1887. N° I. Jeudi, 47e ANNÉE. 6 Janvier 1887 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Jubilé et mendicité. 6 FRANCS PAR AN PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Ypres, le 5 Janvier 1887. 1 Une de moins, une de plus 1886 s'en va re joindre ses aînées, et 1887 vient prendre sa place. 11 y aurait là un beau thème dévelop pements pour un philosophe morose. Mais, nous ne sommes ni philosophes, ni surtout mo roses, et nous aimons mieux chanter Alléluia que De Profundis. 1887, c'est l'avenir, c'est-à-dire l'espérance. Qui donc ne lui sourit pas Voyez comme on la féte partout. Tout, son avènement, est joie et allégresse. A cette occasion on échange des souhaits et des cadeaux. Vous nous direz qu'il en a été de même les années précédentes, et que néanmoinsquoi vous vous retournez Eour jeter des pierres au passé! Mauvaise chose. 'homme doit regarder devant lui, et faire des vœux pour le futur. Lecteur, que l'année 1887 vous soit favorable, Si par impossible, les vœux que nous formons pour vous ne devaient point se réaliser, ne nous en gardez pas rancune considérez plutôt que, comme l'a dit quelque part le grand Corneille Le ciel, sur nos souhaits, ne règle pas les choses. Ce que nous demandons 1887, c'est l'union du libéralisme, non pas cette union froide et servile que pratiquent nos adversaires, et qui transforme des citoyens victimes de la consigne en automates, en mannequins sans volonté, mais celte union qui réunit en un faisceau tou tes les forces éparpillées, afin de ne former qu'un corps, qu'une âme sur le terrain du pro grès. Nous souhaitons aussi qu'il y ait pendant l'hiver 1887 du feu dans tous les foyers, du tra vail dans tous les ateliers, du pain dans toutes les bouches, un grain de sagesse dans tous les esprits. Enfin, aux lecteurs du «PROGRÈS» nous demandons de la bienveillance, et nous leur souhaitons, selon l'ancienne formule qui est la meilleure, une bonne santé et beaucoup de bonheur, en leur adressant notre carte et en leur recommandant de ne pas la perdre. On a beaucoup parlé ces jours derniers de la réunion plénière des droites qui a eu lieu récem ment Bruxelles et dans laquelle a été agitée la question du service personnel et peut-être d'au tres encore. Nous disons peut-être n car nul, en dehors des fidèles qui y assistaient, ne sait au juste, ce qui s'y est passé. Ce mystère qui entoure toutes les réunions et tous les conciliabules des ultramontains inspire au Précurseur d'Anvers les intéressantes ré flexions que voici La Congrégation de l'Index fait parler d'elle de temps autre. Elle vient de condamner d'un seul coup neuf publications, parmi lesquelles je remarque le livre de M. Aubé, sur l'Eglise et l'Etat dans la seconde moitié du troisième siècle, paru Paris l'année dernière, celui sur le Syllabus, par l'abbé Bossebœuf, du diocèse de Tours, édité également Paris en 1885, un autre volume du même auteur sur l'Encyclique lmmortale Dei et un ouvrage sur le Diable, de Jules Beissac, publié par M. Dréyfous. Une critique de la Vie de Jésus de Strauss, attribuée au père Curci, n'a pas trouvé grâce devant ce terrible tribunal, non plus qu'une brochure de Mgr Savarèse, intitulée l'Excommunication dune idée et éditée Rome en 1884. Mgr Savarèse est ce prélat catholique qui, ayant abjuré le papisme pour fonder en Italie une Eglise dite nationale, et découragé par l'insuccès de sa tentative, est rentré au bercail après avoir fait amende honorable et rétracté ses erreurs. On voit que l'Anastasie cléricale ne plaisante pas et qu'au besoin on sait donner des coups de ciseaux dans les dos de ses meilleurs amis, puisqu'elle n'épargne même pas les livres placés sous le patronage du père Curci. A ce propos notre correspondant de Rome raconte un fait assez piquant. Un littérateur peu connu avait publié, il y a une dizaine d'années, un livre sur la papauté et sur l'organisation de la hiérarchie catholique. L'éditeur s'était fait illusion sur le succès pro bable de ce livre et avait ordonné un fort tirage, dont une grosse partie lui resta pour compte. L'auteur eut une idée sublime. II prit un exem plaire de son écrit et l'adressa au préfet de la Congrégation de l'Index en lui demandant s'il était possible qu'un écrit si fortement entaché d'hérésie fût épargné par les foudres de l'Eglise, et il signa bravement Un catholique fervent. Son stratagème réussit au delà de ses désirs. Le livre figura dans la première fournée de condamnations prononcées par l'Index, et le stock fut enlevé en moins d'un mois. Le procédé se recommande aux auteurs qui ne sont pas lus pour peu que leurs ouvrages soient de nature agacer la censure ecclésias tique, ils sont sûrs d obtenir une réclame aussi efficace que gratuite. M. Eugène Anspach expose, dans une lettre adressée la Gazette, de Bruxelles, les raisons gui l'ont déterminé, la veille des dernières élections communales, entrer en négociations avec les cléricaux et les indépendants. Il est peine besoin de dire, ajoute notre consœur, qu'en reproduisant cette lettre, nous ne faisons gu'obeir un rigoureux devoir d'impartialité. Après l'avoir lue et reluenous avons plus que jamais la conviction que toute alliance avec le parti clérical est impossible et que si, par malheur, les négociations entrepri ses par M. Eugène Anspach avaient pu aboutir, la défaite de l'Association, dans ces conditions, eût donné le signal d'une réaction formidable contre le libéralisme modéré, qui l'opinion publique n'aurait jamais pardonné son alliance avec les cléricaux. Pas de fête, grande ou petite, de notre Mère la Sainte Eglise romaine, qui n'ait pour résul tat, si pas pour but, de puiser dans la poche de ses fideles. On ne peut entrer en contact avec elle sans avoir dégainer. Sous ce rapport, elle est invariable et ne changera point. Si l'assise sur laquelle on l'a reposée était faite de petits sous, pas de danger de la voir entamée tous les exercices pieux ne font que la consolider plus fortement, en lui apportant sans cesse des ressources. Le prochain jubilé du Pape sera une consé cration nouvelle et plus éclatante, ils l'espè rent, du moins, de la doctrine invariable de l'Eglise. Cette solennité financière aura lieu dans un an et déjà nos évêques se sont mis en campagne pour assurer la recette. Il suffit, pour s'en con vaincre, de parcourir dans le Journal d'Ypresla lettre pastorale et le mandement qu'ils viennent de lancer pour piper les capitaux, gros et petits, de bonasses qui se prêtent ce jeu de dupe. LE PROGRES vires acqcirit eciuk). ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays. 7-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25. Insertions Judiciaires la ligne un franc. Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89, Marché aux Herbes. Quelles ont été les tendances qui se sont manifestées, quels sont les orateurs qui se sont fait entendre, y a-t-il eu des attaques, dans quels sens ont-elles été dirigées Sur tout cela, rien. Qu'une réunion semblable ait lieu avec les membres de la gauche pour acteurs, et le lendemain tout sera connu aucun détail ne sera omis. Dans les rangs des cléricaux, silence complet; on ne sait que ce qu'il a plu la réunion elle-même de faire savoir; et on n'en s'aura pas davantage. On voit que l'on a affaire des gens sou mis aux règles de l'Eglise il n'y a pas d'institution où la discipline soit plus fortement organisée le mot du cardi nal de Bonnechose mon clergé est un régiment quand je donne un ordre, il marche ce mot peint le parti ca tholique. Lui aussi est un régiment il obéit au comman dement. La consigne est de se taire. Tout le monde se taira. Il n'y aura pas d'indiscrétion. Une discipline pa reille écarte bien des difficultés. Elle écarte surtout les difficultés des personnes, qui nq sont pas les moindres dans un gouvernement parlementaire. Elle ne peut, il est vrai, écarter les difficultés nées des événements, mais là encore elle contribue singulièrement les aplanir. Ce n'est pas pour récriminer, mais il faut avouer que les libéraux ne font pas eu si facile avec leurs amis poli tiques. Lorsqu'ils sont au pouvoir c'est d'eux surtout que viennent les embarras. Les libéraux ont généralement plus fort faire avec leurs amis qu'avec leurs adversaires. On y met même un certain amour-propre. On ne veut pas passer pour ministériel. Être ministériel quand les libéraux sont au pouvoir c'est soutenir ses amis, c'est défendre leurs actes, c'est partager leur manière de voir, c'est ne pas faire de l'opposition pour le plaisir d'en l'aire. Or, on n'aime pas ça c'est mal porté on est libéral, mais on est libre, que diable, on n'est iuféodé ni un clan ni des hommes, et on emploie sa liberté pour attaquer ses amis, sauf les soutenir lorsqu'il est trop tard.On oublie que des attaques incessamment renouvelées finissent par renverser les remparts les plus solides. Il n'y a rien faire cela. C'est dans le sang. L'essence de l'opinion libérale c'est la liberté d'opinion et de discussion. Il n'y a de discipline que celle que l'on s'impose librement il n'y a chez nous ni évêques, ni doyens, ni curés, ni vicaires nous donnant des ordres au nom de la religion; c'est la raison seule qui nous guide et nous rallie; orque ce lien soit moins fort que la discipline de fer que le clergé fait régner, c'est ce que nul ne peut contester mais telle est la force de là liberté et de la raison qu'elles peuvent être mises en échec mais qu'on ne par viendra jamais les étouffer.

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 1