JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
l\° 95. Dimanche,
48e AVIVÉE.
18 Novembre 1888.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Heures de départ d'Ypres pour
Poperinghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
Ypres, le 17 Novembre 1888.
Nous ne sommes pas d'accord avec un grand
organe de lopinion publique, Etoile belge,
au sujet de la dénomination qu'il donne aux
actes de M. Woeste, qu'il qualifie de politique
nouvelle.
A notre avis les agissements de M. Woeste
représentent fideleraent la politique ancienne.
Nous prétendons que les revendications du
cléricalisme, dans la personne de M. Woeste,
ne représentent autre chose que la politique
ancienne. En effet, ce sont les anciennes exi
gences du prêtre politique, qui se font de plus
en plus jour au fur et mesure qu'elles ren
contrent de moins en moins de résistance de la
f»art des idées modernes, représentées par le
tbéralisme, dont le but est simplement d obte
nir le bien être, le progrès de la société civile.
La politique nouvelle est celle, que nous
avons constamment pratiquée dans l'intérêt du
peuple.
Pour qu'on ne s'y méprenne pas au sujet
d'idées dissolvantes de socialisme, qu'on pour
rait nous attribuer, nous dirons que nos vues
tendent uniquement améliorer l'individu,
qu'il appartienne au haut ou au bas de l'échelle
sociale, l'unique fin d'arriver la prospérité
nationale, synonyme de prospérité du com
merce, de l'industrie et de l'agriculture. C'est
par l'esprit moderne seul que l'on peut rêver,
espérer la perfection de la société civile et tout
ce qui y est relatif.
Si nous sommes dans l'erreur, que nos ad
versaires citent un pays prospère dans toutes
les branches de l'activité humaine, où règne
le cagotisme en maître souverain. Ce pays
n'existe pas et la Belgique court sa perte en
se livrant pieds et poings liés au cléricalisme.
La politique de M. Woeste, ce sont les abus
d'un autre âge, qu'il veut ressusciter en subor
donnant toute action laïque, c'est-à-dire gou
vernementale, provinciale et communale,
l'acquiescement du clergé. Ce converti protes
tant veut que rien ne se fasse sans l'interven
tion directe ou indirecte des évêques. Ainsi que
cela existait au moyen âge. ainsi cela existe
encore dans les pays de race latine, qui n'ont
pas encore eu la force de briser les chaînes qui
les clouent leur passé, chaînes qui les main
tiennent dans un état de pauvreté et qui par
leur infériorité en tout les font distinguer des
autres nations.
Cette ancienne, mais pas nouvelle politique
de M. Woeste, nous ramènera dans les mêmes
misères. On veut notre bonheur complet au
moyen des principes d'un dogme, spécifiés dans
le syllabus. Ce sont là des utopies. Que les
principes de l'Eglise visent le bonheur, la béa
titude de l'avenir, nous n'y avons absolument
rien redire, mais qu'on prétende qu'ils doi
vent améliorer notre état social, apporter la
prospérité dans les diverses branches de l'acti
vité humaineautant d'erreurs que de mots.
S'il en était autrement la messe du S' Esprit en
l'Eglise collégiale deSS. Michel et Gudule de
vrait donner nos législateurs les lumières
suffisantes pour préparer et nous donner l'idéal
de la vie terrestre. Y a-t-il la moindre ombre
nous le donner depuis que le S' Esprit est
annuellement invoqué pour guider et diriger
nos gouvernants Tout au contraire, nous nous
en éloignons de plus en plus.
Les choses mondaines aux civils, la religion
aux prêtres. Pas d immixtion. C'est la raison
d'être de l'idéal de la vie.
Les preuves abondent.
Nous avons la loi scolaire de 1884, qui a fait
abdiquer le pouvoir civil entre les mains du
prêtre. Les finances communales ont été mises
la disposition du clergé pour faire fleurir l'en
seignement des ignorantins et faire disparaître
l'enseignement laïque, indépendant, commu
nal.
Ces quatre années d'expérience, que nous
ont-elles données La ruine des communes et
une génération de crétins I
Le prêtre est convaincu de cette malheu
reuse situation. Il connaît sa force et son em
pire, c'est pourquoi par son organe fidèle, M.
Woeste, il exige une reforme électorale pour
nous faire oublier toute velléité de revenir au
pouvoir.
Après la suprématie des ruraux sur les ur
bains, on nous donnera la censure pour sup
primer nos écrits d'une manière légale, comme
on les supprime présentement dans les petits
centres et les campagnes au moyen des foudres
de l'Eglise.
Q'uon ne rie pas, l'outrecuidance du prêtre
est poussée si loin, qu un citoyen, lisant un
journal indépendant, qui ne s'occupe rien que
de politique, est avisé dans la chaire de vérité;
dans le confessionnal, on emploie l'intermé
diaire de la femme, des enfants, de la famille,
qu'il a cesser pareil abonnement. Gare au
résistant. Celui-là est excommunié. Il est pour
chassé dans ses intérêts, dans ses moyens
d'existence.
Eh bien, pareil régime, pareille domination
cléricale, ne veut-on pas le faire passer pour
l'idéal de la vie ici bas et l'espoir de l'avenir
Nous ne pouvons qualifier pareils abus de
politique nouvelle. C'est la politique ancienne.
C'est le retour des abus du moyen âge. C'est le
servilisme, l'esclavage dans toute l'expression
du terme, qui nous revient et pour l'abolition
duquel nos pères, plus virils que nous, ont
versé leur sang. Ah, s'ils pouvaient revenir ils
n'hésiteraient pas un instant de chasser tous
ces marchands du temple. X.
■a->
Encore l'atelier d'apprentissage.
L'atelier d'apprentissage est fermé et le Jour
nal d'Ypres n'en revient pas. Cette œuvre de
destruction le pieux Journal l'attribue tout en
tière aux menées ténébreuses de M. Vanheule
qui est un tyran côté duquel les tyrans de
Syracuse n'étaient que des loques. C est ce
Cannibale, que les enfants qui tiennent leur
peau fuient comme un fauve, qu'il faut attribuer
cet acte de vandalisme.
Ah si M. Carton, c'est le Journal d'Ypres qui
imprime ces mots, avec onction, était encore de
ce monde, lui si dévoué corps et âme cet ate-
lier dont il appréciait toute l'utilité et dont il
portât
Que M. Carton ait fait tout ce qu'il a pu pour
l'atelier, qui le dit-on Nous avons soutenu
cela, ici même, plus d'une fois contre le Journal
d'Ypres qui alors disait de M. Carton pis que
pendre; mais maintenant que M. Carton est
mort, vive M. Carton Ce sera un jour, le plus
tard possible, nous espérons bien, la même ri
tournelle pour M. Vanheule. Ah! quel plaisir
d'être mort
Disons en deux mots l'histoire de l'atelier
d'apprentissage. Erigé en 1848 par Rogier, alors
ministre de F intérieur, en vue de relever les
Flandres de leur misère, il ne comprenait primi
tivement que des apprentis. On y enseignait le
tissage pour former des ouvriers habiles, c'est-
à-dire aptes gagner honnêtement leur vie. S'il
se faisait qu'un métier fût inoccupé, la commis
sion administrative permettait l'un ou l'autre
fabricant d'y installer provisoirement l'un de ses
ouvriers. Cela marcha ainsi une vingtaine d'an
nées mais peu peu, et malgré tous les efforts
de M. Carton pour empêcher le mal toujours
grandissant, les ouvriers faits firent la majorité
et les apprentis la minorité, si bien que l'atelier
ne fut plus qu'une petite fabrique dont les mé
tiers servirent gratuitement 1 usage des fabri
cants d'Ypres, en petit nombre, de Roulers, de
Courtrai, de Bruxelles, etc. Et la ville payait ses
subsides, et la ville donnait son bâtiment Il ne
faut pas être très malin pour deviner que tout ce
monde trouvait cela excellent. Ce qui ne coûte
rien est vite bon. Mais où était là, l'atelier d'ap
prentissage
Plus d'une fois les inspecteurs se sont élevés
contre cet abus, contre cette déviation de l'insti
tution. Mais rien n'y fit; l'atelier, comme atelier
d'apprentissage, était mort et rien ne put le res
susciter. Cependant on patienta, on ht de nou
veaux efforts, mais en vain. Il fallait en finir.
C'est alors qu'en séance du Conseil communal
du 12 Mai 1888, M. Vanheule, reprenant les con
sidérations qu'il avait déjà fait valoir en 1886 et
en 1887, fit part au Conseil communal de l'état
de choses
Cet établissement, dit-il, ne rend plus aucun
service. Il n'occupe plus aujourd'hui que trois
ouvriers, dont un vieillard, un apprenti et le
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