47e ANNÉE.
29 Décembre 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Nos enfants l'école.
La dotation
des fabriques d'églises.
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CHËMI* DE FER.
Ypres, le 28 Décembre 1887.
Je vous le demande en conscience: qui de
vons-nous confier nos enfants
A des instituteurs laïques qui ont des enfants
eux-mêmes ou qui sont appelés en avoir un
jour? A ces hommes qui connaissent les devoirs
de la paternité et qui recherchent la vie de fa
mille
Ou bien
A des prêtres qui se sont voués au célibat, qui
ne peuvent pas avoir d'enfants, qui se sont sous
traits volontairement aux charges comme aux
joies du père de famille
Pouvez-vous hésiter un seul instant Non,
n'est-ce pas, car vous qui aimez votre enfant
filus que vous-même vous voulez qu'il soit
'objet de soins intelligents et d'une tendresse
clairvoyante. Vous voulez, s'il quitte la maison
paternelle pour se rendre l'école, que sa jeune
âme ne soit pas troublée par de secrètes an
goisses.
Vous voulez que ce petit être que vous chéris
sez, n'ait pas plus peur du maître que du travail.
Et cependant si le maître est un ecclésiastique,
l'enfant, au seul aspect de la robe noire, sera
saisi d'une vague inquiétude. Cet homme noir
est le même qu'il voit l'église se livrant des
pratiques mystérieuses, le même qu'il voit as
sister toutes les cérémonies funèbres, le même
que le juge redoutable qui lui apparaît dans le
silence du confessionnal.
Mis en présence du prêtre, l'enfant est ému et
troublé.
L'instituteur laïque, qui est un homme comme
les autres, lui rappelle son père, le met l'aise,
lui inspire confiance.
Or, il faut que l'enfant respecte et aime son
maître; il ne laut pas qu'il le craigne.
Mais d'autres considérations, plus décisives
encore, doivent nous engager n'envoyer nos
enfants qu'à l'école laïque.
L'école religieuse est une dépendance de l'é
glise. L'enseignement du catéchisme y a le pas
sur les études littéraires et scientifiques. Les
cours de religion absorbent la plus grande partie
du temps, épuisent l'attention et la mémoire de
l'élève l'instruction proprement dite n'est que
le prétexte ou l'accessoire.
Eh bien, si vous voulez que votre enfant ap
prenne le catéchisme, conduisez-le l'église.
C'est là et là seulement la place de l'enseigne
ment religieux.
Le prêtre est maître dans son église; il y en
seigne la religion quand et comme bon lui
semble. C'est son droit, comme le droit du pèire
de famille est de lui amener ou de ne pas lui
amener son enfant.
Mais si vous voulez que votre fils ou votre fille
s'instruise réellement, apprenne ce qu'il faut
savoir pour gagner honnêtement son pain, pour
faire bonne figure dans la société, si vous voulez
ne pas avoir rougir de son ignorance, confiez-le
aux instituteurs laïques.
Le prêtre l'église, l'instituteur l'école,voilà
le vrai système.
Mais le clergé ne l'entend pas ainsi il veut
être le maître l'école comme il l'est l'église.
Son but est de façonner son gré les jeunes gé
nérations et, pour préparer sa domination, d'as
surer leur asservissement.
Aussi, voyez-le l'œuvre. Partout où il est le
plus fort, il supprime les écoles communales
pour faire le succès des établissements religieux;
il ferme les écoles laïques pour forcer la j eunesse
entrer en masse dans les écoles qu'il dirige.
S'ilTosait, il ferait disparaître d'un trait de
plume l'enseignement public tout entier.
Le jour où il aura entre les mains l'enseigne
ment populaire tout entier, le pays, pieds et
poings liés, ne sera plus que l'instrument des jé
suites et se portera lui-même le coup de mort.
Dans la discussion du projet de loi modifiant
notre organisation communale, l'honorable
bourgmestre de Bruxelles a présenté et énergi-
quement défendu un amendement, dédaigneu
sement repoussé par notre Chambre réaction
naire et cléricale, mais appelé faire quelque
jour sa trouée dans notre droit public.
Nos lecteurs savent que certain décret du
premier empire impose aux communes la
double obligation de fournir une indemnité de
logement aux curés catholiques et de subvenir
en cas d'insuffisance des ressources fabricien-
nes, au paiement des frais du culte.
Le moment semblait choisi pour biffer de
notre législation ces dispositions surannées,
legs d'une époque où l'église et l'Etat se faisaient
de mutuels sacrifices et où l'empereur Napoléon
cherchait récompenser, par des avantages
pécuniaires, l'appui prété par le clergé Romain
son envahissante tyrannie.
Puisque, d'après les déclarations des Jacobs
et des Woeste, il s'agissait d'augmenter l'auto
nomie et la libre action des communes, de les
soustraire davantage au contrôle du pouvoir
central et de leur assurer, en toutes matières,
une plus large indépendance et une apprécia
tion plus entière des intérêts communaux, ne
convenait-il pas de convertir en une simple
faculté cette obligation de secourir les fabriques
et de loger les prêtres
Pourquoi ne pas restituer aux communes, sur
ce point aussi, leur liberté
Ainsi parlaient la logique et le bon sens, et
M. Buis s'en inspirait. Il avait oublié, malheu
reusement, que la logique et le bon sens per
dent leurs droits quand on cherche les oppo
ser aux privilèges de l'église et aux vieux abus
dont vit le clergé.
Sur ce terrain, il n'y a plus de liberté com
munale qui tienne, et les grands principes
dautonomie et de décentralisation disparais
sent. Les communes pourront ruiner l'enseigne
ment public, fermer leurs écoles, prodiguer
leurs ressources aux petits-frères et aux petites-
sœurs mais quant refuser au clergé les
subsides décrétés par le premier empire, il ne
faut pas leur en laisser le droit. Devant l'intérêt
de la boutique cléricale, le pouvoir communal
doit se taire et abdiquer.
L'heure viendra, n'en doutons pas, où les
principes méconnus reprendront leur légitime
empire, et où on se demandera avec étonne-
ment comment le-vieux décret de 1809 a pu sur
vivre la scandaleuse application qu'il a reçue
et aux injustices qu'il a abritées.
On comprend jusqu'à un certain point que
dans un pays où l'église est pauvre et ses mi
nistres dans le besoin, les pouvoirs publics
songent lui venir en aide et protéger l'égal
d'autres associations utiles, son libre fonction
nement.
Mais cela suppose deux conditions la pre
mière, c'est que l'église fasse vraiment œuvre
civilisatrice, la seconde, c'est qu'elle soit dé
nuée de ressources.
Peut-on dire que telle soit, en Belgique, la
situation de l'église Romaine
Ne parlons pour le moment que de sa situa
tion financière. Les richesses de l'église sont
immenses et inépuisables, elles s'alimentent et
s'accroissent sans cesse les legs pieux, les fon
dations de messes, les donations déguisées, les
aumônes extorquées la crédulité du pauvre
peuple en grossissent tous les jours la fastueuse
accumulation.
La caisse diocésaine de Tournai, au jour de
l'avenement de l'évêque Du Rousseau, était
riche de cinq millions. La caisse de Malines,
où vont se déverser les prodigieuses recettes
encaissées Monlaigu, Hal, Dieghem, doit
être plus riche encore.
Et quand, dans quelque coin du pays, un
temple doit être rebâti quand, dans quelque
pauvre village, un prêtre ne trouve pas dans
son casuel de quoi subvenir ses besoins, c'est
la commune laïque, pauvre aussi le plus sou
vent, qui devrait intervenir et imposer ses
contribuables pour défrayer le culte Et le
trésor épiscopal demeurerait indemne de toute
contribution Quelle singulière justice
Ne serait-il pas juste, au contraire, que les
ressources de l'église soient affectées aux be
soins de l'église, et que les richesses accumulées
par lépiscopat, au lieu dalimenter tant d'oeu
vres malsaines et de dangereuses main-mortes
aillent donner satisfaction, sur tous les points
du pays, aux intérêts que l'épiscopat a le devoir
de sauvegarder.
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