UNÉCHANGE DE VUES AU XlILSIÈCLE N« 515. Jeudi, 39e ANNÉE. Il Décembre 1879 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT, N.B. Les annonces, réclames et faits divers, pour tous les pays du monde (sauf la Flandre Occi dentale), sont exclusivement reçus par la succursale de Y Agence Havas, 89, Marché aux Herbes, Bruxelles. Personne n'ignore la pression violente et scandaleuse que le clergé a exercée sur les instituteurs de la campagne, pour les forcer quitter l'enseignement officiel. Les motifs les plus légitimes que les intéressés faisaient valoir pour rester au service de l'Etat, n'ont pu fléchir les exigences de leurs ennemis. Ainsi, plusieurs instituteurs, n'ayant plus Sue quelques années enseigner, pour avoir roit une pension bien méritée, ont, par suite de continuelles tracasseries, été obligés d'entrer dans l'enseignement privé et de renoncer, par conséquent, toute pension, que leur assurait une longue et honorable car rière dans l'instruction publique. D'autres ont totalement manqué aux enga gements qu'ils avaient contractés envers 1 Etat A E.... et P.... communes de notre canton scolaire, l'école libre est tenue par des institu teurs, diplômés respectivement en 1876 et en 1878. Ces deux instituteurs s'étaient engagés rester, pendant cinq ans, la disposition du Gouvernement. Si celui-ci, comme nous l'es pérons d'ailleurs, use de son droit, ces im prudents victimes de fallacieuses promesses, se verront forcés de restituer le montant des bourses dont ils ont joui, pendant la durée de leurs études l'école normale Nous sommes certain que l'intervention intempestive du clergé dans le conflit sco laire ne tardera pas disparaître Les instituteurs, entrés dans l'enseignement Erivé, regretteront amèrement, trop tard élas, d'avoir cédé aux violences d'un clergé ambitieux, qui, par ses tristes manœuvres, a brisé la carrière de tant d'honnêtes fonction naires Le rapprochement des deux faits suivants, passés en notre ville, semble indiquer que le clergé renonce déjà l'application des moyens spirituels, dans la guerre qu'il livre loi du 1 Juillet dernier. Il y a quelque temps, deux institutrices communales se présentent au tribunal de la pénitence. Le confesseurun Père Carme apprend qu'elles sont dans l'enseignement officiel et dit que, par ordre supérieur, il ne peut leur donner 1 absolution La semaine passée, un instituteur officiel présente, l'église, un nouveau-né pour y recevoir le baptême. Le vicaire de la paroisse l'accueille fort bien, et procède la cérémonie avec le plus louable empressement. Si le fait s'était passé, il y a trois mois, l'instituteur aurait peut-être eu la même réponse que son collègue d'une commune de notre Flandre: Je ne baptise pas les enfants d'un schismatique. Quantum mutatus ab illo. Les cléricaux sont furieux ils comptaient sur une scission dans le libéralisme a propos de l'échange de vues et voilà qu'elle leur échap pe et que toutes les nuances s'entendent pour ne pas laisser l'ennemi commun profiter de leurs dissentements. La navigation n'est pas l'art de conduire un navire, en ligne droite, du port de départ au port de destination, c'est l'art d'utiliser le vent ae manière le serrer au plus près quand il n'est pas favorable sauf courir grand largue quand on a la chance de l'avoir en poupe. Il en est de même de la politique elle doit nous mener destination en tenant compte des cir constances du temps et des obstacles de toute nature qui empêchent trop souvent le gouver nement le plus libéral, le plus franc et le plus habile, de marcher droit au but. C'est ce que nos amis ont compris et ce qui LE PROGRÈS PARAISSANT LE JEUDI ET LE DDI ANCHE. VIRES ACQÛÎRIT EUNDO ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 0-00 Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 39. Idem Pour le restant du pays7-00 INSERTIONS: Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne fr. 0-25. CHEMIN DE FER. (15 Octobre). HEURES DE DEPART D'YPRES A Poperinjhe-HazehroucL. 0-20.— 12-07.6-47. Poperinghe. 0-20. 9-07. 9-55. 12-07. 2-45. 3-57. 6-47. 8-45. 9-50. Courlrai. 5-34. - 9-52. - 11-20. - 2-40. - 5-25. Roule, s. 7-45. 12-25. 6-30. Langhemarclt-Oslrnde. 7-20. 12-17. 0-15. Langhemarck, le samedi, 5-50. Ypres, le ÎO Décembre 1879. Rien n'est nouveau sous le soleil. Un spectacle triste se déroule devant le pays, la perma nence du conflit entre l'autorité civile et l'autorité religieuse allume dans les esprits les préoccupations les plus vives. Taudis que, se plaçant sur des terrains d'appréciation oppo sés, les journaux des diverses nuanees analysent les résultats obtenus pas l'échange des vues avec le St-Siége, chaque lecteur égrène les commentaires que la gravité de la situation lui suggère... Chose digne de remarque, la lutte que le clergé poursuit contre les actes du pouvoir législatif, lutte brochée sur une sorte d'antagonisme latent entre 1rs prélats belges et le Vatican, n'est pas nouvelle; elle est rééditée d'il y a plus de six siècles. En matière de discordes, attisées propos de la mise exécution des lois sur l'enseignement, nos évêques ne sont pas des novateurs, leur attitude n apparaît que comme un plagiat. Appelons notre aide, pour le prouver, les souvenirs his toriques de nos communes des Flandres. Le premier livre d un peuple, c'est son histoire. En Belgique, le moyen âge offrait deux espèces de puissances, les communes libres et les mai sons souveraines. Au milieu d'elles surgissaient l'influence gouvernementale, déjà usurpée par les évêques, et l'autorité des juridictions ecclésiastiques Dans l'histoire d'Ypres, Ypriana (t. II, p. 285), récem ment publiée par M. Alphonse Vandenpeereboom, ministre d'Etat, nous trouvons des récits saillants de nature provo quer un parallèle plein d'intérêt entre les actes posés par le clergé dans nos communes flamandes plus de six cents ans de dislance. Vers le milieu du treizième siècle, la situation Ypres apparaît identique celle du pays en l'an de grâce 1879. Le pouvoir civil, représenté par lej échevins, lutte pour défendre son indépendance coolre l'arrogance sacer dotale le clergé revendique le monopole de l'enseigne ment. La liberté de l'instruction primaire, que l'on envisage comme une conquête de la civilisation moderne, est procla mée; parallèlement aux écoles communales ou officielles, l'on fonde des écoles libres et l'on se dispute des écoliers. Mais déjà leur raccolement ne s'opère pas sans luttes. Pour vaincre les ré.istances, les prélats frappent d'excom munication les enfants réfraclaires, leurs parents, les institu teurs, les magistrats communaux, bref toutes personnes qui ne font point soumission aveugle aux ordres du clergé. C'est, ce moment que se noue un échange de vurs entre le pape et les échevins qui défendent les prérogatives de l'auto- té civile. De patientes négociations s'élaborent vis-à-vis du Saint Siège, mais ce dernier ne se borne point, comme au jourd'hui, conseiller la modération déclarer la condui te du clergé excessive et inopportune il prescrit une enquête sérieuse, charge des délégués de trancher le nœud Gordien du conflit et les investit de pouvoirs absolus l'effet d'excommunier leur tour les récalcitrants tant ecclésiastiques que laïques. Rappelons quelques-uns des faits cités par l'auteur des Ypriana. Des écoles avaient été créées Ypres,en vertu d'une bulle donnée le 19 août 1196 par le pape Célestin III le prévôt et les chanoines de l'abbaye de Saint-Martin en cette ville prétendirent bientôt que, d'après celle bulle, nul ne pouvait, sans leur autorisation spéciale, ériger des écoles dans les paroisses et dans l'intérieur de la commune ou s'élendant sur le territoire extra-muros de l'ëchevinagr; eo d'au- 1res termes, ils soutinrent que le Saint-Père avait oclroyé I abbaye le monopole de l'enseignement Ypres. La bour- geoisie n'admit pas le fondement de ces prétentions; avant le treizième siecle, des écoles laïques avaient été fondées sans autorisation aucune (sans doute par la commune) cô- té des écoles chapitrales, elles restèrent ouvertes malgré la défense des chanoines, des manants (les gueux de l'époque), voire même des échevins (les libéraux du temps), avaient continué y faire instruire leurs enfants. L'irritation futgrai.de l'abbaye! Cette résistance inat- tendue des manants froissa virement le prévôt et 1rs chanoi- nés; d'après eux, toutes leurs prérogatives étaient mécou- nues, indigonnent violées Uu tel scandale ne pouvait être toléré. Le prévôt appela son aide I archidiacre de Tournai, alors investi du litre de conservateur des privilèges ecclésiastiques eu Flan- dres Ce prélat n'hésita pas excommunier en masse les bourgeois et les échevins récalcitrants. Celte grave mesure ne produisit pas les effets qu'on en attendait. Les maîtres (les instituteurs), qui, d'après le pré- vôl, s étaient par violence laicale arrogé le droit d'eu- k srigner, comme les pères de famille qui persistaient leur confier leurs enfants, refusèrent de se soumettre rien ne fut changé les écoles frappées d'interdit, ne furent pas fermées; elles continuèrent au contraire êtiç fréquentées comme par le passé.

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Le Progrès (1841-1914) | 1879 | | pagina 1