N° l,08y. Jeudi,
45e ANNÉE.
4 Juin 1885.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Funérailles de SI. Charles Rogier.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. vires acquibit eundo.
Les annonces de la Belgique el de l'Etranger sont reçues par XAgence Ilav&s (Pablicilé)^89, Marclifcaui-ik'ibes. Bruxelles ot chez ses correspondants:
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Cologne, Berlin, Francfort, Strasbourg, Munich, Hambourg, Leipzig, Sluttgard, Vienne et Ztiricli. Pour la Grande-Bretagne et l'Irlande: chez Géo Street et
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38, Park Row-New-York.
Ypres, le 3 Juin 1885.
La Patrie, l'honnête Patrie, avait cru bon de co
pier le Journal d'Ypres et de rééditer l'adresse de
M. Sabbe les vilenies que nous avons relevées dans
deux de nos derniers numéros.
Mal lui en a pris.
Voici, en effet, la lettre cheval que l'estimable con
férencier a liait parvenir au Moniteur de l'épiscopat
et qui doit mettre fin l'odieuse campagne entreprise
par nos sacristains
Là Patrie bat pileusement en retraite.
C'est ce que le Journal fera aussi peut-être
Par l'éclat donné cette cérémonie funèbre, la ville de
LE PROGRES
ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et Judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 59.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25.
Bruges 29 Mai 1885.
A Monsieur le Directeur de la Patrie.
Monsieur,
Je n'ai pas l'habitude de vous laisser longtemps solli
citer une réponse de ma part, quand la matière en vaut
la peine.
Dans votre n* du 28 Mai, vous résumez un article du
Journal d'Ypres du 20 Mai, daus lequel il est dit que
j'aurais donné Ypres une conférence contraire la
religion et tout ce qui s'y rattache.
Dans cette assertion, avant tout invraisemblable,
voici ce qu'il y a de fondé. Le Journal d'Ypres s'est
laissé induire eu erreur par des espions trop zélés. La
conférence que j'ai donnée, sous le titre Burgerplicht,
était tout simplement l'exposé d'une brochure bien
connue, publiée en 1873, par un professeur de l'Etat, M.
Emile De Laveleve, brochure où il n est question ni
de Dieu, ni de religion, ni du Pape, ni dt s archevêques,
ni de la Bible, ni du catéchisme, ni surtout de con
spuer ces choses mais bien de la situation politi
que et morale de notre pays, des dangers auxquels il
est exposé et desquels il doit bien être permis A tout
citoyen de se préoccuper.
Je n'ai pas répondu au Journal d'Ypres. J'avais pour
cela deux motifs
1# La valeur, bien connue Ypres, d'une assertion
de ce journal, récemment encore établie ses dépens,
par un tribunal dont les arrêts ne peuvent vous être
suspects
2* Ma confiance djins l'auditoire nombreux et hon
nête mouchards part, devant lequel j'ai parlé
pendant une heure, et qui se chargera bien de rétablir
Ypres la vérité des faits.
Si je vous réponds, Bruges, c'est d'abord parce que
je sais d'expérience que les coDtre-vérités les plus in-
vraisemblables prennent corps en se propageant, et,
en second lieu, parce que vous impliquez en tout ceci
un établissement auquel j'appartiens, qui n'a d'ailleurs
rien y voir, et pour la prospérité duquel je ferais
tout ce qui est en moi.
J'espère qu'il suffira d'une dénégation formelle d* ma
part pour redresser complètement 1er erreurs dont
votre confrère d'Ypres vous a fait devenir l'écho. Cette
espérance est fondée, pour ce qui me regarde, sur une
véracité qu'aucun tribunal n'a encore infirmée ni n'in
firmera.
Vous remerciant des intentions charitables de votre
articulet, je vous prie d'agréer l'expression de la consi
dération qui vous est du1?.
Jules Sabbe.
jV. B. Veuillez insérer la présente dans votre
plus prochain numéro.
Ministre d'Etat, membre de la Chambre des représen
tants, ancien membre du gouvernement provisoire et du
Congrès national, ancien gouverneur de la province d'An
vers, ancieji ministre de l'intérieur, des travaux publics et
des affaires étrangères, ancien président de la Chambre des
représentants.
Les funérailles solennelles de l'illustre patriote dont la
nation toute entière déplore la perte ont été célébrées Lundi
avec un incomparable éclat et au milieu d'une énorme
affluence.
Dès la veille, la chapelle ardente, dans laquelle était
exposé, dans la modeste maison de la rue Galilée, le corps
de Ch. Rogier, avait été ouverte au public de deux six
heures de l'après-midi. Toute l'après-dïnée de Dimanche
une foule compacte s'est pressée la maison mortuaire.
Le service d'ordre était fait avec beaucoup de tact par la
police de Saint-Josse-ten-Noode, qui ne laissait pénétrer
dans la maison que quelques personnes la fois. La foule
s'étendait bien au-delà de l'Observatoire.
Le corps de l'illustre défunt est déposé dans le cercueil
entrouvert. Aucun apparat ne l'entoure. Sauf quelques
cierges et le drapeau liégeois aux armoiries de la province,
accompagnées des lettres L et G en cuivre, le tout est d'une
grande simplicité.
A côté se trouve le costume de volontaire avec lequel
Rogier a fait son entrée Bruxelles, en 1830, la tête du
bataillon liégeois. Il avait religieusement conservé la blouse
bleue, le bonnet et l'écharpe aux trois couleurs.
Le cercueil en chône, décoré d'ornements argentés, sem
ble sortir d'un parterre. A gauche, droite, au centre,
s'amoncellent les couronnes de roses et de violettes mêlant
leurs colorations vives et montant jusqu'au cadavre. Des
couronnes ont été envoyées de la capitale, de Liège, d'An
vers, du Borinage, de Gand et de tous les points principaux
du pays.
Au-dessus de cet entassement de fleurs se dressent des
plantes vertes qui forment un massif épais d'où émergent
cinq candélabres et des lampadaires.
Lentement la foule passe émue devant le corps de l'il
lustre patriote. Dans ses rangs, on compte toutes les clas
ses de la société, toutes les sphères de l'orde social, le peu
ple, l'armée, le clergé, la bourgeoisie et la noblesse.
Tous les partis se confondent, el le respect est partout le
même. Vers quatre heures, la foule augmente on double
les postes de police, mais ces précautions sont inutiles.Tout
se passe avec un ordre parfait. La population bruxelloise
n'oublie pas là ce qu'elle doit au défunt.
La cérémonie de la remise du corps a eu lieu Dimanche
soir, conformément aux dispositions prescrites.
C'est au milieu d'une affluence considérable que le col
lège des bourgmestre et échevins et le conseil communal
de Saint-Josse-ten-Noode se sont rendus la maison mor
tuaire pour conduire le corps de l'illustre défunt vers l'em
placement de l'ancienne porte de Louvain.
Le service d'honneur, la maison mortuaire, était fait
par la garde civique de Saint-Josse ten-Noode.
A 9 heures et demie, le cortège s'est mis en marche, pré
cédé par les tambours et la musique de la légion de Samt-
Josse-ten-Noode. Le char funèbre, littéralemcnf couvert de
fleurs et de couronnes, était traîné par quatre chevaux ri
chement caparaçonnés. Le cercueil suivait, enveloppé dans
le drapeau national, et porté par des sous-ofliciers de la
garde civique. Le corps des officiers de la légion, précédé
par le collège et le conseil communal, venait ensuite, puis
les sociétés de la commune accompagnées de leurs banniè
res couvertes de crêpes, une députation des écoles de dessin
et de musique, des écoles moyennes et primaires commu
nales, du personnel de la crèche, laquelle s'intéressait
spécialement l'illustre défunt.
La marche était fermée par la garde civique de Saint-
Josse-ten-Noode.
Vers la même heure, le collège des bourgmestre et éche
vins et le conseil communal de la ville de Bruxelles, escor
tés par la division d'artillerie de la garde civique de Bruxel
les, sous le commandement du major Godefroy, et par
l'escadron de la garde civique cheval, se sont rendus au
rond-point de la place Surlet de Chokier et de la place
Madou, en passant par la rue de la Colline, rue de la Mon
tagne, rue Sainte- Gudule, rue du Bois-Sauvage, rue de
Ligne, place du Congrès, rue de la Presse et la rue de la
Croix de-Fer.
La remise officielle du corps par l'administration com
munale de Saint-Josse-ten-Noode celle de Bruxelles s'est
faite 10 heures précises du soir.
Le corps a été déposé dans le corbillard et le cortège,
entouré de porteurs de torches, précédé par les autorités
communales de la capitale et suivi de la division d'artille
rie de la garde civique de Bruxelles et d'une foule immense,
aussi respectueuse que recueillie, s'est dirigé vers l'hôtel
de ville, en passant par la place du Congrès, la rue Royale,
le boulevard Botanique, le boulevard du Nord, la placé de
Brouckere, la Bourse, la rue au Beurre, et est arrivé
Grand'Place vers 11 heures et demie du soir.
Sur tout le parcours du cortège, les réverbères étaient
voilés de crêpes. A toutes les artères où la foule se pressait,
elle saluait respectueusement le cortège imposant qui se
déroulait devant elle, dans un ordre admirable.
La décoration de la Grand'Place était très complète et
fort imposante. La Maison du Roi avait reçu une ornemen
tation particulière, d'une grande richesse.
Au centre, un immence motif décoratif se dresse. Sous
une sorte de baldaquin surmonté de panaches blancs, d'où
tombent de larges draperies, s'abrite une immense couronne
en argent où se croissent un drapeau tricolore et une palme
dorée.
Au premier étage, pendent des voiles noirs, et un crêpe
Sigantesque recouvre la toiture. Des drapeaux noirs lamés
'argent sont arborés aux fenêtres.
Au-dessus de toutes les rues qui débauchent Grand'Place
flottent également des drapeaux portant en lettres argentées
le nom de Rogier et les dates de sa naissance et de sa mort
1800-1885.
Des grands mâts servant la lumière électrique, descen
dent d'immenses étendards semés de palmes et de larmes
argentées.
Au pied du motif décoratif du centre, adossé la maison
du Roi, sont posés des lampadaires et des brûle-parfums.
En face, l'hôtel de ville apparait couvert de draperies
frangées d'argent; des étendards, placés dans la tour, don
nent la flèche un aspect funèbre.
Tous les balcons des maisons particulières sont ornés de
crêpes où de drapeaux noirs semés de palmes ou de
lettres R.
Le gaz brillant sous les voiles noirs, les brûle-parfums
lançant des nuages d'encens, les lampadaires mettant leurs
étoiles sur les draperies sombres que recouvrent la Maison
du Roi, la lueur pâle de la lumière électrique jetant sur le
cortège et la foule des rayons argentés formaient un specta
cle grandiose et, malgré la trisiesse de la cérémonie, revê
taient un caractère triomphal.