En face du kiosque est l'amphithéâtre sur
lequel sont placés les deux cents musiciens qui vont
exécuter la cantate. Elle débute dans la tonalité de
ré bémol, largement et majestueusement.
Un récit de basses l'unisson amène un ravissant
andante, où les voix et les instruments luttent d'ex
pression et d'ensemble. Vieut un récit pour ténors,
également l'unisson, après quoi éclate le cœur final,
en forme de marche. A part la longueur démesurée des
ritournelles, l'ouvrage, qui est de M. Otto, directeur
de la musique des pompiers, décèlé1 un compositeur
expérimenté, initié toutes les ressources vocales et
orchestrales, et qui de plus a su rendre, d'une façon
vraiment grandiose, le caractère des paroles. Son
instrumentation est vigoureuse et brillante, et si les
sonorités, au lieu de vibrer en plein air, se dégageaient
dans une salle, l'effet de la cantate serait doublé. M.
Otto a été présenté au Roi par le bourgmestre, et je
tiens de bonne part que S. M. a été enchantée de son
œuvre.
Quant aux paroles qui sont de M. Albert Denoyelle,
on en jugera mieux par le texte même que nous re
produisons
INTRODUCTION.
Flandre au Lion, lève ta tète altière;
Réveillez-vous, ombres de nos aïeux
Voyez flotter votre vieille bannière,
Gomme en vos jours de combats glorieux.
Mais aujourd'hui, plus de tyian colère
Dans nos cités venant jeter l'effroi
Ceîui qui vient, Belges, c'est notre Frère
Vive le Roi!
CHŒUR.
O Belgique Patrie
Sur lou sol tourmenté,
Le travail, l'industrie
Donnent la liberté.
Pour bannir tes alarmes,
Nos bras forgent des armes;
Notre sang est toi
S'il le fallait, Flandre
Nous saurions tous défendre
La Patrie et le Roi.
RÉCITATIP.
Dans son beau oiel d'azur, l'étoile scintillaDte,
A nos yeux éblouis brille au-dessus de nous,
Ainsi uous apparaît notre Reine brillante,
Et nos cœurs sont émus cet aspect si doux.
Heureuse en ce beau jour, que son âme ravie
Puise au milieu de nous uu gage de bouheur
A notre Reine aimée, enfants de la Patrie,
Donnons avec nos bras l'amour de notre cœur.
CHOEUR GÉNÉRAL.
Ils sont venus ces temps prospères
Où tous les Belges sout unis,
Libres euQu, vivant en frères,
Sous ton beau ciel, mon pays
Désormais rien ne nous divise,
Noua pouvousdire avec fierté:
Dieu protège notre devise
Le Roi, Patrie et Liberté
C'est ici que le véritable caractère de la fête fla
mande va se dessiner. Les communes défilent une
une devant le souverain, placé debout l'entrée de
l'estrade. Les costumes les plus divers, les physio
nomies les plus pitloresqucs, les poses les plus bi
zarres toujours naturelles au fond se déroulent
tour tour. Chaque association, chaque école, chaque
corps de métier apporte ce qu'il a de plus caractéris
tique exiber qui une vieille bannière, qui un mé
daillée, souvenir de ses triomphes aux luttes courtoises
du tir ou de la musique, qui encore des échantillons
de son industrie. J'en vois nantis d'instruments ara
toires. Une société de colombophiles vide devant S. M.
un panier de pigeons, au grand amusement de cellc-c^
et du public: Je remarque aussi des costumes la
turque, exceptionnellement toutefois. Arrivés devant
le kiosque, tous crieut lue-tête Vive le Roi Les
sociétés d'harmonie exécutent la Brabançonne. C est
un va-et-vient bizarre bruyantmais plein de
charmes. Des larmes coulent des yeux d une belle
dame qui aperçoit un vieillard levant ses mains dé
charnées et criant, de sa voix débile Vtvè le Roi
Le défilé a lieu dans l'ordre suivant Wytschaete,
Warnéton (dont les pompiers ont le casque au bout du
fusil) Neuve-Église, Messines, Walou, Bocsinghe, Com-
mines, Gheluvelt, Vlamertinghe, Rousbrugghc; Bix-
schote, Passchendaelc (avec des instruments de séran-
cage), Oostvleteren, Gheluvelt, Keroroel, Gheiuwe,
Houthem, Hollcbeke, Crombcke, Ploegslecrt, Renin-
ghclst, Elverdinghe,Wesloulre, Zandvoorde, Becelacrc
(harmonie atelier d'apprentissage école sociétés
d'agriculture et de drainage, archers), Wutvergbera,
Uranoutre, Brielcn, Woéstcn, Zillebeke, Zuydsehote,
Voormezecie, Dickebuscb, Locrc, Poperinghc, Ypres'
(hospice des vieillards, atelier d'apprentissage, écoles
communales, sociétés de musique, école professionnelle,
Académie des beaux-arts, collège, association de tir,
société flamande qui crie Leve de Koning! (pompiers
avec leur musique), Passchendaelc (exibant des édi-
Culcs construits avec les échantillons d'étoffeS de
l'atelier d'apprentissage). Si cette fête n'a pas le cachet
flamand bien accusé, il n'eu existe plus, même en
Flandre.
Il est 4 heures. En quittant la Grand'Place, S. M.
s'est rendue l'Arsenal, pour se convaincre en per
sonne de la haute utilité de l'école de cavalerie et de
la nécessité de la conserver Ypres. Après la réception
d'usage, faite par le major commandant de l'école, les
manœuvres ont commencé. S. M. était placée dans un
pavillon garanti contre le soleil incandescent par une
toiture en paille. Des deux côtés des tribunes réser
vées étaient adossées aux murs. Elles étaient remplies
surtout de dames.
Les manœuvrescommandées par le capitaine
Mignolet, ont, d'après ce qu'il m'est permis d'en juger,
réussi complètement. Elles se sont effectuées avec
autant de précision que d'ensemble. Je supprime les
manifestations dont le Roi a été l'objet la fin des
exercices. Mais il ne m'est point permis de taire un fait
plus significatif. S. M. a réuni les cadres des officiers
de l'école et les a brillamment complimentés, chacun
en particulier, en parlant du bel avenir qui est ré
servé l'école de cavalerie. A mon tour j'adresse
qui de droit mes sineères compliments pour l'excellente
organisation de la féle, et je n'excepte pas de ces féli-
cilattAins les commissaires des tribunes les sous-
lieutcnauls Van Huffel et'Lecocq. Le clergé qui n avait
point été oublié dans les invitations laites par le
commandant major se trouvait représenté aux
manœuvres par plusieurs de ses membres.
Il est 3 heures. En Ce moment la réception des
autorités doit avoir lieu dans les salons de l'hôtel de
M. le baron Mazeuian. En présentant au Roi le conseil
communal, M- le bourgmestre d'Ypres sest exprimé
comme suit
Sire i
De tout temps les villes flamandes se sont distin
guées par la splendeur de l'accueil qu elles faisaient a
leurs souverains lors de leurs joyeuses entrées.
Mais jamais, aucune époque, cet accueil ne sest
manifesté uvec autant de spontanéité, d éclat et d en
thousiasme que depuis la régénération politique de
notre chère patrie