N° 36. Jeudi,
48e ANNÉE.
3 Mai 1888
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Revue politique.
Intérieur.
Gouverner.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Heures de départ d'Ypres pour
Poperinghe, 6-50 9-09 10-00 - 12-07 83-00
Le président de la République française a
prononcé Samedi, au banquet qui lui était offert
par la municipalité de Bordeaux, le discours
que l'on avait annoncé ce discours a le grand
mérite d'être court, simple et clair, et le mérite
plus grand encore d'être raisonnable, ce qui
n'est pas commun en ce moment au beau pays
de France. Après avoir parlé dans son exorde de
questions qui intéressent exclusivement la po
pulation bordelaise, M. Carnot s'est exprimé
comme suit sur la politique générale du pays
Les manifestations sympathiques qui ont
salué le magistrat républicain auquel est confiée
la garde des institutions du pays, ont une signi
fication que vous venez de définir vous-mêmes.
Je suis ici dans la terre classique de la
liberté, et le cœur de la population girondine
proteste contre tout ce qui pourrait servir les in
térêts ou encourager les espérances des ennemis
de la République.
Les acclamations touchantes qui ont, hier et
aujourd'hui,marqué notre passage, s'adressaient
non pas un homme, si dévoué qu'il soit son
pays, elles visaient le gardien fidèle et résolu
des libertés publiques. Elles visaient en même
temps le gouvernement dont la grande fermeté
saura imposer tous le respect absolu de nos
institutions.
A l'heure où nous sommes, ceux-là seraient
bien coupables qui voudraient agiter un brandon
de discorde, troubler le labeur de nos popula
tions agricoles et industrielles, si éprouvées et si
courageuses, compromettre les fêtes de l'Expo
sition et du glorieux centenaire de 1789, et sur
tout affaiblir la France, alors qu'elle devrait
être calme et digne pour imposer la sympathie
et le respect.
C'est par l'union que nous élèverons nos for
ces au niveau de nos besoins c'est par l'union
que nous assurerons aux populations laborieuses
les progrès qu'elles attendent. C'est l'union dont
nous devons donner le spectacle notre brave
armée nationale, qui est tout entière ses pa
triotiques devoirs. C'est l'union que je vous
convie dans cette grande cité républicaine, si
patriotique, où mon appel ne peut qu'être
entendu.
L'étoile du général Boulanger commence
pâlir. Deux élections législatives ont eu lieu
Dimanche en France dans l'Isère et dans la
Haute-Savoie. 11 n'a obtenu que 1600 voix dans
le premier département et 800 dans le second.
C'est un candidat républicain qui l'a emporté
dans la Haute-Savoie dans l'Isère, il y aura
ballottage entre un républicain et un radical.
M. Déroulède et ses amis ont été assignés
comparaître devant le tribunal de simple police,
sous la prévention de bruit et de tapage noc
turne au sortir du banquet boulangiste qui a eu
lieu Vendredi au Café Riche Paris.
lue nouvelle victime de l.i loi de malheur.
Jeudi dernier, on a enterré Anvers une
nouvelle victime de la loi scolaire de 1884.
La section d'Hoogboom, commune d'Eeche-
ren, résidence du très noble et très puissant
baron Osyavait pour instituteur e sieur
Antoine Steyaert. Dès l'arrivée des o éricaux
au pouvoir, une campagne ardente fut entre
prise contre l'école de M. Steyaert, qui avait
de 30 40 élèves.
L'instituteur comptait 22 ans de service il
était père de 8 enfants,dont l'aîné avait 14 ans
le plus jeune était encore au berceau.
Le sieur Steyaert fut mis en disponibilité
avec un traitement d'attente de 1,600 francs.
Il réussit trouver une occupation des plus
modestes chez un négociant, mais il fut aussitôt
dénoncé au ministère par des cléricaux sauva
ges, et, du jour au lendemain, son traitement
datlente fut réduit mille francs.
C'était, pour le malheureux et sa famille, qui
se composait de dix personnes, la misère.
Cette nouvelle persécution fut pour Steyaert
le coup de grâce. Dans son délire, il croyait
toujours enseigner dans sa vieille école d'Hoog
boom, où, pendant vingt ans, il avait été insti
tuteur en chef,
A l'heure même où on le portait en terre,
M. Beernaert déclarait au Sénat que la loi de
1884 avait été faite pour rétablir la paix scolaire
dans le pays. Cette paix-là ne sera assurée que
lorsque la dernière victime aura rendu le der
nier soupir.
Nous avons eu cette semaine, la Chambre et
au Sénat, des séances qui nous ont édifiés sur ce
qu'on appelle le gouvernement du pays.
Au Sénat, c'est M. Beernaert et M. Graux qui
se sont battus au fleuret moucheté.
M. Graux a démontré que la gestion financière
des cléricaux était surtout finassière, pleine
d'embûches et d'attrape-niais, touffue au point
que le plus malin perdrait les yeux vouloir y
voir clair qu'en tout cas, les dégrèvements clé
ricaux étaient de pures fantasmagories, et que le
pays ne payait pas un centime de moins depuis
qu'il est administré par les fondés de pouvoir
des prêtres.
M. Beernaert a répondu par quelques coups
où il y avait de la mollesse et de la mauvaise
humeur, et a naturellement conclu en faisant sa
propre apologie.
La gauche et la droite ont applaudi au mo
ment où chacun des deux orateurs a terminé son
discours le chœur antique, toujours...
De ce duel oratoire, il résulte ceci c'est que
notre budget oscille entre 310 et 311 millions, et
que nous continuerons payer cette même jolie
somme dans les temps futurs. Cela fait un peu
plus de cinquante francs par tête d'habitant.
On paye beaucoup plus dans les autres pays,
sauf en Suisse, où l'on paye beaucoup moins.
Pourquoi diable notre gouvernement ne fait-il
pas de sincères efforts pour que nous ne soyons
gis plus mal traités que les descendants de
uillaume Tell
Qu'est-ce que cela nous fait qu'on dégrève
d'un côté, si on grève de l'autre Le résultat
n'est-il pas toujours que le porte-monnaie doit
rester ouvert, pour que la main du fisc y puisse
puiser l'aise
Ce qu'il faudrait avant tout, c'est qu'on établît
des impositions équitables, frappant surtout les
citoyens qui ont du superflu et qu'on dépensât
avec sagesse les ressources ainsi trouvées, afin
que les imposés pussent se dire Voilà un
gouvernement qui a au moins le sens commun.
A la Chambre, c'a été une autre chanson.
M. Buis a interpellé le ministre de la guerre
propos de l'adjudication des forts de la Meuse.
Au cours de cette interpellation, M. Scou-
manne, député pour Soignies, a versé sur la tête
du ministre de la guerre une avalanche de chif
fres qui semblent avoir fortement défrisé le che
veu de l'honorable général.
Les forts de la Meuse devaient d'abord coûter
20 millions, approximativement.
Dernièrement, cette somme était devenue 54
millions. Les premiers calculs, sans doute,
avaient été faits par un danseur.
Or, voici M. Scoumanne qui vient, avec des
arguments fort sérieux en apparence, puisqu'ils
reposent sur le prix des matériaux employer,
affirmer que les 21 forts coûteront approximati
vement 160 millions
On nous assure que le petit discours de M.
Scoumanne a produit la Chambre une assez
grosse émotion.
On nous a même dit qu'après la séance, M. le
général Pontus avait cru devoir demander M.
Scoumanne des explications complémentaires,
et que plusieurs de nos législateurs, M. Frère-
Orban entre autres, avaient été appelés assister
cette conférence intime.
L'émotion du ministre de la guerre nous pa
raît significative. J1 ne sait absolument pas dans
quelle entreprise il s'engage et l'énormité de la
différence de la somme qu'il croyait devoir
dépenser et celle qu'il dépensera réellement lui
a donné une de ces commotions qui font plus de
mal au moral qu'un coup de marteau sur le crâne
au physique.
Eh bien, voilà ce que c'est que gouverner
On promet solennellement de diminuer les
impôts on n'en fait rien.
- On agite le pays en lui faisant croire qu'il va
être gloutonnement dévoré par les géants voisins,
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Ypres, le 2 Mai 1888.
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