JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
N° 83. Dimanche,
48e ANNÉE
14 Octobre 1888.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES ACQOIRIT EUNDO.
Y serons-nous, y parviendrons-nous Voilà
le hic du moment.
C'est la question que nous nous posions en
lisant les journaux de la capitale, donnant le
compte-rendu de la réunion de l'Association
libérale au sujet de la future élection partielle,
qui doit avoir lieu le 22 de ce mois pour pour
voir au remplacement de M. Systermans,
décédé.
Une première bonne note est donner, c'est
que dans la réunion préparatoire, l'abstention
a été recommandée par celui qui peut être con
sidéré comme le dirigeant de l'Association
libérale. Nous le savons la question n'est pas
résolue d'une manière définitive, les caporaux
veulent la lutte, mais nonobstant celte indéci
sion, nous pouvons espérer que la saine raison
reviendra cette masse d'égarés, qui ont com
battu si souvent pour les vrais principes libé
raux.
A notre avis la situation irrégulière de la
capitale ne tientqu'à un fil,M. Janson endispose
d'une manière complète, nous pouvons dire
que ce fil c'est M. Janson lui-môme.
C'est lui en effet, c'est autour de son nom,
c'est par la popularité, l'ascendant qu'il s'est
acquis en raison de son talent oratoire, que M.
Janson est parvenu se créer des adeptes qui
sontdevenus plus intransigeants que lui-même.
En cela ils ressemblent tous les néophytes
Plus Pape, que le Pape même.
Que M. Janson, qui devait être un boulet
dans le ventre des cléricaux et qui en définitive
n'a provoqué que la destruction momentanée
de la majorité libérale au sein de la représen
tation nationale, disparaisse et l'Association
aura vécu.
Les fautes de ce tribun, prenant leur source
dans un amour-propre supposé méconnu,
ont fait reculer nos principes pour bien
des années. Elles ont favorisé, sinon provoqué,
larrivée au pouvoir du cléricalisme avec une
majorité dont nos annales parlementaires n'of
frent pas d'exemple.
Cette majorité, n'était-ce qu'elle a conscience
de son impopularité, serait capable de provo
quer des ruines. Heureusement l'opinion publi
que la retient. Le voxpopuli démontre souvent
celte situation. Récemment encore, quand il
s'est agi de convoquer un Congrès ou assemblée
de catholiques Louvam pour protester contre
les envahissements des états du Pape, contre
l'unité italienne, il a été décide, sinon d'aban
donner, du moins de remettre indéfiniment
cette protestation.
Lorsque les radicaux intransigeants sem
blaient pencher pour l'abstention, immédiate
ment les journaux indépendants, conservateurs,
cléricaux ne formaient qu'un pour émettre
l'opinion, qu'en présence d'une seule vacature,
il n'y avait aucune importance de lutter. Ces
revenants d'outre tombe ne sont forts que lors
qu'il s'agit de pêcher en eau trouble.
Les joueurs de fifre, de cornet et de grosse
caisse s'entendent comme larrons en foire, dès
qu'ils supposent que leur action commune, peu
importe les moyens employer cette fin, est
assez forte pour dévaliser l'opinion libérale.
Tout cet ensemble d'opposition nos principes
vient de la même source. Les combattants, dif
féremment armés, ji'ont qu'un but, la destruc
tion du progrès moderne.
Dans notre naïveté, par l'essence même de
nos principes d'independance et de libre appré
ciation des hommes et des choses, quelques
amis se laissent faire, morde cet hameçon
trompeur, qui donne comme triomphe final
le règne du cléricalisme.
C'est là notre faiblesse.
Ah, si M. Janson pouvait comprendre la
grande responsabilité qu'il assume devant
I histoire libérale, certes,si ses opinions sont
sincères et nous permettons de le croire ainsi,
il n'oserait agir comme il le fait.
Nous n'entrerons pas dans les raisons pour
lesquelles M. Janson a recommandé l'absten
tion, il suffit qu'il ait pris cette attitude pour
pouvoir en attendre des conséquences. Un bon
mouvement de sa part et la capitale changerait
immédiatement de face.
Une excellente occasion se présente aujour
d'hui lui, non pas pour refuser son concours
une nouvelle candidature hybride, mais
pour fustiger de main de maître ce danseur de
corde, qui s'appelle Edmond Picard, et qui a
la prétention de se tenir en équilibrisle sur la
corde raide en étendant les bras vers le cléri
calisme et le radicalisme, les jambes vers les
socialistesetles camélions politiques comme lui.
Celte nouvelle candidature, c'est le comble
de la comédie. Espérons que le bon sens bruxel
lois en fera bonne justice et que cette fois on
pourra laisser tomber pour toujours le rideau
sous le bruit strident des sifflets. X.
Nous sommes la veille du spectacle le plus
décousu auquel il nous ait été donner d'assis
ter. Bruxelles devient décidément la tour de
Babel et bien fin qui s'y retrouve. 11 semblerait
que toutes les notions d'honnêteté et de mora
lité soient bouleversées et que le grotesque est
le Dieu devant lequel il faille désormais s'in
cliner.
Pour commencer on a M. Janson qui prêche
l'abstention, M. Janson qui hier encore n'ad
mettait l'abstention sous aucun prétexte, M.
Janson qui ne voyait le salut que dans la lutte,
dans la lutte outrance, dans la lutte sans con
dition, dans la lutte jusqu'à la mort; c'était
dans la lutte qu'on se retrempe, qu'on se rajeu
nit, qu'on se fortifie, enfin dans la lutte que
dans la lutte quiDe même M. Demeur
veut se renfermer sous sa lente, M. Demeur, cet
autre fougueux partisan de la lutte qu'on ne
déserte pas sans trahir son parti....Il Et avec
MM. Janson et Demeur, il y a toute une queue
qui, sous prétexte de se réserver pour des cir
constances plus importantes, voudrait se reco-
quillerdans un mystérieux repos. L'éternelle
histoire des raisins qui sont trop verts.
A côté de ces intransigeants radoucis, il y a
M. Féron, le sauveur du libéralisme belge et
derrière lui tous les Gilisquet, les Lambiotte et
ces épileptiques qui, comme M. Cools, mettent
le Pape au-dessus d'un doctrinaire. Ah! pour
eux la doctrine de la lutte outrance est encore
debout. Il y a bien M. Féron qui semble en être
plutôt le prisonnier que le guide, mais au moins
il tâche de sauver les apparences et s'il n'y a
pas de candidat, sa modestie lui dictant de
s'effacer devant un plus digne, il s'immolera sur
l'autel du radicalisme. Pur entre les purs, il sait
ce que son devoir lui commande, et il n'y fail
lira pas.
Mais, surprise, quel est ce craquement ef
froyable? Des fulgurations sillonnent l'air, le ciel
s'entrouvre, un bolide tombe avec fracas sur
la scène, c'est M. Picard I M. Picard, l'homme
au tour de main, resplendissant des constella
tions du Maroc, lui et pas d'autres!! C'est le
chaos, c'est le tourbillon, le diable n'y voit plus!
Débrouillez-moi cela I
L Association tient-elle M. Féron ou s'ac-
crochera-t-elle au vieux socialiste radico-
républicano-Beernaertiste
Prendre parti pour Picard et sacrifier Feron,
c'est oublier les avanies qu'elle a subies de la
part du premier et humilier le chef fidèle et dé
voué; cest du même coup se décapiter et pro
noncer sa propre déchéance.
Et que chante-t-il donc ce barde de la politi
que sautillante 11 allait faire justice du cléri
calisme en un tour de main le cléricalisme, il
le traitait comme Bosco une muscade la
muscade, il ne l'a pas su faire passer et ce n'est
que trop tard qu'il a vu que la muscade était le
plus gros des pitorons, et maintenant qu'il voit
le colosse de près, son envergure l'effraie et,
cascadant une fois de plus vers la droite, il
affecte pour le monstre qu'il n'a jamais compris
une dédaigneuse indifférence. Foin de nous,
s'écrie-t-il, la vieille querelle clèrico-libérale
Il y a mieux que cela, il y a la grrrrrande ques
tion sociale I! Blague et légèreté Il faut donc
que l'Association libérale, pour porter ses voix
sui-j ce politicien insaisissable admette qu'il est
indifférent que les évêques dictent la loi, qu'ils
continuent être nos maîtres par l'intermé
diaire d'un Picard quelconque et que toutes nos
libertés modernes soient remisées au Musée de
la porte de Hal au milieu de la vieille ferraille
du moyen-âge.
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Courtrai-Gand, 5-30 8-20 11-16 2-41 5-20.
Ypres, le 13 Octobre 1888.