\o 47. Jeudi,
47e ANNÉE
16 Juin 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Notre ministère dangereux.
Le discours du Roi.
Pauvre M. Thonissen.
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Ypres, le 15 Juin 1887.
Le ministère clérical finira par tomber sous
le mépris public. Il a peur et ne peut cacher
sa fraveur. La semaine dernière le peuple de
Bruxelles s'agitait un peu aussitôt nos gou
vernants s'imaginent que la révolution va s'al
lumer aux quatre coins du pays et ils donnent
l'armée l'ordre de se tenir prête au premier
appel.
Nos populations n'ont pas la moindre con
fiance dans le ministère.
Qu'on nous réponde franchement la ques
tion suivante
Pareilles alarmes se sont-elles déjà pro
duites sous le ministère libéral Jamais
Jamais, sous l'administration libérale, l'ar
mée n'a eu recevoir l'ordre de se préparer
faire le coup de feu contre les citoyens belges,
ses frères. C'est depuis que les cléricaux sont au
pouvoir, que le pays est soumis ce joli régime.
C'est depuis que ce ministère de la sagesse
et de la réparation est notre tète, que notre
petit pays est ainsi en proie aux émeutes et
aux dissensions de toutes sortes.
Comment en serait-il autrement Quelle
confiance le ministère catholique pourrait-il
inspirer nos populations laborieuses
Les travailleurs attendent encore toujours
l'exécution des promesses Beernaert d'il y a 3
ans ils ne voient rien venir, et reconnaissent
qu'ils ont été les jouets de mauvais farceurs. La
crise industrielle devient plus intense et rien
pour les soulager.
A leur nez, leur barbe, et comme pjorrr les
narguer, le ministère enrichit le clergé, jette de
l'or en pâture quiconque porte une soutane.
Le meilleur et plus clair des revenus de l'Etat,
va naturellement au prêtre.
Et pendant ce temps-là, les ouvriers conti
nuent étredans le dénuement le plus complet.
Pour être agréables aux grands propriétaires
et leur permettre d'augmenter le prix de leurs
loyers, les mêmes cléricaux frappent le pain, le
principal aliment de l'ouvrier, et son petit mor
ceau de viande du Dimanche.
Et vous voudriez qu'un semblable ministère
et qu'une majorité parlementaire ainsi compo
sée inspirassent confiance nos travailleurs. Ils
ne leur inspirent que mépris et que haine.
Aussi ne faut-il pas s'étonner si les colères s'al
lument et si les eraeutes éclatent.
Les cléricaux l'ont voulu et, seuls, ils en sont
responsables.
Le parti clérical devant la question militaire
en 1882 et en 1887.
En 1882, il y avait unanimité sur les bancs
de la Chambre, comme dans la presse, sauf
la Belgique militaire ne pas vouloir de for
tifications sur la Meuse.
M.de Moreau, aujourd'hui ministre, sommait
le gouvernement libéral de s'expliquer
catégoriquement et de déclarer que jamais il
ne serait question de fortifier.
Et la réponse obtenue, M. Malou, au nom de
toute la droite, en prenait acte en ces termes
Une de ces occasions se présente actuelle
ment, et les amis de M. Malou, ceux au nom
de qui il parlait en 1882, démontrent ou plutôt
essaient de démontrer tout lait le contraire
de leurs convictions de 1882.
Quelle est la raison de cette palinodie
M. de Moreau se tait.
M Beernaert parle beaucoup, mais n'en dit
rien.
Et M. Woeste, tout en prétendant rester
fidèle son programme de 1882, va en fait le
déchirer par égard pour le ministère.
Au fond, les circonstances et tous les élé
ments de la question sont absolument les mê
mes qu'en 1882, sauf qu'en 1887 les amis de M.
Malou sont revenus au pouvoir.
Et sans autre raison, ils déclarent aujourd'hui
que les coûteuses fortifications qu'ils considé
raient comme le comble de la folie, sont deve
nues le comble de la sagesse politique.
En conséquence, ils vont dépenser en tra
vaux militaires 100 millions dont le plus grand
nombre en pure perte pour montrer combien
ils étaient de bonne foi lorsqu ils adoptaient
pour devise électorale: pas un centime de plusl
En remettant leur étendard aux artilleurs de
la garde civique de Bruxelles, le Roi a prononcé
le discours suivant, qui emprunte la situation
actuelle du pays et aux questions qui s'agitent
en ce moment au sein de la Chambre une im
portance sur laquelle il serait inutile d'insister:
L'occasion était bonne, pour le chef de l'Etat,
de faire entendre ces paroles austères et de
rappeler aux gouvernants que, dans les circon
stances exceptionnelles, il faut des résolutions
viriles, car si des chefs de parti peuvent se
contenter de vivre,» une nation doit tout
faire pour conserver sa vie, en défendant vail
lamment. non seulement son territoire contre
l'étranger, mais encore en s'occupant de sous
traire l'ennemi intérieur, la misère, les classes
ouvrières qu'elle décime.
Les paroles du Roi visent ce double but.
Seront-elles écoutées
Si travers la transparence de ces paroles, le
ministère ne voit pas un blâme sévère l'en
droit des groupes d'individus qui ont perdu
l'instinct de la conservation du pays, c'est que
lïntérèt électoral l'emporte chez lui sur l'amour
de la patrie. Mais derrière les élus qui veulent
le rester il y a le gros de l'armée des électeurs
qui, s'ils étaient franchement et ouvertement
consultés, montreraient qu'ils ne sont pas de
ceux que la molesse immobilisent.
Il a pris la parole. Vendredi, dans la discus
sion des crédits militaires, Je pauvre M. Tho
nissen, mais sans grand succès. Il n'est parvenu
3u'à exciter l'hilarité de la Chambre ou plutôt
e ses amis, car c'est la droite qui, sans respect
pour la crinière blanche de l'infortuné minis
tre, l'a houspillé de jolie façon.
On l'a obligé tout d'abord changer de
place on ne l'entendait pas, et, de bonne
grâce, il est allé occuper, gauche, le siège de
M. Pirmez.
Ça n'a pas calmé l'attitude folichonne de ses
amis, aui ont continué causer et rire de
plus belle.
M. Thonissen a terminé son discours au mi
lieu d'un véritable vacarme aussi n'a-t-il pu
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Je remercie le gouvernement d'avoir déclaré qu'il ne
veut pas nommer de Commission et qu'il ne songe pas
fortifier la Meuse. S'il fallait justifier plus amplement
cette résolution du gouvernement. Userait aisé de le faire,
mais il se représentera des occasions plus opportunes de
démontrer que les fortifications de la Meuse qui seraient
très-coûteuses, ne sont pas nécessaires la défense na
tionale.
Je remercie M. Guillery des paroles aimables qu'il m'a
adressées; j'y suis fort sensible. Gomme il vient, Messieurs,
de le rappeler, l'occasion de votre cinquantenaire, les an
ciens membres du corps vous ont donné un drapeau. Ce
drapeau, ils m'ont, d'accord avec vous, demandé de vous
le remeltre officiellement.
J'applaudis, Messieurs, l'esprit de confraternité qui
existe entre vous tous, membres anciens et actuels du
corps d'artillerie de la garde civique. J'applaudis au désir
des artilleurs de voir flottera leur tête le drapeau national,
et, en accédant leur patriotique aspiration, je suis heu
reux de rendre hommage leur belle tenue, l'esprit qui
les anime, leur zèle pour l'ordre qui est la base de toute
prospérité, de toute liberté et de toute indépendance.
Je sais que les sentiments de l'artillerie sont ceux de
la garde civique entière. Avec vous je comprends que les
citoyens se doivent activement la patrie. C'est là une
exigence des situations modernes.
Vos armes ont dû être modifiées. C'était aussi une né
cessité voulue par les circonstances. Lorsqu'un pays voit
autour de lui l'armement se transformer, il est contraint
sous peine de créer lui-même et contre lui-même une dé
sastreuse inégalité, d'adopter les armes perfectionnées,
quels que soient peut-être ses regrets de ne pouvoir con
sacrer d'autres usages les sommes que coûte le nouveau
système.
Ce qui s'impose pour les armes, s'impose pour l'orga
nisation; elle aussi doit être moderne et conforme aux
exigences diverses de l'époque. Le particulier qui se sent
dans une position difficile fait, pour en sortir, non seule
ment les efforts qui ne le fatiguent pas, mais tous les ef
forts dont il est capable, s'il ne le fait pas, si sa mollesse
l'emporte sur l'instinct de la conservation, il est perdu.
Les nations sont des groupes de citoyens: ce qui est utile
pour chacun d'eux en particulier, l'est pour l'ensemble;
et cela est également vrai, qu'il s'agisse de la défense du
pays, du développement de ses ressources industrielles et
commerciales ou du bien-être des différentes classes de la
société sans distinction, tous intérêts auxquels dès le pre
mier jour de mon règne, j'ai voué une profonde sollicitude.
Comme vous me présentez les armes, Messieurs, je ne
veux pas parler longtemps. Permettez-moi seulement en
core de vous féliciter de l'entrain avec lequel chaque fois
qu'on vous convoque, vous vous rendez aux postes on vous
appelle le devoir, et de vous dire avec quelle véritable sa
tisfaction je verrai vos réunions se former désormais sons
le drapeau du pays. Je vous le remets, convaincu que cette
fière bannière sera toujours dignement gardée par les ar
tilleurs de la garde civique de Bruxelles.