48e ANNÉE
23 Décembre 1888.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
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Ypres, le 22 Décembre 1888.
Tout change, tout se transforme dans la vie.
Jadis nous avions pour adversaire un parti
dit conservateur. Nous avons aujourd'hui en
plus combattre les dévoyés de toutes les opi
nions, qui ne doivent leur force qu'à l'appui du
cléricalisme.
Ajoutez cela les libéraux rénégats, conver
tis en faux catholiques, qui viennent renforcer
l'influence religieuse et on comprendra que
plus rien ne peut se faire sans l'approbation
tacite de nos évèques. Ce sont ceux-ci qui
régnent et gouvernent par personnes interpo
sées.
Pour arriver cette force politique, l'honnê
teté des moyens est devenue l'accessoire. On ne
vise plus que le but. Ce que nos pères eussent
répudié, la société actuelle, façonnée par un
enseignement appelé éteindre tout amour
national, en admet la pratique comme chose
des plus naturelles et des plus régulières.
Nous ne devons pas chercher loin pour en
trouver des exemples ainsi nos ministres, au
lieu de les choisir dans les rangs de ce grand
parti, appelé jadis comme nous venons de le
aire conservateur, dans les rangs de la repré
sentation nationale, on les recrute au dehors
des Chambres, parmi les ambitieux du parti
libéral. Ces hommes, si peu scrupuleux, sont
bombardés ministres ou bien représentants
d'un arrondissement qu'ils ne connaissent que
par les notions de la géographie et que, peut-
être avant leur nomination, ils n'avaient jamais
vu. Nous en savons qui ne connaissent même
pas la langue de leurs commettants.
Si après cela nous descendons jusqu'au der
nier degré, c'est-à-dire jusqu'aux bureaux de
bienfaisance, nous constatons toujours que les
élus sont les désignés du prêtre politique. Les
titres, les capacités pour occuper les fonctions
publiques sont le cadet des soucis des diri
geants de la politique du jour. Il ne faut qu'une
seule qualité: la soumission aveugle et passive.
Ce système, qui indique l'abâtardissement
dans lequel nous sommes tombés, finira par
compromettre notre existence nationale, si nous
ne pouvons mettre fin cette action corrup
trice. Cette action dissolvante a atteint ce de
gré d'acuité, que ceux qui ont abdiqué les
choses terrestres pour se consacrer exclusive
ment aux choses celestes, sont parvenus se
rendre complètement maîtres des premières
par le moyen des secondes.
Notre neutralité nous impose des charges
telles que le premier devoir de tout citoyen
belge est de remplacer l'armée des prolétaires
par une armée recrutée dans tous les rangs des
classes sociales. Eh bien, parce que ce recrute
ment pourrait nuire celui du prêtre, nos mi
nistres reçoivent les ordres de nos seigneurs
d'avoir abondonner cette question nationale
et ils les exécutent en plats valets.
Notre neutralité commande le respect, l'ami
tié pour toutes les nations. Nos maîtres foulent
ce devoir aux pieds et érigent des manifesta
tions pour protester contre l'indépendance ita
lienne, pour proclamer bien haut les droits
terrestres du Pape-Roi, au risque de nous
brouiller avec une grande puissance amie et
de compromettre notre existence comme peuple,
puisque nous-mêmes nous sommes les premiers
violer notre neutralité..
On a beau le nier, cela est visible pour un
chacun, nous avons aujourd'hui ce gouverne
ment occulte, qui dirige un autre qui n'existe
que de nom. Ceci est d'ailleurs très naturel.
Nos ministres, nos représentants étant les élus
des évêques, qu'y a-t-il de plus logique, que
ces derniers soient les maîtres en tout.
On voit de plus en plus que l'appétit vient en
mangeant. Pour achever la destruction de l'en-
seignemeut primaire officiel, M. Woesle vient
la rescousse et demande, non plus 50,000 fr.
mais cette fois dix fois autant, 500,000 fr. pour
être distribués aux écoles adoptables.
L'une mesure violente provoque l'autre. 11
n'est présentement question que de faire dispa
raître d'emblee tous les électeurs capacilaires
de droit. Les coups de parti ne se compteront
bientôt plus.
Ces excès nous conduisent notre ruine tout
en provoquant la risée des peuples qui jouis
sent de l'independance civile. L'opinion libé
rale a le devoir sacré de les combattre partout
et toujours. Par l'union il faut qu'elle soit con
stamment sur la brèche. Ces abus doivent dis
paraître. X.
La loi Coremans suit son chemin travers
les brouillards d'une/liscussion où Flamands et
Wallons et Flamands entr'eux rivalisent d'in
géniosité pour embrouiller plaisir ce qui était
clair et sans inconvénients sérieux. Quand nous
disons qu'elle suit son chemin, c'est par eu
phémisme, car personne ne saurait dire où
elle va. Le lendemain renverse le travail de la
veille et M. Coremans lui-même a déjà donné
lieu de singulières surprises.
M. Colaertse ligue avec M. Fris pour atté
nuer ses premières libertés M. Beernaert
passe M. Lejeunele balancier qui doit main
tenir celui-ci sur la corde raide M. Woeste
donne le coup de pouce pour empêcher les chû
tes et les Wallons dans tout ceci se disent mé
connus, rebutés, sacrifiés et en vérité on ne
saurait prétendre qu'ils ont la part du lion. Ah 1
la moedertaal quelle belle chose Elle qui a été
une des causes de la révolution belge que
fera-t-elle encore Pour le coup, elle peut se
flatter de diviser le pays en deux camps irré
conciliables mais cela ne compte pas pour
M. Coremans et C1"; elle pourra aussi se flatter
de jeter une perturbation profonde dans les tri
bunaux, et sera-ce une amélioration Plus
d'un bon esprit en doute.
Tout le mondesera-t-il satisfait?
Pour les Wallons, c'est connu. Nous ne vou
drions pour rien contribuer envenimer les
choses, mais personne ne saurait soutenir que
la loi soit faite pour eux.
Au moins les flamingants sont-ils repus
Ils devraient l'être, s'ils pouvaient l'être. Mais
demandez MM. les fanatiques de la moeder
taalce qu'ils en pensent? Ce ne sont pas seu
lement les purissimes d'Anvers qui ne voient
leur salut que dans la destitution de M. Lejeune
et de tous ces faux protecteurs de la langue de
Vondel, les défenseurs impitoyables de cette
machine de guerre se retrouvent partout et
partout ils sont également inexorables. Nous
en avons ici comme ailleurs et ils ne transigent
pas plus ici qu'ailleurs.
Nos représentants en savent quelque chose
eux qui (retour de Bruxelles) croyaient recevoir
un petit compliment de leurs amis les Yprois.
Des amis, pas si vite en besogne. On n'est pas
ami si bon marché. On n'est pas flamingant
demi, on l'est ou on ne l'est pas et on ne l'est
que quand le flamingantisme pénètre jusque
dans la dernière cellule de la moëlle des os.
Est-ce le cas de MM. Struye et Colaerl M.
Colaert a rompu une lance, une toute petite,
en faveur des amisc'est comme s'il avait
chanté du Wagner I On n'en est pas quitte
si bon marché. MM. Colaert et Struye ne
connaissent pas encore leurs amis les flamin
gants. Un flamingant cela ne partage pas,
c'est tout ou rien, et quand ce flamingant est
doublé d'un clérical, oh! alors, vite, allez-
vous-en, fuyez, cachez-vous, car il ne fera
plus de vous qu'une bouchée. Aussi quel
tintamarre ont-ils fait ces amours de flamin-
Îçants catholiques Nous ne répéterons pas
es échos de certains cercles où MM. les Repré
sentants ont été arrangés pis qu'à la daube.
Ennemi de toute exagération, par conséquent
ne partageant pas les exagérations des flamin
gants, quel que soit notre respect pour une
langue qu'on sert mal en la gonflant outre
mesure, nous ne pouvons cependant pas nous
empêcher de nous représenter ce qu'a de co
casse ce spectacle d un clérical démolissant un
clérical. C'est cela qui est drôle et il faut abso
lument pour en arriver là que les cléricaux, qui
prêchent la mansuétude et l'amour du prochain,
ne soient pas encore tout-à-fait ce que, dans
notre naïveté, nous les supposons.
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