N° 5. Jeudi,
47e ANNÉE.
13 Janvier 1887
6 FRANCS PAR AN
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
TIRES ACQUIRIT EUNDO.
Ypres, le 12 Janvier 1887.J'
O politique! voilà de tes coups.
Dans une longue lettre adressée M. le Bourg
mestre, Mr P. Dokson (passe pour Dokson, cela
nous est égal), critique avec des airs de savan-
tasse doublé d'un pseudo-artiste, les peintures
Delbeke.
Pauvres peintures, comme elles ont souffrir!
Mais cette fois, il faut le reconnaître, on y a mis
des formes, on a cherché motiver ses critiques
et on y convient même que l'artiste a a réussi en
partie. C'est déjà quelque chose; c'est beau
coup mieux qu'il y a quelques semaines, alors
que le Journal d'Ypres déclara ex-caihedrâ que les
nouvelles fresques ne contenaient ni dessin, ni
anatomie, ni perspective, ni couleur, ni arrange
ment, ni rien de ce qui constitue une œuvre d'art,
quelque chose comme un coin perdu de l'enfer
du Dante. Aujourd'hui il y a progrès et on peut
raisonner.
Pour bien faire sentir sa compétence, M. P.
Dokson commence par établir trois règles fon
damentales qui régissent la peinture murale.
Réfuter ces trois règles sera inutile. Il suffira,
pour abréger, de réduire sa juste valeur la pre
mière, pour que les deux autres suivent logique
ment le chemin de celle-là. Voici sa première
règle, car elle est bien lui, M. P. Dokson, et
nul autre
On pouvait, tout en n'oubliant pas la théo-
rie qui établit les principes de la peinture mu-
raie et la différence de son but, de ses moyens
et de son procédé d'avec la peinture de cheva-
let, faire de la peinture moderne et faire œuvre
moderne et actuelle.
Cette peinture moderne,idéaliste ou réaliste,
s'attache la perfection anatomique et analy-
tique et s'efforce dans l'ensemble et dans les
détails d'exprimer et de rendre la vérité, la
vie, le mouvement et l'idée.
Dans ce second paragraphe, il n'y a que des
mots. Le premier est plus clair et plus substan-
ciel, il signifie qu'on pouvait faire ici, dans une
grande salle gothique, de la peinture moderne
et actuelle.
He bien, M. P. Dokson, c'est ici qu'éclate
votre erreur. Faire de la peinture moderne dans
une salle gothique, c'est comme si vous mettiez
un ameublement Louis XV dans la maison de
Xantus ou que supprimant les meneaux des fenê
tres ogivales, vous missiez leur place une belle
?;lace de Vénise ou de Floreffè. Comprenez-vous
'anachronisme Dites donc, Dokson, que votre
loi est une grosse hérésie.Faites tout ce que vous
voulezchoisissez les plus beaux suj ets du monde
brossez-les avec le talent le plus fin, habillez-les
avec le goût le plus exquis, dès que vous faites
du moderne avec le gothique, cela ne se marie
pas, cela ne se lie pas, cela fait tâche, cela fait
trou et ne se tient pas et vous faites sans le vou
loir et le savoir une peinture de chevalet, une
toile adossée au mur et qui ne tient pas au bâti
ment.
Au contraire mettez votre peinture l'unisson
du monument, du roman avec du roman, du
gothique avec du gothique, du moderne avec du
moderne, vous obtiendrez de l'unité, de l'har
monie et vous ne saurez plus concevoir l'un sans
l'autre, sans briser les liens qui unissent les dif
férentes parties entre elles, tant leur indissolu
bilité sera intime. C'est là une loi d'esthétique
consacrée par tous les corps savants et tous les
hommes qui ont vu et étudié il est vrai, elle a
un défaut, celui de contrarier la vôtre qui est
toute de fantaisie et d'incohérence. Et pour que
vous la respectiez un peu plus dans la suite,
écoutez ce que dit ce propos, Yiollet-le-Duc
que vous aurez le bon espritje l'espère, de ne
Eas récuser. Alors ce ne sera plus de Progrès
>okson mais de Dokson Yiollet-le-Duc
La peinture appliquée l'architecture ne
peut procéder que de deux manières ou elle
est soumise aux lignes, aux formes, au dessin
de la structure, ou elle n'en tient compte.
Dans le premier caselle fait essentiellement
Sartie de l'architecture dans le second, elle
evient une décoration mobilière, si l'on
peut ainsi s'exprimer, qui détruit souvent l'ef
fet architectonique. Que les peintres, certains
peintres, aiment ce genre de décoration pictu
rale, quoi d'étonnant, mais que l'art y gagne,
c'est une toute autre question.
jj La peinture ne s'est séparée de l'architec-
ture qu'au moment de la Renaissance. Dès ce
moment la décoration architectonique a été
perdue.... Cette séparation de deux arts autre-
fois frères est sensible quand on jette les yeux
sur les essais qui ont été faits de nos jours pour
les accorder.
Et si cet accord se retrouve, comme l'attestent
tous les témoignages des hommes dont l'autorité
vaut celle de P. Dokson, faut-il le priser ou non?
Mais continuons et laissons la parole Viollet-
le-Duc
De ce que l'on peint sur un mur au lieu de
peindre sur toile, il ne s'ensuit pas que l'œuvre
soit une peinture monumentale, et presque
toutes les peintures murales produites de notre
temps ne sont toujours, malgré la différence de
procédé, que des tableaux,
La peinture décorative est avant tout une
question d'harmonie et il n'y a pas de système
harmonique qui ne puisse être expliqué
Plusieurs raisons ont porté les peintres d'au-
trefois, et devraient encore porter les artistes d'au-
jourd'hni, exclure de la peinture monumen-
taie les ombres et l'emploi exagéré de la
perspective.» Suivent des raisons trop longues
reproduire. Nous finirons ces citations par
cette conclusion topique la peinture monu-
mentale bien entendue est donc une peinture
de convention, bien différente de la peinture
de chevalet. Traitée d'après ces principes,
elle est la seule vraiment artistique.
Si P. Dokson veut se donner la peine de consul
ter MM. Miremée, Delaborde et autres il y trou
vera les mêmes principes et lui qui s'apitoie sur
la pauvreté de composition et l'imperfection de détails,
de la liberté du marché d'Ypres sera tout
étonné que M. Merimée voit dans la naïveté de
moyens et dans la simplicité de composition des
anciens, le trait dominant et leur grand mérite,
contrairement l'art moderne qui dans l'en
combrement recherche la vérité et qui trop
souvent n'y parvient que par un excès de détails.
Pour prendre un nouvel exemple de ce que
nous avançons, on n'a qu'à examiner les statues
qui ornent la façade de nos Halles, car ce que
nous disons de la peinture s'applique aussi la
Btatuaire. Il y a là des statues de différents au
teurs et tous n'ont pas travaillé dans le même
esprit. Il y a des statues gothiques, comme le
monument qu'elles décorent, d'autres le sont
moins et d'autres ne le sont pas du tout. Les
premières aux lignes simples, aux contours un
peu raides, sobres de détails, sont les meilleures
parce qu'elles répondent le mieux leur destina
tion.
Nous pourrions prolonger cette démonstration
indéfiniment, mais il faut finir. Il est cependant
un dernier point que nous ne saurions passer
sous silence, car il donne la note vraie de ce bon
Dokson, c'est quand il dit que ce que les artistes
ont pu admirer le plus dans les fresques des
Halles, c'est le côté mosaïque, que pour le reste
le peintre yprois a manqué absolument le but en
allant s'inspirer en Italie qu'il aurait pu aussi
bien choisir l'Égypte, la Chine et le Japon.
N'en déplaise toujours ce bon Dokson, mais il
faut bien le lui dire, ce qui manque le plus dans
les fresques Delbeke ou plutôt ce qui les diffé
rencie le plus des tableaux de Sienne c'est le
manque absolu de mosaïque. A Sienne la mosaï
que occupe une large place ici, ce genre de
décoration devient difficile, les éléments faisant
défaut c'est pourquoi l'artiste a dû entrer
dans une autre voie, mais ce qu'il a imité le plus
c'est la partie picturale, la simplicité de compo
sition, les teintes plates et ce que M. de Joncourt
appelle les gaucheries charmantes des primitifs,
toutes choses qu'on admire Sienne et que P.
Dokson ne comprend pas. Et que Dokson ne s'i
magine pas que les peintures de Sienne soient
essentiellement italiennes parce qu'elles sont en
Italie; de même que tout ce qui est en Espagne
qui appartient plutôt l'ecole de Bruges qu'i
ciel rutilant du midi. Nous ne sommes pas encore
aux Raphaël et aux Michel-Ange. Les écoles Es
pagnole et Portugaise étaient franchement et ex
clusivement flamandes et l'influence du nord se
faisait sentir dans tout le midi. C'est pourquoi
on peut s'inspirer Sienne pour notre pays et
laisser l'Egypte, la Chine et le Japon Monsieur
Dokson.
Les ennuis des campagnards
sous la loi de famine.
Si les consommateurs des villes sont grave
ment menacés par le projet de loi sur le bétail,
3ue la majorité cléricale se dispose leur offrir
ès ce mois comme cadeau d'étrennes, les cam
pagnards, dont les fermes sont situées dans le
rayon de la douane, vont être l'objet de tra
casseries policières dont ils ne diront pas mer
veille.
Ceux de notre arrondissement vont être tout
spécialement éprouvés.
11 est bon de leur donner, dès aujourd'hui,
une idée des délices qui les attendent.
Voici comment la Flandre libérale les décrit:
LE PROGRES
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25.
Insertions Judiciaires la ligne un franc.
Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89,
Marché aux Herbes.
Endéans les dix jours de la promulgation de la loi, tout
habitant, propriétaire, détenteur ou possesseur d'un bœuf,
d'un taureau, d'une vache, d'un veau, d'un cbeval, d'un
mouton, voire même d'un simple porc, devra se rendre
chez M. le receveur des contributions, douanes et accises
du bureau souvent fort éloigné dont la commune
fait partie. Il devra y faire la déclaration des animaux
qu'il entretient ou qu'il nourrit et désigner l'endroit de la
commune où il s'engage représenter, lorsque les agents