M® 554. Dimanche,
40e ANNÉE.
25 Avril 1880.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSENT M T.
VIRES aCQUIRIT EUNDO
Ypres, le 24 Avril 1880.
Lundi d1' ont eu lieu les funérailles de Mon
sieur Alphonse Verschaeve, Conseiller Com
munal et membre du Bureau de Bienfaisance.
Une affluence considérable de monde assistait
cette triste cérémonie. Le Corps des Pom
piers, musique en tête, formait la haie. Des
couronnes d immortelles et de pensées sur
montaient le cercueil; les coins du poêle étaient
tenus par MM. le docteur Cornette et Soenen,
Juge-ae-PaixConseillers Communaux, et
MM. Eug. VanDaele et H. Decoene, respecti
vement président et membre du Bureau de
Bienfaisance. Derrière là famille venaient
immédiatement le Conseil Communal, peu
près au grand complet, les autorités civiles,
beaucoup d'officiers de la garnison et une foule
d'amis et de connaissances.
Toute la ville était sur pied le corps été
transporté bras de l'Eglise au cimetière.
Deux discours ont été prononcés le premier
par M. le docteur Cornette, au nom au Con
seil Communal, le second par M. EugèneVan
Daele, au nom du Bureau de Bienfaisance.
Messieurs,
Messieurs,
LE
PROGRES
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
f
Les annonces de la Belgique el de l'Etranger sont reçues par l'Agence Havas (Publicité), 89, Marché-aux-Herbes, Bruxelles et chez ses correspondants
Pour la France l'Agence Havas, 8, Place de la Bourse, Paris. Pour l'Allemagne, l'Austro-Hongrie et la Suisse: chez Rudolf Mosse (Annoncen-Expedilion)
Cologne, Berlin, Francfort, Strasbourg, Munich, Hambourg, Leipzig, Sluttgard, Vienne el Zurich. Pour la Grande-Bretagne et l'Irlande: chez Géo Street et
C°, 30, Cornhill, E C et 3, Serle Street W C, Londres. Pour la Hollande: chez Nygh et Van Dilmar, Rotterdam. Pour l'Amérique: chez Pethinghille et
C°, 38, Park Row-New-York.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. g-00
Idem Pour le restant du pays7-00
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Divotude, 39.
INSERTIONS: Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne fr. 0-23.
Discours "prononcé par M. le DT Cornette.
Au nom du Conseil communal, je viens rendre un
dernier hommage celui qu'une mort prématurée a
enlevé l'affection de sa famille et l'estime de ses
nombreux amis. Un autre vous dira ce que fut le
défunt pour les pauvres dont il fut toujours un guide
sûr et un bienfaiteur infatigable.
En acceptant la pénible mission de dire ce que nous
coûte de regrets le vide que laisse la mort de notre
excellent collègue M. Alph. Verschaeve, je ne me suis
point dissimulé combien ma tâche serait délicate.
Alphonse Verschaeve n'était pas de ces hommes qui tran
chent vivement sur ceux qui l'entourent il n'était pas
de ceux qui laissent derrière eux une trace lumineuse
il était encore moins de ceux qui, par calcul, par intrigue
ou vanité, attirent sur eux l'attention publique, exploi
tant leur profit la sottise humaine; il n'avait ni haute
visée, ni tendances intéressées il était la chose pu
blique pour la chose publique. Autant il était modeste,
autant il était honnête sa franchise égalait son amour
du bien et tous ses actes étaient marqués au coin de la
plus parfaite loyauté et de la plus austère probité.
Pour qui a connu Alphonse Verschaeve, il n'en saura
jamais dire tout le bien qu'il en pense, jamais il ne
saura dire tout ce que contenait de bon, de sincère et
de dévoué cet homme qui n'eut d'autre mobile que
l'accomplissement du devoir et qui marcha son but
sans éclat, sans ostentation, d'une façon discrète et
avec une abnégation absolue. Alph. Verschaeve était un
caractère, mais un caractère qui s'embellissait et gran
dissait mesure qu'on l'approfondissait.
Alphonse Verschaeve naquit le 2 Septembre 1832.
Il commença ses études moyennes âU Collège commu
nal de cette ville. Je l'y vois encore, il était assis mes
côtés dans la salle d'études commune il était tranquille
et studieux; son esprit était plus positif que celui qu'on
rencontre d'ordinaire cet âge il était observateur et
ses remarques et ses saillies m'étonnaient plus d'une
fois mais il dut bientôt renoncer aux études réguliè
res, appelé qu'il était, par des circonstances de famille,
préparer les bases de sa carrière future. Cependant
il était trop actif, sa soif de connaitre était trop arden
te, pour qu'il se renfermât exclusivement dans les limi
tes de ses occupations professionnelles. Il se consacra
avec une rare énergie et un succès remarquable l'é
tude de la physique et de la chimie, et comme applica
tion particulière de ces sciences, la pyrotechnie. Cha
cun sait ce qu'il apporta de zèle et d'habileté dans cette
branche spéciale, chaque fois qu'on fit appel son dé
vouement. C'est lui qui s'offrit spontanément, car il
avait de l'initiative, pour relier les guets de la tour
l'Hôtel-de-Ville par voie télégraphique; c'est lui qui
présida l'établissement de cette communication pré
cieuse c'est lui qui dressa et forma les agents chargés
de ce service enfin, c'était lui l'homme indispensable
pour une foule de choses où il n'eut pas son égal.
A côté de ce physicien, de ce chimiste, élevé pour
ainsi dire par les mains de la nature puisqu'il était
arrivé sans l'aide d'un maître en ces matières, exis
tait l'homme politiquele serviteur de la chose
publique. Entré tout jeune au Conseil communal, en
Octobre 1869, il eut lutter d'abord contre quelques
appréciations peu bienveillantes. Justement en raison
de sa modestie et de la réserve dans laquelle il s'était
tenu jusque là, quelques uns trouvèrent ce choix peu
justifié ils ne comprenaient pas qu'une saine raison et
- un jugement réfléchi peuvent parfaitement s'allier
des dehors modestes et prudents mais bientôt le jeune
conseiller donna un démenti ces injustes préventions.
Attentif tout ce qui put intéresser la prospérité pu
blique, il remplit de tout temps son mandat avec une
ponctualité et une intelligence qui défiaient la critique.
Esclave de son devoir, il prit une part active tout ce
qui concernait le progrès de sa ville natale. Collègue
agréable, d'humeur toujours égale, bienveillant pour
tous, il se consacra encore aux affaires publiques, alors
que déjà il était profondément miné par une maladie
longue et cruelle. Ce n'était qu'au prix des plus pénibles
efforts que, dans ces derniers temps, il franchit les
degrés de l'Hôtel-de-Ville, la marche mal assurée, le
corps décharné, la respiration embarrasséela face
souffreteuse et cherchant d'un œil mélancolique le
regard sympathique de ses collègues.
Nous le vîmes tous avancer grands pas vers l'affreux
terme où ses forces eussent trahi son courage. Et ce
pendant il voulait être son poste c'est que cette
machine délabrée dont tous les ressorts étaient en
rayés dans leur jeu naturel, était encore mûe grâce
l'énergie de son caractère et sa noble obstination
rester, jusqu'à son dernier souffle, utile ses conci
toyens. Aussi peut-on affirmer que lorsqu'il se vit fina
lement aux prises avec l'inexorable mort qui le happait
depuis longtemps et qui allait le ravir pour toujours
l'amour de son épouse chérie, l'affection de sa fille et
l'estime de ses amis, il eut encore un regret de plus,
c'était de se séparer de cette Administration où il reçut
de tout temps un accueil franchement sympathique et
laquelle il se sacrifia âvec un zèle et une abnégation
dont nous conserverons un religieux souvenir.
Voilà, incomplètement ébauché, l'homme que ia ville
vient de perdre.
Adieu, cher collègue, au nom de l'Administration
communale, Adieu
Discours de M. Eug. Van Daele, Président du
Bureau de Bienfaisance.
Quand la mort nous prend un ami, ce n'est pas assez
que le seul souvenir, nous recherchons la satisfaction
amère d'entendre rappeler ce qui l'a fait aimer. En
disant ce qu'il fut nous avivons notre douleur, mais
nous honorons sa vie.
Cette tombe ouverte devant vous, vient de recevoir
la dépouille mortelle d'un citoyen intègre, honorable et
utile, d'un homme de bien.
Réunis en ce moment solennel pour lui rendre un
dernier hommage, je ne crois pouvoir mieux répondre
votre pensée qu'en retraçant ici en peu de mots le
cours de cette trop courte et si honorable carrière.
Une voix plus autorisée que la mienne vous a dit ce
que fut Alphonse Verschaeve au Conseil communal.
Je viens, au nom du Bureau de Bienfaisance, remplir
la pénible mission de vous retracer la part qu'a prise
notre cher et regretté collègue dans l'administration de
la charité publique.
Né àYpres le 2Septembre 1832, AlphonseVerschaeve,
après avoir décliné plusieurs fois toute candidature,
fut nommé membre du Bureau de Bienfaisance le 21
Avril 1874 et installé le 27 du même mois. Il s'acquitta
de ces difficiles et délicates fonctions avec tout le dé
vouement que l'on est en droit d'attendre de ceux qui
veulent concourir efficacement au soulagement des mal
heureux. Verschaeve administra le patrimoine des
pauvres, de la manière la plus intelligente et la plus
avantageuse aux véritables intérêts des indigents; aussi
sut-il conquérir avec l'estime de ses collègues, la recon
naissance de ses administrés
Mieux que tous autres nous sommes même d'appré
cier l'inaltérable dévouement de cet homme modeste
qui fut pour tous ceux qui avaient recours ses ser
vices un véritable père, et pour nous ses collègues un
véritable ami.
Attaché aux fonctions dont il était investi, miné déjà
par la terrible maladie qui devait nous l'enlever la
fleur de l'âge, notre collègue ne cessa un seul instant de
s'occuper de tous les services de notre Administration
Charitable.