iV 58. Dimanche,
47e ANNÉE,
15 Mai 1887.
JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Revue politique.
La loi de famine.
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PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
AIRES iCQUIRIT EUNMO.
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Marché aux Herbes.
LA CRISE MINISTÉRIELLE.
Les journaux français de Mardi discutent gé
néralement et presque unanimement la question
de cabinet.
Il est clair pour tout le monde que les radi
caux veulent faire tomber le ministère sur la
question du budget.
On prétend même, ce propos, que dans les
couloirs du Palais Bourbon M. Clémenceau au
rait tenu un discours assez étrange.
Se sentant dans l'impossibilité de réunir une
majorité, au cas où il serait appelé constituer
un ministère, le directeur du journal la Justice
aurait manifesté l'intention de provoquer la no
mination du général Boulanger comme président
du Conseil dlîtat. Et, la chose faite, il essaye
rait de dominer la situation en provoquant une
diversion l'extérieur.
Je crois qu'on calomnie M. Clémenceau en lui
prêtant de pareilles visées et surtout de tels
propos.
Dans tous les cas, la Chambre, elle, ne soucie
rait, aucun prix, d'une diversion l'extérieur,
et n'accepterait jamais M. Boulanger comme
chef de cabinet.
L'avis des personnages politiques sérieux est
que l'on pourra éviter là crise ministérielle et
qu'on trouvera un terrain d'entente.
Le Temps, le Siècle et tous les journaux qui ont
quelque influence sur l'esprit public, estiment
que la première économie réaliser, c'est celle
d'une crise ministérielle.
Vous avez vu que, malgré l'insistance du géné
ral Boulanger, on a donné la question des
sucres la priorité sur la discussion de la loi mi
litaire.
En voici la raison vraie.
Quoique le projet de la nouvelle loi ne modifie
Sas dans ses fondements l'ancien état de choses
y apporterait cependant une perturbation
momentanée.
Or, l'on trouve inopportun de risquer une opé
ration de ce genre et de cette portée, au lende
main de la crise que l'on vient de traverser si
heureusement.
Dans une lettre adressée par M. Goblet la
Commission du budget, il regrette de ne pouvoir
pas augmenter le chiffre des réductions, mais le
gouvernement est prêt examiner toutes les
économies que proposerait la Commission. Le
gouvernement n'insiste pas sur le projet de re
constitution du capital, mais demande une
prompte discussion du projet de réforme de la
taxe mobilière, se réservant, en cas de rejet du
projet, de rechercher d'autres ressources.
La Commission du budget discute actuelle
ment si elle acceptera l'attitude du gouverne
ment, indiquée par la lettre de M. Goblet,
elle laissera la Chambre juge.
ou si
La Commission du budget a entendu M. Go
blet, qui a exprimé le désir d'arriver une en
tente avec la commission. Il a déclaré que le
gouvernement est prêt aller jusque 20 millions
d'économie, par la nouvelle réduction sur la
marine et les travaux publics. En outre, le gou-
s vernement reste la disposition de la commis
sion pour examiner la possibilité d'autres
économies. "v
Malgré ces dispositions conciliantes, la com
mission du budget, après des explications avec
M. Goblet, et un court débat, a adopté par 25
voix contre 5 un ordre du jour, considérant que
les économies proposées dans le projet de budget
sont insuffisantes.
M. Pelletan a été nommé rapporteur.
Voici le texte exact de l'ordre du jour voté
par la Commission du budget.
La Chambre, considérant que les économies
proposées au budget pour 1888 ne sont pas suf
fisantes, invite le gouvernement présenter de
nouvelles propositions.
Le vote de la Commission est considéré géné
ralement comme ouvrant la crise ministérielle.
L'ordre du jour, en effet, a été voté une ma
jorité beaucoup plus considérable que celle
laquelle on s'était attendu. Et ce qui rend la
position encore plus critique, c'est la nomina
tion, comme rapporteur, de M. Pelletan, le bras
droit de M. Clémenceau.
On parlait déjà dans leauouloirs d'une combi
naison Freycinet.
Ypres, le 14 Mai 1887.
il n'y a que quarante-huit heures que l'o
dieuse loi proposée par les députés de Nivelles
a été votée le Sénat n'en est pas encore saisi
et déjà nombre de bouchers ont augmenté
de 50 centimes par kilogramme le prix de la
viande.
Nous n'étonnerons personne en disant que
c'est sur la viande de seconde catégorie, sur
celle qu'achètent les gens du peuple qui man
gent quelquefois de la viande, que cette aggra
vation de prix s'est surtout portée.
On n'a pas attendu que la loi fût promulguée.
On sait qu'elle le sera, malgré l'opposition ma
nifestée par le chef du cabinet on sait que le
gouvernement a la main forcée par ce pouvoir
ténébreux qui dicte ses ordres de Rome et au
quel obéissent ceux que M. Alphonse Nothomb
appelait nos maîtres dans le premier affole
ment de son triomphe électoral.
Ce pouvoir occulte et ténébreux a pour exé
cuteurs de ses basses œuvres, en Belgique, un
certain nombre de propriétaires campagnards
qui les malheurs des temps ont rogné et réduit
les revenus. C'est pour relever les recettes et
grossir les loyers de ces agents ultramontains
que la loi de famine a été décidée, votée et sera
exécutée.
Les rares gens de la classe ouvrière qui man
gent de la viande devront la payer plus cher,
et, sans doute, seront forcés d'y renoncer. Ils
se rejetteront sur le pain, qui, naturellement,
nécessairement, se vendra également plus cher
mesure que la consommation en augmentera.
C'est la famine, la misère.
Et cela a été médité, délibéré, voulu, dans
l'intérêt de quelques-uns dont le Vatican tient
récompenser lé zèle, l'asservissement et le
fanatisme.
Cest pour ceux-là que le Vatican s'oppose
ce que la loi du recrutement soit modifiée en
Belgique.
Oui, honte 1 c'est le Vatican qui con
damne le fils de l'ouvrier porter seul la charge
du service militaire, et c'est lui qui fait voter
des droits odieux et impose au gouvernement
le pacte de famine que les Chambres cléricales
vont consacrer.
M. Beernaert a fait mine de combattre la loi.
11 ne pourrait même pas en empêcher sa pro
mulgation. Le Roi n'a-t-il pas, en allant, le mois
dernier, pour la première fois depuis son avè
nement au trône, assister au concours de bétail
gras l'abattoir de Bruxelles, consacré pour
ainsi dire par avance le vote de la loi Dumont
On lit dans le Journal de Liège
Malgré la défaite des libres-échangistes, il
ne faut cependant point s'abstenir de rétorquer
les erreurs de nos adversaires. En voici une.
M. CoJaert a déclaré que les terres ne se
louaient, dans les Flandres, qu'à des prix déri
soires, et il en a accusé le système libre-échan
giste.
Rien n'est plus faux et voici la vérité.
Autrefois fl. était admis comme axiome qu'un
fermier devait consacrer une certaine proportion
de terres des prairies un tiers, je crois. Il
produisait ainsi du bétail qui lui fournissait la
plus grande partie du fumier nécessaire pour les
terres, emblavées ou plantées de légumes, en
même temps que l'engraissage procurait des
bénéfices.
La concurrence des blés Américains ayant
fait baisser le prix des nôtres, il semble qu'on
aurait dû chercher le remède dans le perfection
nement des moyens de culture, ou dans le déve
loppement des cultures rémunératrices.
C'est le principe de nos industriels et c'est
ce qui permet nos provinces du Sud-Est de
traverser la crise.
Mais les industriels et les libéraux ne sont
que des imbéciles, cela est connu.
Voici comment on a procédé dans les Flan
dres.
n II faut savoir que les prairies sont très-riches
en principes fertilisants. On peut immédiate
ment les transformer en champs de blé et ceux-
ci se trouveront engraissés pour plusieurs an
nées.
Jamais les propriétaires ne l'avaient permis
parce qu'ils savaient très-bien que c'était man
ger le londs avec le revenu et qu'il faudrait plu
sieurs années de sacrifices pour reconstituer les
prairies.
Mais, lors des renouvellements des baux qui
eurent lieu il y a quelques dix ans, beanconp de
fermiers ne consentirent payer les prix anciens
qu'à la condition de supprimer les prairies et de
les emblaver. Cette substitution du blé aux her
bages leur épargnait des dépenses d'en^çrais et
LE PROGRES