632. Dimanche, 41e ANNÉE. 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Causerie. 23 Janvier 1881. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Les journaux des différentes nuances s'occu pent de la lettre du Pape au Cardinal Arche vêque de Malines et tous, même ceux qui disent trouver la Nchose la plus naturelle du monde, sont quelque peu surpris de voir re mettre Ilot uu revenant qui, de son temps, eut une ju&te notoriété, nous le reconnaissons volontiers, mais qui n'eût rien perdu de sa gloire reposer tranquillement dans le sein du Seigneur. Saint Thomas d'Aquin docteur universel, Ange de l'école,tout ce qu'on voudra, mais qui, diantre, se serait jamais figuré de voir"ramener sur la scène de nos universités un philosophe- théologien que six siècles et demi ont démodé et qui, tout couvert de la rouille du moyen- âge, doit maintenant servir de guide et de modèle la jeunesse de la fin du dix-neuvième siècle Ah ça Pourquoi ne pas remonter jusqu'à Conl'ucicus Cette lettre a ceci de bon, toutefois, c'est qu'elle montre aux moins clairvoyants, que Léon XIII, dont on vantait son avènement l'esprit de progrès, est, en fin de compte, un Pape comme tous les autres, esclave des erre ments surannés de l'Eglise, pétrifié dans l'immobilisme, incapable du moindre mouve ment et qui, si, par extraordinaire, il hasarde un mouvement, soit spontanément, ce qui est infiniment rare, soit qu'il subisse l'impulsion de son entourage, ce qui est le cas le plus' Bfréquent, c'est pour faire un mouvement en arrière. Tous les Papes sont taillés dans le même roc et vouloir faire d'un Pape un libéral, même le libéral le plus anodin, c'est comme si on voulait fabriquer du miel avec du jus de citron. Il y a un autre point qui nous frappe dans cette lettre, c'est la façon étrange avec laquelle on décide du genre d'enseignement qui sera donné dans l'Université de Louvain. Qu'on choisisse pour un cours déterminé tel profes seur, tel savant, tel écrivain dont on connaît les opinions, rien de plus juste et de plus rationnel, c'est la pratique universellement suivie, toujours en laissant une certaine lati tude la liberté de la pensée. Mais ici, c'est tout différent. Il faudra du Thomas d'Aquin du treizième siècle pur encore ne sommes- nous p ts sûr qu'il ne sera pas préalablement tamisé, purifié, distillé et expurgé pour le plus grand salut des âmes; car, enfin, il n'est point «e diamant quelque réussi qu'il soit, qui ne renferme une imperfection, lut-elle invisible l'oeil nu. Le mandat impératif en philosophie, il fallait le pontificat de Léon XIII pour voir pareille monstruosité. La philosophie qui n'admet aucune entrave, la liberté de la pensée, par excellence, jugulée, rivée, maintenue dans un sentier creusé par une main étrangère, cela se conçoit-il Le professeur qui sera chargé de ce cours ne sera pas un penseur, ce sera un ténor qui chantera un air connu, composé par un artiste de renom, mais qui appartient un autre théâtre. Qui sera ce ténor Sera-ce cet abbé qui est venu montrer ici, il y a quelques mois, son bonnet de docteur, et qu'on a promené par les rues de la ville, les Blauvoe koussen en tête, ou sera-ce un M. Perin quelconque? Nous ne nous flattons pas d'être dans le secret des Dieux et peut-être qu'au fond cela n'importe pas énormément, car nous sommes très tentés de voir dans cette mesure qu'on inaugurera l'Université de Louvain une manœuvre habile de supprimer indirectement le peu de philo sophie qui y existe encore. Il n'est en effet pas de philosophie sans liberté de penser et de s'exprimer. N'est pas philosophe qui n'a une pensée lui, une doctrine lui. Il n'existe pas deux philosophes qui pensent absolument de même. Platon diffère de Socrate, comme Thomas d'Aquin diffère d'Aristote, comme Descartes diffère de Leibnitz, comme Cousin diffère de Kant, comme Spinoza* diffère de Voltaire, comme Littré diffère de Schopenhauër, comme tous les philosophes passésprésents et futurs différeront les uns des autres et il faudra maintenant que ce jeune convertisseur se fasse la photographie parlante de ce bon Thomas, prêchant ses sommes, sa théorie de la grâce et son verbum supernum Et quelle est la cha leur qu'il apportera la démonstration de sa thèse Car enfin, ce professeur de commande n'apportera dans son enseignement pas plus de chaleur communicative qu'on n'en apporte d'ordinaire dans des travaux plus ou moins forcés. Hé bien C'est là tout le secret de la mesure. Il ne faut pas que le professeur de philosophie provoque la réflexion. Il n'est pas bon que l'élève pense et réfléchisse par lui- même cela rend l'homme mauvais en l'expo sant aux embûches du démon. Il faut que tous ne pensent que par le Pape et pour commen cer par St-Thomas d'Aquin qui n'est ici que le véhicule ou le soporifique, au choix. Nous disons que ce professeur sera froid, insipide, monotone et fatigant, parce qu'il ne sera qu'une machine au service d'une entreprise stérile, n'ayant lui-même pour cette philosophie arriérée que le respect qu'on professe l'endroit d'une grandeur dont l'éclat est passé. Si les idées de St-Thomas d'Aquin étaient encore de mise, si elles renfermaient dans leurs flancs la panacée de l'avenir, Sa Sainteté Léon XIII croit-elle qu'il leur fau drait, pour gagner les esprits et gouverner le monde, le coup d'épaule au St-Siége C'est pour détourner les âmes des erreurs des naturalistes et des matérialistes, dit le Pape, que la philosophie de St-Thomas d'Aquin doit- être rétablie et quepour la répandre il faut éri ger une chaire nouvelle.Profonde illusion,n'en déplaise Sa Sainteté. St-Thomas était aussi ignorant des sciences naturelles qui étaient alors peine entrçvues qu'il l'était au nouveau monde, sa philosophie ne pouvait donc pas s'en imprégner et se tenait ainsi tout naturel lement dans les abstractions métaphysiques. Cela lui valut le titre d'Anqe de lécole. Mais aujourd'hui il n'en est plus de même, les anges ne sont plus de ce monde, les sciences naturelles ont fait du chemin et plongent tellement leur lumière dans tout ce qui touche aux connaissances humaines, qu'il n'est plus possible de les négliger, même dans la philo sophie la plus rétive. Vienne donc St-Thomas d'Aquin ou son socie, c'est comme si on opposait l'arc-à-main nos Albini. Nous croyons donc fermement que Sa Sain teté ne verra pas de sitôt les hommes d'Etat de la Belgique façonnés sur le patron qu'elle voudrait exhumer,etque si les libéraux auront encore pour un temps qu'on ne saurait préci ser lutter contre Messieurs les cléricaux, ils n'auront pas devant eux Messieurs les Tho mas d'Aquistes. Il faut cependant reconnaître que si Louvain pouvait nous fournir cette génération, selon le cœur de Léon XIII, les Thomistes viendraient propos pour rempla cer les cléricaux quand ceux-ci seront tout-à- fait démonétisés il est vrai, ce ne serait que l'enseigne qui serait changée, mais l'étiquette, c'est quelque chose. Mais les Thomistes ne reviendront plus, parce l'humanité ne recule pas et que les morts ne ressuscitent pas. La Meuse, d>> la frontière française la frontière LE PROGRES V1KES ACQL'IRIT EUNRO. iimonees de la Belgique el de l'Etranger sont reçues par j'#<jiritce Havas (Rusticité), 89, Marché-aux-Herbes. Bruxelles etcln'Z ses correspondants la France l'Agence Havas, 8, Place de la Bourse. Paris. Pour l'Allemagne, 1 Austro-Hongrie et la Les annonce: Pour la France l'Agence Havas, 8, Place de la Bourse. Paris. Pour l'Allemagne, PAustro-Hongrie et la Suisse: chez Rudolf Mosse (Annoricen-Fxpedition) Cologne, Berlin, Francfort, Strasbourg, .Munich. 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Le Progrès (1841-1914) | 1881 | | pagina 1