N° 1,144. Dimanche, 45e année. 20 Décembre 1885 6 FRANCS PAR AN. JOUR*A3 D'Y PRES ET DE L? A 11 ROi\ DISSE 11E A T. Le clergé dans l'histoire. LE PROGR paraissant le jeudi et le dimanche. VIRES ACQjÎÎÛT EUNDO. Les annonces de la Belgique et de l'Etranger sont reçues par Y Agence Havas (Publicité), 89, Marché-aux-Ilorbes, Bruxelies-et cliez ses correspondrai: Pour la France l'Agence Havas, 8, Place de la Bourse, Paris. Pour l'Allemagne, l'Austro-lIongrie et la Suisse chez Rudolf Mosse (Annoncen-Expedition) Cologne, Berlin, Francfort, Strasbourg, Munich, Hambourg, Leipzig, Sluttgïïrd, Vienne et Zurich. Pour la Grande-Bretagne et l'Irlande: chez Géo Street et G", 30, Cornhill, E C et 5, Serle Street W G, Londres. Pour la Holland,e chez Nygh et Van Ditmar, Rotterdam. Pour l'Amérique chez Pethinghill et G", 38, Park Row-New-York. ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et Judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adresse l'éditeur, rue de Dixmude, 39. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-2o. Insertions Judiciaires la ligne un franc. Ypres, lq 19 Décembre 1885. Le rédacteur politico-économico-historico-reli- gieûx du Journal d'Ypres, a, il y a quelque temps, attaqué notre compte-rendu de la fête donnée le 15 Novembre dernier par la section Yproise du Wil- lems-Fonds. Se basant sur un passage des Origines de la France contemporaine où M. Taine nous fait connaî tre le rôle suivi par le clergé dans les premiers siè cles de notre ère, et l'influence puissante et féconde du Christianisme sur la civilisation, notre honorable confrère proclame faux et controuvés tous les faits avancés par M. J. Sabbe dans sa conférence, et dé clare qui veut l'entendre que nous accusons le clergé catholique de tous les crimes, de tous les mé faits. Notre savant contradicteur, en copiant M. Taine pour nous l'opposer, ne s'est sans doute pas aperçu que cet illustre écrivain avait en vue une période de l'histoire antérieure de plusieurs siècles celle que nous avions analysée, et il nè se doutait certes pas que nous aussi, nous étions d'avis que le Christia nisme a sauvé le monde. Mais ce que uous avons toujours soutenu et soutenons encore, c'est que si aujourd'hui nous avons la liberté, nous l'avons con quise malgré l'Eglise et contre elle. 4c Nous en convenons volontiers: l'Eglise, dans les premiers temps de son existence, a rempli une mission providentielle. Renfermant dans son sein tout ce que la société antique comptait encore de re marquable, composé d'hommes pleins de zèle et de vie, pratiquant la morale si pure du Christ au milieu de la tourbe romaine ignorante et corrompue, et des barbares sauvages et incultes,le clergé catholique imposa sa religion presque par la seule force de son ascendant moral, et conserva le principe de la civilisation. Mais, société purement spirituelle son origine, l'Eglise devait prendre un corps c'était une condi tion d'existence et d'avenir.' Aussi lors de l'invasion des barbares lesystêmedes communautés religieuses isolées avait-il déjà fait place l'aristocratie épisco- pale, laquelle son tour se trouva insuffisante au milieu de la dissolution sociale qui s'accomplit du 5* au 10e siècle. Le pouvoir spirituel se concentra alors en une puissante monarchie, la papauté, qui faillit réaliser l'idéal de la théocratie. Le Pape, depuis Grégoire VI jusqu'à Boni fa ce VIII, est maître absolu le monde civil est soumis l'Eglise, et l'Eglise la papauté. C'est un Pape qui dit que la puissance temporelle est soumise la puissance spirituelle c'est aussi un pape qui dé pose l'empereur Henri IV. Pour ces dispotes du XIIIe siècle ce n'est plus qu'un jeu d'excommunier, de déposer les Rois, d'envoyer au bûcher les popula tions qui s'écartent du dogme orthodoxe. Cette influence prépondérante de l'Eglise fut peut- être une nécessité dans des siècles d'anarchie; mais ce que nous ne pouvons lui pardonner c'est qu'elle voulut éterniser sa tutelle, c'est l'hostilité qu'elle manifesta constamment vis-à-vis de la liberté. La liberté religieuse que les martyrs avaient con quise fut confisquée par l'Eglise. Pour ce qui regarde la liberté politique, l'Eglise a, dans certains cas, soutenu les droits des peuples contre les mauvais gouvernements; mais quand la question des garanties politiques s'est posée entre le pouvoir et la liberté, quand il s'est agi d'établir un système d'instilutions permanentes, qui missent véritablement la liberté l'abri des invasions du pouvoir, l'Eglise s'est tou jours rangée du côté du despotisme. 4c Nous avons dit que le clergé avait célébré la dé faite de Roosebeke. Pendant toute celte période où nos communiers défendirent en héros leurs privilè ges et leurs libertés, partout et toujours les papes se font les instruments aveugles des ennemis de la Flandre. On se lait un jeu de lancer sur les Fla mands l'interdit et l'excommunication; on les traite comme des rebelles qu'on peut sans scrupule mettre au ban de l'Eglise. Jean XXII représente l'insurrec tion de nos ancêtres comme due l appel du démon, voce hostis ifiiqui: Benoît XII multiplie ses efforts pour rompre l'alliance qu'Artevelde a signé avec l'Angleterre; Urbain V, l'instigation du roi Charles V, s'oppose au ppyiage de Marguerite de Flandre avec le fils d'Edouard 111. Et n'allez pas croire que ce soit dans notre pays seul que la papauté se conduisit de la sorte.Pour ne citer qu'un fait nous dirons que ce fut Innocent III qui, par une bulle fulminée dans un concile général, cassa la charle anglaise dé 1214 et excommunia les barons qui l'arrachèrent leur misérable roi Jean- sans-lerre. Mais que parlons-nous de ces temps reculés! voyons ce qui s'est passé plus prés de nous. A peine l'héroïque élan de 89 a-t-il affranchi la France e' le monde entier, que des voix ennemies se font enten dre. D'où parlent ces attaques contre la Révolution? Ce sout les évêques, le pape qui la condamnent, qui anathématisent les Droits de l'homme et du citoyen. La liberté de conscience, on là traite de délire et depeste;les constitutions, de charretées d'ordures Il n'y a pas deux mois, Léon XIII, dans son encyclique Immortale Dèi, a condamné nouveau la souveraineté nationale, \a liberté de conscience et des cultes, la séparation de l'Eglise et de l'Etat; il prône ce régime du bon vouloir contre lequel nous nous élevions naguères; pour lui, la théocratie du moyen-âge constitue la société idéale. Les catholiques oublient que l'unité d'autrefois n'a été qu'une forme transitoire, un instrument d'é ducation pour des peuples enfants: ils veulent domi ner les intelligences en vertu d'un droit divin. C'est l'histoire de toutes les castes: la capacité qui im- pose un devoir est invoquée comme un droit l'empire Une réconciliation est-elle encore posible entre les partisans de la liberté et ceux de la papauté. Le pape répondra pour nous: Un bon catholique doit,selon Léon XIII se servir des institutions politiques actuelles pour les faire concourir au véritable et légitime bien public cad leur renversement. Ce sont ces hommes orgueilleux et dangereux du seizième siècle, qui bouleversèrent la religion chrétienne en proclamant que chacun sera libre d'embrasser telle ou telle religion, ou même de les repousser toutes, si aucune ne lui agrée. Plus loin La liberté de penser et de publier ses pensées n'est pas de soi un bien auquel la société ait un droit essentiel. C'est plustôt la source et l'origine d'un grand nombre de maux. Nous ne ferons pas ces. idées l'honneur d'une réfutation en règle.Nous nous contenterons de répéter au Journal d'Ypres, ce que l'abbé de Lamen nais disait en 1832 de l'Encyclique de Grégoire XVI: Si c'est là le dernier mot de la papauté,il marquera la dernière heure du catholicisme, tel qu'il est aujourd'hui constitué.Aveuglée comme elle l'est, la hiérarchie ne se doule pas de la profondeur de la plaie qu'elle s'est faite elle-même;elle a creusé un abîme entre elle et les peuples: qui le comble- ra? II faut le dire, ce n'est plus de la haine, ce n'est plus même du mépris, car le mépris ne s'at- tache qu'à quelque chose; c'est une indifférence telle qu'on ne saurait trouver de paroles pour la peindre. Les lignes tracées par Grégoire XVI, et qu'on ne prend pas même de la peine de liresont comme les bandelettes qui enveloppent la monnie il parle un monde qui n'existe plus; sa voix res- semble un de ces bruits vagues qui retentissent solitaires dans les tombeaux sacrés des prêtres de Memphis.,. l. P. S. Nous prévenons notre honorable confrère du Journal que nous avons puisé nos renseignements historiques autre part que dans des journaux libé raux nous avons notamment consulté l'Histoire des Flandres de l'orthodoxe M. Kervyn de Lettenhove. Le Journal d'Ypres s'est fâché tout rouge parce que nous nous sommes passé la fantaisie de faire connaître nos lecteurs de quelle jolie façon un de ses patrons (et peut-être de ses rédacteurs) a été roulé par M. Woeste, plus connu sous le nom de Vert de gris. Après nous avoir lancé force injures et nous avoir accablé de ses lazzis, notre estimable confrère

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Le Progrès (1841-1914) | 1885 | | pagina 1