Les Candidats cléricaux. l'Administration Communale la faute de ce qui existe Or, Messieurs, vous le savez tous l'Administration Communale n'a jamais laissé échapper la moindre occa sion de favoriser le commerce et l'industrie on a vu, il est vrai, tenter un essai qui a misérablement échoué: c'est l'établissement de la Fabrique l'Yproise, qui de vait occuper et nourrir de nombreux ouvriers. Cet éta blissement n'a fait que paraître peine édifié il est tombé en ruines: mais, sa chute n'a eu d'autres causes que l'impéritie et la profonde incapacité de ses ad ministrateurs. (Applaudissements frénétiques. Cris c'est vrai c'est vrai Il est, Messieurs, un deuxième grief qu'on attribue l'Administration Vous gas pillez nos ressources disent nos adversaires ils af firment aussi que sous les administrations catholiques les impôts sont le moins lourds. Cette affirmation est d'une belle audace. Voyez les chiffres d'impôts que paient les villes de Roulers et Courtrai, sous forme Je centimes additionnels sur le foncier, sur le personnel et sur les patentes, sans compter cette autre forme d'im pôts qu'on appelle abonnement. Ici Ypres il n'y a que quelques centimes additionnels sur le foncier rien sur sur le personnel, rien sur les patentes, et pas d'abon nements. La ville de Courtrai a une dette de 1,300,059 fi*. On dit parfois une ville, pour être riche doit avoir des dettes. Mais, Messieurs, ceux qui parlent ainsi oublient que la dette appelle un service d'intérêts payer, par conséquent la création d'impôts nouveaux et en tout cas, pour une ville cri blée de dettes, si le présent est prospère, il est certain que l'avenir sera lourdement grevé. La nomenclature des bases d'impositions de la ville de Roulers forme tou te une liste. Outre les centimes additionnels sur le per sonnel et les patentes, et l'abonnement, les heureux ha bitants de cette ville cléricale paient en outre une taxe sur les établissements de Banque et de Commerce, (et ils appellent cela favoriser le commerce et l'industrie), une taxe sur les trottoirs, même pour les endroits où ceux-ci font absolument défaut; une taxe sur les bâ tisses, (ce qui doit singulièrement favoriser le dévelop pement de la ville), et enfin, une taxe sur les débits de boissons. Et voilà, Messieurs, ce que nos matadors Cléricaux osent venir vous proposer comme des exem ples suivre; voilà des administrateurs qu'on vous présente comme des modèles imiter, gérant les af faires avec ordre et économie C'est un véritable défi porté l'opinion publique. On vient gémir encore sur la dépopulation graduelle de la ville. Depuis vingt ans, a dit M. Eugène Struye dans son discours St. Laurent, la population de la ville a décrue de deux mille habitants. Eh bien, Messieurs, j'ai consulté les statistiques offi cielles, et depuis 1840 la population s'est au contraire accrue de 500habitants Voilà comment on écrit l'his toire. Voilà comment un Représentant d'Ypres se per met de traiter notre ville, alors que, sa qualité lui fait un devoir, plus qu'à tout autre, d'apporter ses affirma tions la plus grande réserve, et surtout la plus grande exactitude. Mais, Messieurs, c'est surtout aux établis sements d'instruction publique que la guerre est dé clarée, car ce sont eux qui portent ombrage au clergé et qui menacent sa domination universelle.Aussi, tous les efforts de l'administration doivent-ils tendre les maintenir et les développer les sommes qui sont affectées leur entretien sont bien placées et pas un seul membre de l'association, pas un seul électeur libé ral ne dira que l'argent a été gaspillé quand il a été employé développer l'instruction dans notre ville. (Bravo Bravo M. le président termine son discours en faisant un nouvel et énergique appel au concours dévoué de tous: tous les membres de l'associationdit-il, j'ose dire tous les électeurs libéraux, faisant taire les préventions personnelles'qu'ils pourraient avoir, se rallieront la liste qui est proposée vos suffrages car les noms qu'y sont inscrits représentent les tendances et les aspira tions du parti de la liberté cette liste, c'est notre drapeau L'allocution de M. le Président, soulève des applau dissements énergiques qui durent pendant plusieurs minutes. Le silence s'étant enfin rétabliM. le Bourg mestre prend la parole en flamand, et dans un discours plein d'humour et d'esprit, il met néant, comme il l'avait fait déjà en français dans la précédente séance, tous les griefs imaginaires, que, pour le besoin de leur cause, hélas perdue d'avance, nos bons catholiques se sont ingéniés formuler. L'auditoire, sous le charme de cette causerie intime, prend le plus vif plaisir écouter notre honorable Bourgmestre, qui termine son speech humoristique au milieu des bravos et d'enthou siastes acclamations. La séance se termine par un simulacre d élection, aux fins de mettre les électeurs parfaitement au cou rant du nouveau système de votation. Le Public sait les noms des hommes que l'association cléri cale a désignés pour cueillir la buse aux élections du 29 C'est la première série le dessus du panier ce qu'on avait de mieux pour le quart d'heure. S'ils réussissent (pure hypothèse) nous aurons aux élections suivantes, les sieurs Eagel, Bernard, fiouquel-Vandromme, Doolhaeghe, Angloo-Degraeve, Mortier-Bazyn, lienoitje-Annoot, et Meester-Leu. Par ainsi la ville d'Ypres sera dotee d un conseil homogene, purement clérical, et comprenant, comme on voit, toutes les variétés de connaissances, d'aptitudes, de talent... Aussi de vertu, nous allions oublier ce point important. Les candidats de l'heure, les électeurs les connaissent enco re autrement que par leurs noms. Ils savent leur valeur, et les jugeront Mardi, si déjà ils ne les ont irrévocablement jugés. Aussi u'eussions nous rien dit de leurs personnes, si eux-mêmes, au moins plusieurs d'euir'eux, dans des discours que le moniteur clérical reproduit, n'avaient prmoqué la dis cussion en ce qui le louche. Ilaremeut, en effet, on a rencontré chez des candidats, côté d'une suffisance aussi ridicule, p us d'ignorance greffée sur une plus grosse déloyauté. 4 A tout seigneur tout honneur. Voici d'aboi d «Monsieur Struye l'illustre représentait des environs d'Ypres par la grâce de l'évêché. Dans un loug speeck, qui en est au moins sa vingtième édition, ce pieux personnage commence par dénigrer, abais ser et calomnier la vi le qu'il a la prétention de représi nier la Chambre, et dont il rêve apparemment de devenir le pre mier magistrat. Ypres, entendre ce marmotteur de patenôtres, est une espèce de ville morte, sans commerce, sans industrie, sans vitalité en dessous de Poperinghe, de Wervick même perdant chaque jour de sa population, et n'ayant d autre accroissement que celle de l'herbe qui grandit constamment dans les rues de plus en plus désertes Ypiois, vous entendez Vous êtes des bons rien. N'allez pas répliquer que pas mal de commerçants et d'industriels ont cependant fait leur affaire ici; que tous ceux qui ont tra vaillé avec intelligence et probité ont réussi que plusieurs, partis de rien, sont devenus riches que d'autres sont en voie de s'enrichei que si la fameuse fabrique Barbier-Carpen- tier a fait de mauvaises affaires, ce n'est assurément pas la faute de l'administration locale; que celte entreprise est tom bée sous l'incapacité de ceux qui ont voulu la diriger sans y rien entendre; que même entr'actionnaires on a entendu dé noncer d'autres causes; que si lui, M. Struye et beaucoup de si s pareils,ne font rien pour peupler la ville, ce n'est la faute personne; que les villes où il y a le plus d'herbe sont celles où dominent les couvents que si l'industrie dentellière est en souffrance depuis sept aos, c'est cause de la guerre d'abord, de la mode; ensuite que les administrations n'ont pas pour mission de créer des industries; que longtemps d'ailleurs les villes de Wervick, de Roulers,'de Courtrai, ont eu des adrni- nistialions libérales; qu'ici, pas plus qu'ailleurs, les encourage ments ii'ont fait défaut. Ces répliques et d'autres aussi fondées, n'entreraient point dans la cervelle ultramontaine du député rural, tout comme il ne voudra jamais admettre, malgré ses apparences d'humilité, qu'il est, lui, un fruit sec de l'univer sité de Louvain,où, en dépit des prix obtenus au collège qu'il prône tant, il n'a jamais pu passer un seul examen, ni dé crocher un diplôme. Tout aussi inutiles seraient vos efforts pour lui faire com prendre que peu de villes ont leurs finances en aussi prospère état que la nôtre; qu'Ypres est une des communes de la pro vince où l'on paie le moins de centimes additionnels que la question des eaux est résolue, et que ceux là seuls qui l'ont étudiée et arrêtée dans tous ses détails peuvent la mener bonne fin; que l'enseignement donné par le clergé et les ordres religieux coûte iufilliment plus cher au pays que celui donné par l'Etat ou les communes que le grand danger est la main-morte religieuse qui s'accroît sans cesse que dans la seule ville de Liège, p.ex,, les couvents possèdent, d'après une récente statistique, 50 hectares de fonds bâtis et non bâtis, valant ensemble 10 millions, sans compter les valeurs mobilières qu'il en est peu près de même dans toutes les grandes villes, et que les petites suivent dans les mêmes pro portions que les moindres villages mêmes sont envahis par l'une ou l'autre congrégation qui y fait tache d'huile et s'en richit sans cesse, etc., etc. A toutes ces choses, d'une évidence écrasantenotre saint homme fermerait obstinément les oreilles et les yeux, inclinant la tète sur l'épaule gauche, et continuant, en énrrgumène implacable, ses rustiques et mal veillantes déclamations. Voici maintenant un autre parloteur. C'est maître Birbuyck, vulgo Louitje, conseiller provincial pour Pilckem et autres lieux, le disert fils d'un éloquent père. Les habitués de Sl-Laurent auront bien ri en eux-mêmes en voyant ce candidat se tourner et se retourner sur le gril de son discours faire. Encore un qui, répétant ce qu'il vient d'entendre, crie ses concitoyens qu'ils sont en pleine décadence. Il rappelle le passé, sans savoir, ignorant l'histoire de sa propre ville, que jamais Ypres le clergé n'a dominé l'élément civil, preuve, entre mille autres, la fondation de la bourse commune des pauvres) et que le jour où des magistrats ont montré des tendances se laisser envahir par l'esprit de sacristie, ils ont été immédiatement chassés et remplacés. Lui, aussi, parle de la crise dentellière, ne se doutant pas qu'elle lient une crise générale qui dure depuis 7 ans. Plus fort que cela, il fait un appel aux libéraux pour composer une administration mixte, soutenant que l'opposition est nécessaire partout, alors que le programme de son parti est précisément de remplacer, dans toutes les administrations, les libéraux par des ultramontains de la plus belle eau (bénite). Mais son grand grief, ce plaisant candidat, c'est, on ne le divinerail jamais, que l'administration n'a pas fait jouer le carillon quand la musique d'Armenlières a remporté un prix au concours de Paris. Le carillon se fait entendre, s'écrie-t-il, tous les concours d'animaux... et quand un de nos bons amis... diable diable! l'ami n'a guère dû être flatté en enten dant ce rapprochement. Mais s'il fallait absolument du carillon cet ami-là, pourquoi n'a-t-on pas fait sonner les cloches de toutes les églises C'eût été bien plus beau. Notre carillon a d'ailleurs des fausses notes, et pour les oreilles d'un musicien comme le plus dit ami, l'émule de Meyerbeer, le concert n'eut certes pas été agréable. Concluons, comme dirait M'" Biebuyck M. Breyne votera pour celui-ci, et ils seront contents tous deux. Au tour d'un troisième farceur. Voici l'éternel, l'inévitable u Henritjele candidat, tou jours malheureux, toutes les places; le failli capitaine de la Garde Civique le failli conseiller provincial; le failli commis saire d'ariondissement. Henriije est connu comme pas un Ypres. C'est le type de la nullité inorgante et ambitieuse. Re nouvelant le miracle du compagnon de Bâlaam, il a parlé, lui aussi, et en flamand encore, car en tout temps il fut en pleine brouille avec le français. Son discours n'est pas textuellement reproduit, et c'est dommage vraiment, nous en eussions en tendu de belles. Henriije n'ayant pas de fonds lui, emprun te ses idées aux autres. D'après le complaisant compte-rendu, il répété, lui aussi, ce qu'il vient d'entendre: le libéralisme, non contenu par le catholicisme, va droit au socialtsme ou au barbarisme travers tous les solécisme*. Conclusion Prenez mou ours, y lez les conseillers commu naux par les fenêtres et inrtlrz-nioi eu la place de l'un d'eux. J'ai de la fortune, un petit nom presque noble, une belle maison, je ferai peut-être un bon bourgmestre, n'en déplaise quelques bourgeois de mon clan qui ont envie, eux aussi, de grimper au premier fauteuil. S Après le d'Eeckhout ou le d'EcckhoutTE, nous ne savons si on est maintenant fixé sur l'orthographe du noble nom, a surgi M. Napoléon Mecrsemau. Celui-ci, il faut lui rendre justice, a été sobre dans ses pa roles que le compte-rendu ne fait aussi que résumer. Il est resté lui dans les généralités, et n'a pas cherché dénigrer les actes de ses adversaires, dénaturer leurs intentions, in criminer leur loyauté. Nous ne feindrons d'avouer que M. Meerseman est un homme honorable, naguère gros commer çant et de ceux qui, en dépit des assertions de M. Struye, ont su faire marcher leur négoce dans notre ville prétendûment déchue et morte. Hais M. Meerseman, chacun le sait, pour être plus digue, plus équitable, plus modéré, est aussi ultra- montain que pas un de ses collègues en candidature. Pour lui aussi, ce qu'il importe de faire disparaître au plus vite, ce sont nos écoles, toutes nos écoles. Mais par cela même, M. Meerseman est un candidat aussi impossible que les autres, et les électeurs ne manqueront pas de le repousser leur égal. Se lève maintenant un nouveau venu, le jeune maître Co- laert qui, peine débarqué de Poperinghe, veut s'installer dans notre Hôtel-de-Ville et dicter la loi aux Yprois. Ce candidat a prononcé un discours qui, revu et corrigé, est reproduit tout au long dans le Moniteur des abbés. Malgré des précautions infinies, cause de l'excès de ces précautions mêmes, ce discours a paru tout le monde passa blement cafard. Quelqu'un l'a très-bien dit «C'est le «raayden speech, d un homme qui a, on ne sait comment, manqué sa vocation. Ce candidat, qui n'a de griefs persoonels contre qui que ce soit, qui a songé tout d'abord ses intérêts propres, a fini par se laisser vaincre. Vous m'avez vaincu, s'écria-t-il, avec la bouche en cœur, des caresses dans la voix et toute l'attitu de d'un homme qui ne demandait qu'à l'être. .Vous m'a - vez vain - eu; j'ac - cep - te Puis, plagiant Périn qui a parodié Gambetta le libéralis me voilà l'ennemi exclama-t-il sur un ton de frère-prê cheur (*j Et partant delà, reéditant dans une improvisation faite la plume, toutes les accusations banales qui, depuis des années, traînent dans les colonnes de tous les journaux cléricaux, il aboutit, conclure, comme de juste, qu'il faut tout renouve ler ici. Qu'il faut purger l'Hôtel-de-Ville purger les écoles purger toutes les administrations, le Bureau de Bienfaisance, I administration des Hospices, et jeter par dessus bord tout les notables qui les composent, y compris, sans le moindre doute, honorable magistrat sous les auspices duquel il est entré au barreau d Ypres, et dont, tout récemment encore, le lendemain du 11 Juin, si nos souvenirs sont exacts, il a accepté le patronage pour se glisser dans une Société, que son parti a également pour but de faire crouler. Et bien celui-là plus spécialement, les électeurs sauront faire la leçon bonne, et apprendre qu'entre Ypres, où il est peine arrivé, et Poperinghe, où il a cru sans doute pérorer, il y a encore une certaine différence, la différence entre une ville qui a toujours entendu demeurer libre, et un bourg-pourri de l,e classe, où une poignée d'abbés, tous étrangers comme ceux d ici, mènent la majeure partie de la population par le bout du nez ou celui des oreilles, si pas même par les deux la fois. Après ce foudre d'éloquence, c'est peine si M. Breyne- Devos, encore un, il Faut le dire, qui sait faire aller son com merce chez nous, a pu tourner une fois les ailes de son mou lin, c'est-à-dire proférer quelques promesses d'être bien sage, et de marquer le pas dans la phalange des conseillers, s'ils sont nommés, bien entendu. Messieurs Begerem et Petit, n'étaient pas là. Mais comme ils auraient ri sous cape, le premier surtout, s'ils avaient en tendu que, par leur présence au conseil communal, ils fe raient,! un renaître, la prospérité dentellière, l'autre diminuer la fois le nombre de décès, et accroître celui des naissances. El voilllà, avec quels hommes, juchés sur quels principes, et armés de quelles vessies, le général des cléricaux s'efforce de faire accroire aux siens qu'il battra mardi le parti libéral en nos murs. Pauvre Druon Triste Pantaléon On rapporte qu'à cette exclamation, M. Biebuyck a soupiré demi-voix l'ennemi, c'est vous qui me supplan tez sournoisement dans ma clientèle cléricale.

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Le Progrès (1841-1914) | 1878 | | pagina 3