48e ANNÉE.
20 Décembre 1888.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Résumé politique.
Tout pour le clergé.
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L'émotion première produite par le vote de la
Chambre des députés de France propos de
l'affaire du Panama commence se calmer. On a
fait cette réflexion que le tribunal de commerce
pouvait accorder, par ordonnance ou jugement,
ce sursis que la Chambre a cru devoir refuser.
Et on explique ce refus de la Chambre par cette
considération qu'il était dangereux de créer un
précédent dont beaucoup de sociétés, moins in
téressantes, n'auraient pas manqué plus tard de
réclamer le bénéfice.
D'autre part, il paraît que le gouvernement
n'avait présenté aucun projet technique ayant
une valeur, ni donné aucune explication sur la
situation actuelle de la société, et s'était con
tenté de demander pour la Société de Panama
un sursis de trois mois dans le paiement des cou
pons.
Cette incertitude sur l'avenir de l'entreprise
et la crainte de créer un précédent dangereux
auraient donc, seules, décidé la majorité de la
Chambre repousser le projet du gouverne
ment.
Les partisans de l'entreprise, et ils restent très
nombreux, non seulement en France, mais
l'étranger, espèrent obtenir de l'initiative pri
vée ce que le pouvoir législatif n'a pu leur
accorder.
Ce qui sera peut-être difficile trouver, ce
sera le moyen d'empêcher un désastre. On nous
assure, contrairement ce que nous disions plus
haut, d'après les feuilles parisiennes, que le gou
vernement français avait un projet dont la
commission a refusé de prendre connaissance.
Il s'agissait de constituer un capital privilégié
devant être exclusivement consacré l'achève
ment de l'entreprise. Mais a-t-on des renseigne
ments bien précis, bien sincères, sur 1 état
d'avancement des travaux accompli et sur l'im
portance des travaux exécuter encore Nous
avons de bonnes raisons pour en douter. Quoi
qu'il en soit, les négociations se poursuivent, et
dans l'intérêt des milliers de détenteurs d'actions
du Panama, nous ne pouvons que faire des
vœux pour qu'elles aboutissent un résultat fa
vorable.
Des bruits significatifs continuent nous arri
ver au sujet au démembrement de la triple
alliance.
11 y a peu de temps, en Autriche, personne
n'entendait parler des intérêts autrichiens dans
la péninsule balkane. Aujord'hui, l'Autriche a
entrepris la tâche de germaniser les pays bal-
kans, c'est-à-dire de servir les intérêts de l'Alle
magne, et non ses propres intérêts.
Cette tendance a été vivement critiquée l'au
tre jour au Reichsrath par le député Vojati, dont
tous les journaux tchèques reproduisent le dis
cours avec des commentaires énergiquement
approbatifs.
Le journal JVoir et Jaune, de Vienne, considère
l'année 1853 comme la plus heureuse des qua
rante années du règne de François-Joseph ce
fut l'année où la Prusse fut contrainte, Olmutz,
de demander pardon l'Autriche et d'accepter
avec résignation les conditions dictées par le
prince Scnwarzenberg.
Le journal émet l'espoir que le jour n'est pas
éloigné où un autre Schwarzenberg abaissera la
Prusse. Il conclut en ces termes
Nous repoussons la situation qui a été faite
l'Autriche après les événements de 1866 et
1870. Nous protestons contre la violence avec la
quelle on nous impose le rôle de Carthage vain
cue en nous forçant abandonner notre rôle
historique dans le centre de l'Europe pour cher
cher dans l'Orient un nouveau port et en nous
mettant en lutte avec la Russie.
Ypres, le 19 Décembre 1888.
11 faut que jeunesse se passe, dit le vieux
proverbe, et nul nïgnore qu'à l'Université,
jeunesse se passe bruyamment. On a eu de
tout temps, et avec raison selon nous, des tré
sors d'indulgence pour les étudiants, ils rachè
tent généralement leurs frasques par beaucoup
d'élan et de générosité; ils ont de l'esprit, de la
fantaisie, de l'imprévu jusque dans leurs mani
festations les plus déraisonnables et les plus
turbulentes et puis ils ne font en définitive
que ce que Ion a fait avant eux, que ce que
Ion fera tant que le monde sera monde. Ils sont
jeunes, quoi! Et c'est une maladie dont on
guérit toujours trop tôt et dont on ne se con
sole guère d'être guéri.
Aussi ne prendrons-nous point la mouche
outre mesure pour les faits qui viennent de se
passer Louvain, encore que les prouesses ac
complies par les nourrissons de Y Aima mater
aient dépassé de beaucoup les bornes permises
et aient revêtu un caractère de brutalité que
l'on n'aime pas rencontrer dans les exploits
de la jeunesse universitaire. Casser les vitres,
>asse encore. Quel est le magistrat assis ou de-
îout qui n'ait pour le moins un bris de rever-
)ère sur la conscience et qui n'ait joué, dans sa
prime jeunesse, quelque mauvais tour la po
lice Mais assaillir les agents coups de canne
plombée, en les qualifiant d'assassins, ce qui
est un comble se masser devant un théâtre
pour molester et injurier le bourgeois; déraci
ner les arbres des promenades publiques, en
foncer les portes des habitations, c'est un peu
fort et ce ne sont plus là jeux d'étudiants.
Quoi qu'il en soit, nous ne croyons pas, répé
tons-le, qu'il faille prendre des airs tragiques
pour narrer a les troubles de Louvain. Mais
nous ferons remarquer combien, en ceci comme
en toute chose, la sainte presse a deux poids et
deux mesures. Supposez pour un instant, en
effet, que ces scènes tapageuses et violentes se
soient passées partout ailleurs, quel potin dans
le monde pieux 1 Quels cris de paon retenti
raient dans les colonnes des journanx du Sei
gneur
Un étudiant de Liège,de Gand ou de Bruxel
les ne peut entonner dans la rue: Nous sommes
la jeunesse, l'espoir de la cité, ou faire quel
que tapage dans un Alcazar quelconque, sans
qu'immédiatement toutes les feuilles cléricales
poussent des cris d'horreur et d'indignation et
mettent les pères de famille en garde contre
les prétendus dangers que présentent pour la
jeunesse l'Université libre de la capitale et les
Universités de l'Etat. Mais qu'on fasse dix fois
pis Louvain; que l'on y guindaille pendant
des journées entières et que, le soir venu, on se
livre de véritables actes de sauvagerie, ce
sont là péchés mignons sur lesquels les austères
censeurs du journalisme bien pensant passent
l'éponge avec la plus aimable désinvolture. A
l'heure qu'il est, beaucoup de feuilles pieuses
n'ont pas encore soufflé mot des jolies scènes de
Vendredi dernier, et si elles se décident en
parler, ce sera, soyez-en sûrs, pour protester
eontre les infâmes calomnies débitées par une
presse impië sur les petits agneaux que la hou
lette de Y Aima mater conduit dans le sentier de
la vertu.
La manne ne cesse point de tomber sur les
oints du Seigneur. Il ne paraît
plus un numéro
du Moniteur qui ne soit encombré par de lon
gues énumérations de faveurs, argesses, privi
lèges de toutes sortes accordés au clergé.
Rapporter tous les actes officiels qui montrent
chaque jour combien les tonsurés sont l'objet
unique des préoccupations de l'Etat devient
presqu impossible il faudrait pour cela sacri
fier toute autre polémique et consacrer toute la
place dont nous disposons des extraits du
journal officiel.
Force nous est donc de passer sous silence la
plupart des faveurs dont le ministère humble
dispensateur des grâces de l'épiscopat gra
tifie jet continu les enfroqués de toutes robes
et de tout poil.
Mais de temps en temps nos gouvernants s'y
distinguent par un coup d'éclat et alors nous
devons rompre le silence que nous nous pro
mettions
Il y a quelques mois peine (le 21 Juillet
dernier) nous signalions dans un seul et même
arrêté royal une distribution d'écus qui, sous
forme de subsides pour les églises et les pres
bytères, faisait entrer dans la poche du clergé
près de deux cent mille francs d'écus comptants!
l\° 102. Jeudi,
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