No 274-275. Dimanche
37e AU NÉE.
19 Août 1877
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
BULLETIN POLITIQUE.
Le maréchal de Mac-Mahon, parti de Paris est
arrivé Evrenx.
Contrairement aux informations des journaux
officieux, le Président de la République a, dès sa
première étape, prononcé une allocution politique.
Répondant l'adjoint du maire, le maréchal a dit:
Vous avez raison de penser que la Constitution
n'est pas menacée par celui auquel la garde en est
confiée. Elle est menacée par ceux dont les doctri
nes inquiètent tous les intérêts et mettent en péril
les principes dout le maintien est également néces
saire toute forme de gouvernement.
Je désire voir cesser la crise actuelle. Elle
cessera lorsque la sagesse du pays aura, par le
choix de mandataires nouveaux, rétabli l'accord
un instant troublé entre les pouvoirs publics.
Ces paroles ne renferment rien de neuf. Seule,
la dernière phrase donne réfléchir. En présence
de la généralité des termes, on peut se demander
si, pour voir cesser la crise actuelle, il suffit que
le pays nomme des mandataires,quels qu'ilssoient,
fussent-ils républicains, ou s'il faut que les élec
teurs obéissent au mot d'ordre de l'Elysée et en
voient la Chambre les candidats officiellement
recommandés par le gouvernement de combat.
Répondant ensuite au président du tribunal de
commerce, le maréchal a dit: Je connaissaisdéjà
les besoins et les aspirations des populations nor
mandes. Ce qu'elles veulent, c'est la stabililé, et
c'est pour l'assurer dans l'avenir que j'ai préféré
une crise inévitable, mais passagère, l'abaisse
ment du pouvoir devant des prétentions excessives.
Une bonne politique fait de bonnes affaires
aussi les affaires prendront un essor durable, lors
que mon gouvernement, au lieu d'avoir se dé
fendre contre des attaques incessantes pourra
consacrer tous ses efforts aux vrais intérêts de la
nation.
Nous chercherions en vain des prétentions
excessives sous le ministère de M. Jules Simon,
qui a été la victime du maréchal, et dont nous
avons en plus d'une circonstance signalé l'extrême
modération..
Constatons aussi que malgré toutes les précau
tions prises par M. de Fourtou et ses subordonnés
pour ne présenter au maréchal que des fonction
naires dévoués sa politique le préfet de l'Eure
avait eu la prévenance de révoquer, l'occasion
de ce voyage, M. Lepouzé, maire d'Evreux et l'un
des 563 signataires du manifeste républicain, le
premier adjoint, chargé des fonctions de maire, a
tenu au Président de la République le langage le
plus franc et le plus viril.
II a déclaré que la population d'Evreux était
républicaine, qu'elle* serait reconnaissante au ma
réchal de tout ce qu'il ferait pour la consolida
tion de la République, et que la Normandie tout
entière désirait voir cesser le plustôt possible la
crise actuelle.
Certes, de semblables voyages sont bien faits
pour éclairer le maréchal sur les vrais sentiments
du pays.
L'intérêt principal de la campagne de Bulgarie
se concentre en ce moment sur le vainqueur des
Monténégrins, le général Suleyman Pacha. C'est
de lui en effet que dépend én grande parti le sort
de la lutte qui s'engagera d'ici au mois d'Octobre,
car s'il réussit opérer sa jonction avec Mebemed-
Ali et Osman Pacha au délà des Balkans, le trian
gle formé par les troupes russes sera enveloppé par
un triangle plus grand, formé par les troupes otto
manes.
Les Russes auraient en effet derrière eux le
Danube, devant eux les troupes de Suleyman et
sur les côtés celles de Mehemed-Ali et d'Osman
Pacha.
Cette opération entre, croyons-nous, dans les
vues des généraux turcs. Car Midhat Pacha lui-
même, qui est arrivé Paris et a donné une au
dience un rédacteur du Temps, a déclaré que
c'était là le danger que couraient en ce moment les
troupes moscovites.
Ajoutons cela que Suleyman Pacha a réelle
ment passé les Balkans et a occupé Koslevki, situé
dix kilomètres au sud d'Ëlna.
De plus, le Times lui-même, que l'on n'accusera
pas de turcophilisme, croit que les Russes auront
beaucoup de peine détruire l'armée turque en
-Bulgarie. Malgré les renforts de troupes qui arri
vent incessamment travers la Roumanie, dit
l'organe de la Cité, malgré les facilités de commu
nications créées par la construction de voies ferrées
nouvelles et rétablissement de ponts supplémen
taires sur le Danube, l'étal-major russe parviendra
difficilement écraser par le nombre les Turcs,
qui reçoivent chaque jour de nombreux détache
ments d'Asie.
Dans ces conditions, il serait téméraire de vou
loir préjuger l'issue des opérations en Bulgarie.
On s'attend une bataille sérieuse entre Roust-
chouk et Rasgrad.
En dehors de cela, on ne signale que des enga
gements d'une importance relative, eu égard au
nombre de soldats qui doivent bientôt en venir aux
mains.
MM. Langrand-Dumonceau Alp. Nothomb
De Decker, Duval de Beaulieu et le Comte de Lie-
dekerke sont renvoyés devant la Cour d'Assises du
Brabant pour participation aux affaires Langrand-
Dumouceau.
Celle nouvelle, peu inattendue d'ailleurs, doit
inspirer de tristes réflexions au sujet de la moralité
du parti clérical.
Langrand, le chef de la bande, a été créé Comte
par le pape Infaillible pour avoir si ingénieusement
christianisé l'œuvre qui l'amène sur les bancs des
criminels. N'oublions pas que cette gigantesque
escroquerie s'est produite aux yeux du public sous
le couvert des bénédictions pontificales et des pieu
ses recommandations de notre clergé politique.
Depuis des années, il n'est un mystère pour
personne que MM. Nothomb et De Liedekerke,
représentants cléricaux, étaient sous le conp d'une
poursuite devant la cour d'assises. Cela ne les a pas
empêchés un instant de continuer siéger la
Chambre et de réclamer effrontément le renouvel
lement d'un mandat que, sur l'ordre des évêquos,
les électeurs-charrues ne pouvaient leur refuser.
M Pierre De Decker est l'ancien ministre dont
les cléricaux voulaient, il y a quelque temps, faire
le gouverneur du Limbourg. L'on se rapelle le flot
d'indignation qui s'éleva dans tout le pays et en
traîna la chute du ministère langrandiste Kervyn-
Jacobs.
Loin de nous, dirons nous avec la Constitution
l'intention de devancer les arrêts de la justice et de
vouloir faire passer pour coupables de simples ac
cusés. Ce que nous voulons faire ressortir, c'est
l'absence de toute pudeur, le défaut de sens moral
chez les coryphées du parti clérical au lieu de
provoquer le verdict du corps électoral, le premier
de leqrs devoirs était d'attendre les arrêts de la
Justice.
Il y a longtemps d'ailleurs que le parti clérical
donne au pays le triste spectacle d'une démoralisa-
lion sans nom.
Rien sous ce rapport ne doit plus étonner. N'a-
t-on pas vu et ne voit-on pas figurer dans les rangs
de nos adversaires, et siéger audacicusement la
Chambre, des hommes tels que Yhonorable M.
Jean Delaet, ignominieusement flétri par Injustice;
le non moins honorable Cooremans, l'homme
aux ciseaux De Decker, l'homme aux saintes hui
les qui, lui non plus, n'a pas se vanter des con
sidérants de certain arrêt judiciaire Jacobs qui,
lors de certains débats devant le tribunal de Brux
elles, a été convaincu d'avoir fait argent de son
nom; D'haene-Steenhuyse qui avait publiquement
nié la divinité du Christ; Coomans, recevant de
l'argei.t pour vanter le génie financier de M. Ma-
lou, sans compter tant d'autres dont le mérite est
d'avoir trahi le parti libéral pour s'envoler, comme
des transfuges, dans les rangs de nos adversaires
Tout cela n'est-il pas écœurrant? Et dire que ces
gens-là s'intitulent modestement les sauveurs de la
LE PHOGBÈS
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Yprès, le 18 Août 1877.