Nous LÉOPOLD DELL Roi des Belges,
Nous LÉOPOLD DEUX, Roi des Belges,
en cause
contre
jugement:
reconventionnellement:
par ces motifs:
en cause
contre
arrêt
sur l'appel incident:
A tous présents et venir faisons savoir:
le Tribunal de Commerceséant Anvers, a rendu
le Jugementdont la teneur suit
Je Rau Va 11 den Abeele C®, négociants, domi
ciliés Anvers, et pour autant que de bsoin en cause de la
Péruvian Guano Company Limited établie
Londres, faisant élection de domicile chez les premiers
demandeurs, ses agents Anvers, demandeurs aux fins de
l'exploit de citation fait par {'huissier Alphonse Louis De Buck,
Anvers, le vingt-neuf Mars mil huit cent soixante-dix-neuf,
enregistré,
1° Dreyfus frères Compagnie, négociants,
domiciliés Taris;
2° Bertrand Compagnie commissionnaires
domiciliés Anvers, défendeurs.
Vu l'exploit de citation du vingt-neuf Mars mil huit cent
septante-neuf, enregistré, tendant faire déclarer les défen
deurs coupables de concurrence déloyale, les faire condam
ner des dommages-intétêts et faire cesser cette concur
rence
Attendu que les demandeurs basent leur action sur ce seul
fait que les défendeurs Dreyfus frères C®, représen
tés Anvers par leurs agents Bertrand Ce, s'annon
cent au public comme étant concessionnaires du gou
vernement du Pérou pour l'Europe et les colonies
Attendu que les défendeurs ont contracté avec le Gouver
nement du Pérou des conventions qui leur attribuaient le droit
exclusif d'exporter le Guano du Pérou et de le vendre en Eu
rope et dans les colonies françaises;
Attendu qu'en dix huit cent septante quatre il fut convenu
entre les mêmes parties qu'à partir d'une époque déterminée,
le monopole de Dreyfus frères et C®, viendrait cesser et que
le gouvernement péruvien aurait le droit de vendre également
du guano dans les pays antérieurement réservés Dreyfus
frères et C®;
Qu'il en résultait qu'à partir du premier Novembre dix huit
cent septante six, date stipulée, le gouvernement péruvien
(ou ceux qu'il se substituerait) avait le droit de vendre con
curremment avec les défendeurs
Qu'en exécution de celte nouvelle convention le gouverne
ment concéda la Péruvian Guano Company de Londres,
demandeurs, le droit exclusif et le privilège de vendre le
Guano, sans préjudice toutefois aux conventionscxistanlentre
le Gouvernement et Dreyfus frères et C®;
Attendu qu'aux termes de ces conventions, Dreyfus frères
et C" avaient, avant le premier Novembre dix-huit cent sep
tante-six, le droit inclusif, le monopole absolu pour ia vente
du Guauo du Pérou qu'à partir de celte date ce monopole
fut partagé entre Dreyfus frères C® et les nou
veaux concessionnaires qu'avant cette date les défendeurs
avaient donc la qualité de seuls concessionnaires de Guano
du Pérou ou du Gouvernement du Pérou, ces deux expres
sions étant équivalentes, et qu'après cette date ils restaient
concessionnaires du Pérou mais non conces-
cessionnaires uniques
Il est vrai que le gouvernement ne livre plus actuellement
du Guano Dreyfus frères et C® et que l'exportation ne se
fait plus que par la seule compagnie demanderesse mais
comme on l'a vu plus haut, les défendeurs conservent les
mêmes droits qu'auparavant pour la vente de guanos qu'ils
ont dans leurs magasins; ils donnent donc le droit de vendre
ces marchandises en vertu de la concession du gouvernement
et ils peuvent se dire concessionnaires (pour ce qui
concerne ces ventes) tant qu'ils n'auront pas épuisé les pro
visions du guano qu'ils ont encore;
Attendu qtte les demandeurs l'ont eux-mêmes entendu de
celte manière, puis qu'en dix-huit cent septante-sept, ils ont
réclamé, non contre la qualification de concessionnaires
Sue les défendeurs ont toujours conservée, mais ils leur ont
énié, d'ailleurs arec raison, de se qualifier seuls concession
naires;
Attendu que l'agent fiscal du Pérou a reconnu Dreyfus
frères et C®, lors de l'exposition de Paris, en dix-huit cent
septante-huit, la qualité de concessionnaires du Guano
Péruvien}
Attendu que les demandeurs veulent donc tort changer
aujourd'hui une situation qui a été reconnue comme exacte
par le gouvernement péruvien aussi bien que par eux-mêmes
et qui, comme on l'a vu ci-dessus, est fondée sur les faits et
les conventions
Attendu que ce grief relatif la qualification de conces
sionnaires étant écarté, les demandeurs n'invoquent plus con
tre les défendeurs aucun fait, aucune manœuvre préjudicia
ble ou déloyale pouvant constituer les éléments d'une
concurrence déloyale que l'action des demandeurs n'est donc
pas fondée.
Attendu que les demandeurs ont depuis quelque temps
cherché nuire aux défendeurs d'une manière constante
lue par leurs publications et leurs affiches, ils veulent per
suader au public qu'eux seuls sont en mesure de livrer du
guano pur; que leur intention de faire comprendre les défen
deurs parmi les contrefacteurs est indéniable; mais qu'ils ne
se bornent pas donner des avis généraux pouvant s'appliquer
tous les vendeurs de guano autres qu'eux mêmes, ils ajou
tent des iudicalious qui ne peuvent s'appliquer qu'aux défen
deurs, qui visent spécialement ces derniers et qui les repré
sentent comme les principaux vendeurs dont les consomma
teurs doivent se méfier;
Attendu notamment que dans les affiches et annonces qu'ils
font insérer profusion dans presque tous les journaux de la
Belgique, ils prennent la qualification de seuls cosigna
taires, ils déclarent qu'eux seuls ont le droit de s'intituler
agents du gouvernement du Pérou pour l'inpor-
tation et la vente des Guanos, et ils ajoutent qu'il faut
se méfier des personnes, firmes ou compagnies
qui prendraient un titre de nature tromper
l'acheteur.
Or, ces affirmations que les demandeurs sont les seuls
cosignataires et agents du gouvernement péruvien
sont mensongère* au moins dans leur esprit et dans
leur but car s'il est possible de justifier ces termes au moyen
de subtilités en prétendant que les défendeurs n'ont pas de
guanos en consignation (puisqu'ils eo sont acquéreurs et
propriétaires) tandis que les demandeurs sont dépositaires
il n'en est pas moins vrai que ces derniers n'ont d'autre but que
A'induire les consommateurs dans l'erreur, que de
tromper l'acheteur, comme ils disent eux-mêmes
dans leurs annonces, en lui faisant croire que leur guano seul
provient d'une source pure; dans certaines annonces ils
avertissent le public qu'eux seuls reçoivent du Pérou, le
guano nouveau et tous les jours renouvelé;
Attendu que ces publications démontrent de plus qu'elles
sont spécialement dirigées contre les défendeurs ainsi elles
déclarent que les guanos des demandeurs ne sont ni dissous,
ni traités chimiquement, ou autrement mélangés de matières
étrangères que les sacs de guano vendus pour compte du
gouvernement du Pérou, ne portent pas de plombs.
Or, ces indications et autres semblables, ne visent que les
défendeurs; que pour mieux le faire comprendre au public,
ils ont soin de faire leurs publications dans les mêmes jour
naux qui contiennent les annonces des défendeurs, souvent
côté de celles-ci;
Attendu que ces manœuvres sont de nature causer un
grave préjudice aux défendeurs en discréditant leur guano,
en faisant naître des doutes et des défiances sur son origine
et sa pureté, en éloignant ainsi les acheteurs et en diminuant
la vente
Que la conduite des demandeurs doit être
appréciée avec d'autant plus de sévérité,
qu'ils n'ont pas seulement commis un acte
isolé de concurrence déloyale, mais qu'ils
poursuivent contre les défendeurs un véri
table système de dénigrement, système dont
la première manifestation s'est fait jour
Dunkerque et a été réprimée par un arrêt
du dix-sept Mars dernier de la Cour d'appel
de Douai
Attendu qu'eu égard toutes les circonstances de lacause,
rappelée ci-dessus, il convient condamner les demandeurs
pays une somme de cinq mille francs titre de dommages-
intérêts indépendamment des frais de publication du présent
jugement comme il sera dit ci-après.
Attendu que les défendeurs concluent encore faire pro
noncer par la justice, défense pour lesdemandeurs, d'employer
certaines qualifications et de faire certaines publications:
Qu'il n'y a pas lieu de prononcer ces défenses, parce qu'el
les sont inefficaces, et qu'elles ne servent qu'à encourager
une nouvelle concurrence déloyale sous une autre forme,
puisqu'il est toujours possible de les éluder au moyen de sub
tilités; que les défenseurs conservent d'ailleurs le droit de
poursuivre (pour des faits nouveaux qui révéleraient le carac
tère de concurrence déloyale.
Le Tribunal déboute les demandeurs Ban Van tien
Abeele Compagnie, et la Péruvian Guano
Company Limited de leur action et statuant recon
ventionnellement, condamne solidairement Ban Van
den Abeele Compagnie et la Péruvian Guano
Company Limited payer aux défendeurs Dreyfus
frères Compagnie et Bertrand Se. Compa
gnie la somme de cinq mille francs avec les intérêts ju
diciaires pour concurrence déloyale
Autorise les défendeurs faire publier les motifs et le dis
positif du présent jugement dans quinze journaux de Bel
gique aux frais des demandeurs condamne ces derniers aux
dépens taxés vingt-sept francs trente centimes
Et déclare le présent jugement exécutoire nonobstant et
sans caution.
Ainsi jugé et prononcé l'audieBce public et extraordi
naire de la première Chambre du Tribunal de Commerce du
Vendredi quatre Juillet mil huit cent septante-neuf
Présents: Messieurs e. lahbrechts, président; E.Pdt-
tieuw, juge c«. Vax liebergeiv, juge suppléant et
u. spee, greffier adjoint.
(Signé) E. Lambrechts, G. Spee.
A tous présents et venir faisons savoir:
La Cour d'appel, séant Bruxelles, première
chambrea rendu larrêt suivant:
I® de Bau Van den Abeele Se Compagnie,
négociants, demeurant et domiciliés Aovers, et pour autant
que de besoin la Péruvian Guano Company Limi
ted, établie Londres, appelants d'un jugement du Tri
bunal de Commerce d'Anvers du quatre Juillet mil huit cent
soixante dix-neuf, représentés par Maître Bauweos, avoué,
plaidant Maître Beernaert, avocat.
I» Dreyfus frères Se Compagnie, négociants,
domiciliés Paris,
2" Bertrand Compagnie commissionnaires
demeurant et domiciliés Anvers, intimés, représentés
par Maître F. Ma.lieu, avoué, plaidant M" De Mot, avocat.
Attendu que par le contrat du dix-neuf Août mil huit cent
soixante-neuf, le gouvernement péruvien, en vendant deux
millions de tonnes de Guano aux intimés, leur a accordé le
droit exclusif d'importer et de vendre cette marchandise en
Europe, Maurice et dans les colonies françaises, et a stipulé
en même temps que la vente partielle de ces deux millions de
tonnes commencerait aussitôt l'expiration des contrats passés
avec les consigna (aires précédents
Attendu que par le même contrat, le gouvernement du
Pérou s'est engagé, sur la foi nationale, ne pas exporter et
ne pas permettre que l'on exporte une quantité quelconque
de guano pour les marchés compris dans la convention,
déclarant subroger Dreyfus frères et Compagnie dans ses
droits d'embargo contre tout chargement qui serait introduit
en violation de cette stipulation
Attendu qu'en principe la marchandise voyage aux risques
et périls de l'acheteur et que l'effet ordinaire des contrats de
vente est de transférer celui-ci la libre disposition de la chose
vendue
Attendu que, le contract du dix-neuf Août mil huit cent
soixante-neuf a dérogé ces règles, en mettant au compte du
gouvernement péruvien la valeur des chargements de guano
perdus en partie ou en totalité pendant la traversée, en sti
pulant que les acheteurs seraient obligés de tenir constam
ment et suffisamment approvisionnés les dépôts de chaque
marché, et en leur imposant l'obligation de ne pouvoir haus
ser ni baisser le prix du guano; sans une autorisation préala
ble du gouvernement ou de ces agents
Attendu que la convention transactionnelle du quinze avril
mil huit cent soixante quatorze a mis fin au monopole accordé
aux intimés, mais a maintenu en leur faveur, sous les autres
rapports, tous les effets du contrat de mil huit cent soixante
neuf;
Attendu qu'il suit de ce qui précède que l'ensemble des
conditions et stipulations des contrats prédites de mil huit
cent soixante-neuf et mil huit cent soixante-quatorze ont
évidemment donné Dreyfus frères Compagnie
la position de eonsignataires ou concessionnai
res, non celles de simples acheteurs et dès lors ils sont
fondés se qualifier des concessionnaires du gou
vernement péruvien jusqu'à l'entier écoultment des
deux millions de tonnes de guano formant l'objet du premier
de ces deux contrats
Attendu que les intimés prétendent qu'au trente-et-un Oc
tobre mil huit cent soixante seize, époque où les appelants
ont été en droit de commencer leurs ventes, ils avaient encore
tant en magasin qu'en mer, plus de neuf cent mille tonnes de
guano, et qu'il conste, en effet, des documents produits qu'ils
ont encore reçu au commencement de mille huit cent soixante
dix-huit, une certaine quantité de cette marchandise:
Attendu que tous les éléments de la cause démontrent que
le stock, quel qu'il soit, ne peut pas être épuisé, et que d'ail
leurs les appelants ne sollicitent aucune vérification cet
égard que sous tous les rapports leur action est donc mal
fondée.
Attendu que les dommages-intérêts ne sont pas justifiés
au-delà de la somme allouée;
Attendu d'ailleurs que pour des faits de concurrence
déloyale rendus publics par voie d'affiches et par inser
tions dans les journaux un nombre plus grand des publica
tions ordonnées par les premiers juges sera bien plus efficace
pour la réparation du préjudice causé, qu'une majoration
des dommages-intérêts alloués par eux
Par ces motifs et ceux des premiers juges, la Cour
met néant l'appel principal, met également
néant le jugement quoi en tant qu'il n'autorise que quinze
insertions
Emendant sur ce point, fixe trente les publications
autorisées par les premiers juges, confirme le jugemeot pour
le surplus dit que le présent arrêt sera inséré aux frais des
appelants la suite du jugement dont appel et dans les mêmes
conditions
Condamne les appelants aux dépens d'appel taxés quatre
vingt treize francs quatre-vingt centimes, non compris le
coût ni la signification du présent arrêt.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour
d'appel séant Bruxelles, le quatre août rail huit ceot soi-
xanle-dix-neuf, où étaient présents: Messieurs be prihi
de la aieppe, premier président de dam, holvoet,
de bkaxdxkh, avlit, conseillers; dtaes, substitut du
procureur-général; jmavs, greffier.
Etait signé la minute: de Prelle de la IN'ieppe,
Eug. auus.