No 422. Dimanche, 39e aimée. 19 Janvier 1879.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL 0 1 PRES ET OE L'ARRONDISSEMENT.
PARAISSANT LE JEEBI ET LE DIMANCHE.
Dimanche 12 Janvier 1879, est décédé
Yprès, Monsieur le Baron Jules Mazeman de
Qouthove,
Officier de l'ordre de Léopold,
Membre de la commission admipistrative
de l'Institution Royale de Messines,
Ancien Sénateurde l'arrondissement d'Ypres.
L existence de l'honorable défunt a été assez
bien remplie, pour faire l'objet d'une biogra
phie complète. Mais, en tout cas, il est permis
ae la résumer en disant,que ce fut un excellent
père, aimant ses enfants de l'amour le plus
tendre, un ami sincère, un homme dévoué
ses concitoyens, un cœur compatissant pour
les souffrances humaines, un homme de bien
dans l'acception la plus large du mot. Aussi
que de regrets ne laissera-t-il pas dans toutes
les classes de la société
Monsieur le Baron Mazeman appartenait
une des familles patriciennes de la ville
d'Ypres; possédant une grande fortune, il en
faisait un noble usage. Le pauvre ne venait
jamais inutilement frapper sa porte, et la
commune de Proven, qui, malheureusement,
ne s'est pas toujours souvenu de ses bienfaits,
possède des témoignages vivaces de l'esprit
généreux de son ancien bourgmestre.
Que dire de l'homme public Il faudrait
refaire l'histoire politique de l'arrondissement
dApres depuis 1835, pour donner un léger
aperçu de la participation de Monsieur Ma
zeman aux affaires publiques. Conseiller com
munal de ProvenConseiller provincial,
Sénateur enfin, il a rempli tous ces mandats,
sans citer ceux d'une importance secondaire et
entr'autres celui de membre de la commission
administrative des hospices de Messines, non
seulement avec zèle et intelligence,mais aussi
avec cette modestie, qui était le fond de son
caractère il aimait faire le bien pour le
bien.
Le parti libéral perd en lui un de ses plus
fermes soutiens et de ses plus énergiques dé
fenseurs. Les luttes mémorablesqu'il a
soutenues au nom du parti, sont là pour dé
montrer avec quelles convictions profondes il
était attaché au drapeau libéral. D'un libéra
lisme sage et gouvernemental, il accordait son
appui et l'autorité de son nom au pouvoir qui
conciliait le mieux les principes d'ordre et de
liberté. Monsieur Mazeman, en un mot, était
un homme de son siècle.
La maladie cruelle, qui le minait depuis
longtemps et qui a fini par l'emporter, l'avait
éloigné depuis quelque temps de la scène poli
tique et administrative il semblait quelque
peu oublié; mais quand Dimanche soir la
fatale nouvelle s'est répandue en ville comme
un coup de foudre Monsieur Mazeman n'est
plus. On s'est rappelé tous les services
rendus par cet homme de bien, et on a consi
déré sa mort, comme un deuil public.
Ses funérailles ont été célébrées le Jeudi 16
Janvier.
Les honneurs militaires ont été rendus
celui, que le Roi avait nommé, il y a quelques
annéesOfficier de son ordre.
Une afïluence considérable de monde, tant
de la campagne que de la ville, beaucoup d
trangers ae distinction parmi lesquels nous
avons remarqué entr'autres Monsieur le
baron de Geriecke d'Herwynen, ministre de
Hollande Bruxelles, M. Eugène Vanden-
peereboom, conseiller la Cour de Cassation,
Monsieur le baron de Rasse, son ancien col
lègue au Sénat et son meilleur amise pres
sèrent, vers les dix heures, la maison mor
tuaire, pour accompagner la dépouille mor
telle jusqu'à sa dernière demeure.
La commission administrative de l'Institu
tion royale de Messines, où l'honorable défunt
laissera des souvenirs impérissables, la société
des Chœurs, dont M. Mazeman était mem
bre projeteur, et celle de St-Sébastien
dont il faisait partie depuis le 23 Janvier
1843, s'étaient fait représenter cette cérémo
nie.
Le cortège a quitté, midi, l'Eglise de
St-Pierre, où avait lieu le service, et s'est
dirigé vers la commune de Proven, où l'inhu
mation devait avoir lieu.
Monsieur Mazeman avait exprimé le désir
ue ses funérailles fussent célébrées sans trop
e pompe ni d'apparât; c'est là ce qui explique
l'absence des nombreux discours, auxquels
on pouvait s'attendre. Cependant, un ami
dévoué, M. Rubbrecht, a cru devoir rappeler
les services rendus par le défunt la commu
ne de Proven, il l'a fait dans des termes qui
ont vivement ému tous les assistants.
Nous avions oublié de dire que ses enfants
s'inspirant de l'esprit de charité, qui ani
mait leur regretté père, avaient ordonné de
larges distributions de pain et d'argent aux
pauvres d'Ypres et de Proven.
Voici le discours prononcé par M. Rub
brecht, secrétaire communal de Rousbrugghe
et candidat notaire, au bord de la tombe de
l'illustre défunt
LE PROGRES
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 6-00
Idem Pour le restant du pays7-00
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 59.
INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne fr. 0-23.
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Messieurs,
Avant de nous séparer de la demeure éternelle de l'homme
de bien, qui a consacré une vie entière l'intérêt de la chose
publique, au bonheur de ses concitoyens, j'ai pris devoir,
au nom de cette population, au milieu de laquelle il avait
choisi son séjour, au nom des habitants du canton, accourus
ici en foule, de rendre un suprême hommage de sympathie
et de poser un dernier acte de reconnaissance.
Monsieur Jules Mazeman de Coulhove a gravi tous les
échelons de là vie publique successivement Conseiller Com
munal, Bourgmestre, Conseiller Provincial, Commissaire inté
rimaire d'arrondissement et Sénateur, il a rempli ces diverses
fonctions, il s'est acquitté de ces divers mandats en homme,
qui prend pour seul guide sa conscience.
Des voix plus autorisées, des voix plus éloquentes, que la
mienne pourraient faire connaître avec plus d'autorité les
vertus civiques et privées de l'homme, dont nous pleurons la
perte.
Permettez-moi, Messieurs, de rappeler ici spécialement les
actes, que Monsieur le Baron Mazeman de Coulhove a posés en
sa qualité de Bourgmestre de Proven. C'est dans cette mission,
que se reflètent tous ses principes, sa vie entière.
Nommé Conseiller aux élections communales du 14 Juillet
1856, Monsieur Mazeinan fut nommé Bourgmestre par arrêté
Royal du 3U Octobre suivant. Celle époque était bien diffé
rente de la nôtre. Cette prospérité, cette richesse, telles que
nous les constatons, n'existaient pas. Nos communes n'avaient
ni voies de communications, ni écoles publiques; tout
était créer.
Ce que nous avions, c'était la liberté, consacrée par la loi
qui rappelle nos anciennes franchises communales. Avec cet
élément on pouvait bâtir sur un sol solide et fertile.
Monsieur Jules Mazeman le comprit parfaitement, et quoi
que l'horizon et l'action d'une petite commune soient limités,
le mérite n'est pas moins grand, quand on peut introduire
des améliorations, qui ont servi de stimulant aux communes
limitrophes et qui maintes fois ont pu être citées comme exem
ples.
Ce qui réclamait Proven, comme partout d'ailleurs, une
réorganisation, c'était la bienfaisance. Ce service, qui est le
pivôt de la situation financière des communes, se trouvait
dans un état d'abandon complet. Outre que le budget du
bureau de bienfaisance présentait chaque année un déficit
considérable eu égard l'importance de la commune, la
mendicité avait pris des proportions déplorables.
Le jeune Bourgmestre, en sa qualité de Président de droit
de cet établissement public, porta par ses réformes la cognée
cet arbre malade. Il réorganisa les revenus et extirpa la
mendicité. Il érigea et encouragea l'épargne en donnant
l'indigent les éléments pour pourvoir sa propre existence:
la culture de terres. Or, instituer l'épargne, c'est moraliser
les masses. Sa réorganisation marcha si bien, que dès 1858
les déficits avaient complètement disparu.
Le service de la bienfaisance domicile établi, Monsieur
Mazeman songea aux vieillards et aux infirmes. Il prêcha
d'exemple, en faisant don de bâtiments et d'une dodation an
nuelle pour créer un hospice. Les vieillards ef les infirmes de
Proven doivent leur bien-être cette générosité. Espérons que
ceux-ci rendront l'homme de bien une juste et éternelle re
connaissance.
Monsieur le Baron Mazeman fut aussi le prolecteur de l'in
struction du peuple. Une chambre basse, faiblement éclairée
pouvant peine contenir quelques élèves payants, la seule
école de la commune fut remplacée par des bâtiments spacieux.
Dans nos communes rurales les séances du pouvoir com
munal se tiennent d'ordinaire dans un cabaret.
Là une grande réforme aussi-était faire. Par sa haute
position et d'après un dicton populaire noblesse oblige
Monsieur Mazeman remédia ce déplorable état de choses. Il
fit don la commune du terrain, sur lequel ou érigea une
maison communale. Cette construction, tout en assurant la
conservation des archives communales, donne la dignité né
cessaire aux actes des mandataires de la commune, et cet
édifice symbolise l'indépendance du pouvoir civil.
En disant qu'il pourvut aux nécessités de l'hygiène
par la création de pompes publiques, le pavement du
village, le voûlement de ruisseaux insalubres et qu'il organisa
ses propres frais un service complet des incendies, on prui
affirmer que Monsieur Jules Jlazeman a fait de Proveu uu<
commune, qui servira longtemps encore de modèle et d exem
ple beaucoup d'autres.
Les qualités de l'homme privé n'étaient pas moins éminen-
tes et nous, qui l'avous connu durant de longues années dan-