No 271. Dimanche.
37e année.
5 Août 1877
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
En France, la querelle des chefs du parti bona
partiste préoccupe seule les journaux. Elle a trouvé
son point de départ dans une lettre adressée par
M. Dugué de la Fauconnerie M. Paul de Cas-
sagnac, et l'encourageant défendre une politique
d'union avec les autres groupes conservateurs.
Cette idée a déplu M. Roulier, chef du bonapar
tisme intransigeant, et de là les correspondances
que nous avons partiellement reproduites.
Aujourd'hui l'affaire est devenue personnelle et
les allusions les plus méchantes font place aux
arguments de faits.
A la Chambre des communes d'Angleterre, un
membre a demandé au gouvernement s'il avait reçu
une communication de la Russie portant que si
l'Angleterre désire que les intérêts de l'Egypte ne
soient pas compromis, elle doit user de son in
fluence auprès du Khédive pour empêcher qu'il
fasse aucun acte hostile envers la Russie.
Sir Slafford Northcole a répondu que le Foreign
Office n'avait reçu aucune communication de cette
nature.
Les derniers événements militaires de la Bulgarie
ont sensiblement modifié la position respective des
armées belligérante^. La défaite infligée par le corps
d'armée d'Osman Pacha 60,000 Russes a jeté
l'épouvante dans les rangs des troupes moscovites,
et si les généraux turcs savent profiter du désarroi
produit par ces rçvers, il est possible que nous
assistions en Bulgerie une défaite pareille celle
qui a ramené en Asie l'armée d'Arménie des
portes d'Erzerounyà celles d'Alexandropol.
Déjà la ville de Lovatz, située au sud de Plevna,
est occupée par les troupes ottomanes et le grand-
duc Nicolas, qui avait établi son quartier général
Tirnova, s'est replié sur Biela.
La présence des'chefs arrêtera peut être le mou
vement qui a éclaté la suite de la Plevna. A peine
la nouvelle de la défaite de l'armée russe fût-elle
parvenue Sistova que la population de cette ville,
prise d'une panique générale, se rua en masse dans
la direction de Simnitza et encombra le pont, établi
ces endroits sur le Danube. Cependant de nom
breux renforts de troupes arrivent de la Roumanie,
et l'on s'attend encore des engagements prochains
en Bulgarie.
Tandis qu'Osman Pacha opèreducôtédePlevna,
diriges ses troupes sur Lovatz et songe peut être
pousser jusqu'à Tirnova le corps d'armée de
Mehemed-Ali opère du côté de Rasgrad où il a, dit-
on, remporté un succès etse rapproche des Balkans.
Jusqu'à présent, la nouvelle qui annonçait la reprise
de l'ancienne capitale de la Bulgarie par les troupes
ottomans n'est pas démentie. On saisit facilement
toute l'importance de l'opération. Il y a quelques
semaines on annonçait avec éclat que si Tirnova
tombait aux mains des Russes, c'en était fait des
Turcs eft Bulgarie. Et, en effet, c'est la prise de
cette place qui fut le point de départ de la panique
qui s'empara de la population musulmane et qui a
certainement facilité les premières opérations de
l'armée moscovite au delàdes Balkans. Aujourd'hui
les deux eorps d'armée turcs se concentrent près
de Celte place et se disposent serrer de près les
Basses qui ont franchi les Balkans et qui auront
encore se défendre en Boumélie contre les for
ces réunies de Suleyman et de'Reouf Pacha.
Un télégramme de Conslantinople annonce une
victoire de ces deux généraux qui, après un vio
lent combat, ont repris Eski-Saghra Mardi.
Les Turcs, en rentrant dans la ville, ont eu en
core combattre la population bulgare qui s'est re
tirée dans les maisons et l'église, et s'est défendue
jusqu'à la dernière extrémité. On croit que Suley
man se dispose attaquer Kasanlik.
Nous n'avons reçu aucun renseignement relatif
aux opérations militaires en Asie.
On sait les reproches que nos feuilles cléri
cales adressent M. Bara, qu'elles traitent de
nourisson des chanoines de Tournay et qui elles
reprochent son ingratitude pour le seul motif qu'il
est libéral. On dirait tout au moins que l'honora
ble Président de la Fédération a fait ses éludes
la catholique Université de Louvain et qu'il les a
faites sans bourse déliée et grâce la charité catho
lique. Or. il n'en est absolument rien. M. Bara a
fait ses éludes l'Université de Bruxelles et sans
y avoir eu jamais la moindre bourse. Ce n'est pas
que s'il en eut été autrement, on eu pu lui en
faire le moindre reproche, ni prétendre qu'il dut
pour cela rester dévoué aux principes cléricaux
mais enfin, la lettre de M. Bara prouve une fois
de plus combien on 'peut ajouter foi aux alléga
tions des journaux cléricaux.
Voici la lettre que M.-Bara vient d'adresser au
Journal de Bruxelles
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Roulers. 7-50. 12-25. 6-45.
Langhemarck-Ostende. 7-18. 12-06. 6-20.
Langhemarck, le samedi, 5-50.
BULLETIN POLITIQUE.
Y près, le 4 Août 187 7.
Monsieur le directeur,
Je lis dans un de vos derniers numéros, propos des
nominations judicaires de M. le Ministre de la justice, un
article que vous empruntez un autrejournalPour répondre
aux attaques que ce journal dirige contre moi, je n'aurais
qu'à vous faire publier les discours que j'ai prononcés la
Chambre en réponse àces atlaqueselles-mémesdans les séances
des 29, 30 et 31 Mars 1870, discours qui en onlfait complète
justice. Si vous insistez, je m'empresserai de recourir l'exer
cice du droit que la loi m'accorde.
Je ne vous écris cependant que pour réfuter le reproche
d'ingratitude envers les catholiques, que vous m'adressez.
M. Baradites-vous doit tout aux catholiques
nourriture et instruction. J'ai laissé bien longtemps,
me bornant en rire, la presse cléricale soutenir que j'étais
le nourrisson des chanoines de Tournay.
d II n'y a pas de jour que celte presse ne propage celte
fable.
Vous savez aussi bien que moi, par votre propre rédac
tion, ce qu'il y a de vrai dans cette légende cléricale. Mais il
n est pas mauvais que le public le sache aussi, ne fût-ce que
pour juger de la bonne foi des saints journaux.
Je me hâte, avant toute explication, de dire que si je
devais mon instruction des fondations de bourses créées par
des catholiques, je n'en rougirais pas, et je ne croirais pas
avoir jamais aliéné ma liberté de penser, au profit du cléri
calisme. Il est possible qu'il y ait des consciences qui se ven
dent prix d'or, mais je n'admets nullement qu'en profitant
d'une bourse conférée paH'aulorité publique, un jeune homme
vende sa conscience et soit désormais enchaîné aux opinions
de ceux qui la lui ont donnée. Libre vous d'être d'un
autre avis; je vous laisse l'honneur, vous et la presse clé
ricale, de mettre les consciences parmi les choses de com
merce.
a Voyons maintenant comment je dois tout aux
catholiques, nourriture et instruction.» Le chanoine
Despars, trésorier de la cathédrale de Tournay, a, au XV
siècle, fondé un certain nombre de bourses. La collation de
ces bourses appartenait, d'après le testament et en vertu de
l'arrêté du 15 Mars 1822, au bourgmestre de Tournay
et un membre du chapitre de la cathédrale. Vous voyez que
celte collation était aussi laïque qu'ecclésiastique et qu'elle
n était nullement la merci des chanoines. Ces bourses
n étaient pas instituées pour faire suivre aux boursiers, des
établissements cléricaux l'acte de fondation porte que les
écoliers qui seront pris et élus par le prérosi et trésorier ou
son lieutenant peuvent étudier telle élude renommée et
privilégiée de les monts ou de là, qui leur plaira et que
bon leur semblera. 1
C'est le principe que contre les cléricaux la loi de 1864
a fait triompher. Aussi les bourses de la fondation Despars
ont-elles été données Tournay tant aux enfants des libéraux
qu'aux enfants des catholiques les familles les plus riches en
ont profité, aiusi que celles de plusieurs de vos amis politiques
Tournay, qui ne se font pas faute d'attaquer tous les jours
le bourgmestre, c'est-à-dire l'autorité civile qui ils devaient
ces bourses.
Maintenant, voulez-vous savoir quel a été mon lot. j'ai,
de 1849 1853, pendant que je suivais l'athénée royal de
Tournay, reçu en tout..... Devinez, je vous prie? 529francs,
c'est-à-dire 100 francs par an. Cette faveur était plus un
encouragement donné aux bons élèves qu'une bourse, ce qui
explique que des enfants de familles riches et même de la
noblesse riche, l'ont souvent obtenue. Quand j'eus fini mes
humanités, on m'offrit une bourse sous la condition d'aller
étudier l'université de Louvain. Je refusai et je vins étudier
l'iiniversilé de Bruxelles.
Je dois donc tout aux catholiquesnourriture et
instruxtionpour avoir reçu 100 francs pendant 5 ans de
la fondation Despars, dont les collateurs étaient le bourgmestre
de Tournay et un prêtre. Ajoutez, je vous prie, que je n'ai ja
mais fréquenté un établissement du clergé; j'ai fait mes études
primaires dans une école laïque, mes études moyennes
l'athénée royal de Tournay et mes études universitaires
l'Université libre de Bruxelles. J'eo appelle votre bonne foi
que reste-t-il de la légende du nourrison des chanoines
de Tournay ?Eucore un mensonge clérical dont la sainte
presse ne pourra plus se servir. Il est vrai qu'elle n'est pas
bout de ressources et qu'elle en inventera un autre.
Veuillez, je vous prie, publier celte lettre dans votre
prochain numéro, et recevez, Monsieur, l'assurance de mes
sentiments distingués. j, Bara,
Bruxelles, le 27 Juillet 1877.