distingué d'ailleurs et qui occupe une chaire dans notre université. Voyons donc ce que la Révolution avait pro mis le temps ne nous permet pas de faire de longues énumérations je craindrais de lasser votre patience, mais enfin il faut bien en dire quelque chose. La Révolution avait promis 1 égalité devant la loi elle avait assuré tous les citoyens, quelles que fussent leurs croyances, un même état-civil elle avait assuré la légiti mation et la légitimité des enfants qui seraient issus de mariages entre dissidents et elle avait pour cela institué l'état-civil elle avait enlevé au clergé la constatation des mariages afin d'as surer la liberté de conscience elle avait promis l'abolition des servitudes qui existaient encore, l'abolition de la mainmorte, sous quelque nom qu'elle parût, l'abolition de tous les privilèges et des immunités ecclésiastiques, l'abolition des privilèges du clergé en matière d'impôt, l'éga lité de tous devant la loi et devant l'impôt, l'égale admissibilité toutes les fonctions civiles et militaires elle avait promis d'abolir les dîmes, les corvées, de supprimer les dîmes sei gneuriales, les jurandes et les maîtrises qui opprimaient les citoyens et qui empêchaient les hommes d'exercer librement l'industrie ou le commerce ce qui leur plaisaient. Iudépendamment de ces abus, elle avait pro mis l'abolition des majorats, fidéicommis, des droits d'aînesse et d'une foule d'autres privilè ges qu'il serait beaucoup trop long d'énumérer. Est-ce que, par hasard, tous ces abus existe raient encore et, s'ils ont été supprimés, où est donc la banqueroute (Rires et applaudisse ments). Il était réservé un de nos ministres actuels, parlant avec un suprême dédain de la Révolu tion de 1789, de s'écrier naguère, en pleine Chambre, la face du pays La liberté du travail, l'interdiction de s'associer, voilà tout 1789 (Hilarité). Si une banqueroute a existé, ne serait-ce pas plutôt celle de l'Eglise Durant de longs siècles, elle a été investie de la direction suprême de la société, elle a été maîtresse absolue de l'ensei- f;nement tous les degrés elle a eu la liberté a plus entière de développer ses établissements religieux, ses corporations, ses couvents. Qu'a- t-elle fait de la société et quelle est la société qu'elle a livrée en 1789 Il a fallu faire alors un effort suprême pour secouer son joug, pour abattre une domination qui prouvait son impuis sance dans le gouvernement des peuples. A Dieu ne plaise que je confonde la religion avec les actes des hommes qui paient et agis sent en son nom nul plus que moi n'est respec tueux des sentiments religieux et ne rend un {>lus complet hommage aux bienfaits qu'inspire a religion. Je ne traite pas la religion en enne mie elle occupera toujours la plus grande place dans la vie des peuples mais la religion est aux mains des hommes ceux-ci abusent de l'influence qu'ils ont sur les esprits ils exploi tent la religion dans un intérêt de domination, dans un intérêt politique, dans un intérêt mon dain. C'est sur ce terrain et non pas sur celui de la religion que s'établit la lutte ce serait un abominable anachronisme de notre temps que d'ériger un parti politique en sectaire et de le déterminer renouveler en quelque sorte l'in quisition (Applaudissements prolongés). Mais voyons, Messieurs, où nous en sommes aujourd'hui. L'Eglise a obtenu, en 1830, toutes les libertés elle a conservé sa dotation et elle a ainsi, en Belgique, une position unique dans le monde. A mesure que les populations étonnées ont vu, partir de 1830, se développer les couvents d'hommes et de femmes de tous les ordres, mesure qu'elles ont vu le clergé acquérir des richesses déjà immenses pour pourvoir cette multitude d établissements, on nous a dit, pour répondre cet étonnement C'est pour le plus grand bien de la société nous travaillons son ien-être et son salut Voilà tantôt un demi- siècle que l'œuvre a été entreprise, et quel en est le résultat On dénonce partout les misères sociales, on dit même qu'elles grandissent, on fait appel au bras séculier pour les conjurer. N'est-ce pas là la banqueroute Si par ses instruments, si par tous ses établis sements, l'Eglise avait la puissance de transfor mer la société, pourquoi n'en a-t-elle pas usé (Très bien Très bien Je ne vois qu'un résultat, Messieurs, et il est clair, certain, incontesté c'est que la liberté accordée au clergé sert surtout maudire la liberté accordée ceux qui discutent les actes du clergé. (Rires et applaudissements.) Tout l'enseignement clérical sert propager aujourd'hui les attaques constantes et les plus vives contre tous les principes sur lesquels repo sent nos institutions. Gardez-vous d'accuser le parti catholique d'en vouloir nos institutions Il protestera incontinent avec la plus vive indignation il dira qu'on le calomnie Il a son usage, au sujet des libertés publiques, une maxime salu taire il faut, dit-il, les subir et les détester, et force de les détester et d'en montrer l'horreur aux populations, il aura mis en pratique le meil leur moyen de les renverser. (Hilarité). Eh bien, Messieurs, c'est là le but poursuivi et qui se cache sous cette diatribe dirigée contre la Révolution de 1789 La liberté de conscience est particulièrement maudite et proscrite. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir l'as saut qui est livré aux institutions et aux libertés modernes, et nous avons la douleur de constater aujourd'hui que le meilleur titre, celui qui do mine tous les autres pour occuper une chaire dans l'enseignement public, sous le ministère qui nous gouverne, c'est de défendre, d'exalter, de professer les principes que je viens de signa ler. (Longs applaudissements). Si la nation ne se réveille pas, on ne sait où s'arrêtera la réaction. C'est de toute part une exaltation très vive de l'ancien régime qu'on cherche remettre en honneur en l'opposant au régime issu delà Révolution de 1789. On est l'œuvre pour atteindre le but qu'on poursuit. On a proclamé l'incompétence de 1 Etat pour enseigner aux églises seules ce droit ap partient tout est fait aujourd'hui en vertu ae ce principe pour livrer partout où il est possible de le faire 1 enseignement au clergé ou aux laï ques qui relèvent de lui, et qui acceptent de donner l'enseignement sous sa direction. Ce fut la mission du ministère qui nous gou verne depuis 1884, et il nous a fait voir, par ses actes, depuis la première heure de son installa tion, qu'il est décidé l'accomplir perfas et nef as. L'obstacle ce dessein paraît se rencontrer dans notre système électoral pour la province et la commune. Il faut faire le siège des grands centres de population il y a là de mauvaises résistances qu'il faut chercher abattre, et c'est quoi Ton vise. Notre système électoral tout entier, et tous ses degrés, repose sur une présomption de capacité le cens n'a pas d'autre signification ou bien il est souverainement ab surde. (Longues acclamations). Nous avons eu l'honneur (et vous me per mettrez d'en revendiquer une part) d'introduire dans notre législation, côté de la présomption de capacité, résultant du cens, une autre pré somption de capacité, celle-là plus sûre, moins incertaine que celle qui résulte du cens, qui va en diminuant mesure que le cens diminue. (Vive approbation). Nous avons, par le régime nouveau que nous avons introduit, placé côté du droit existant, sans exclure la présomption résultant du cens qu'il serait également absurde de faire dispa raître de notre législation, nous avons placé une autre présomption qui est supérieure dans la plupart des cas l'autre. (Très bien!) Cette innovation a eu pour résultat d'intro duire dans le corps électoral plus de cent mille électeurs nouveaux c'est la mesure la plus juste et la plus efficace qui ait été accomplie depuis 1830. (Applaudissements.) Je l'ai dit en diverses circonstances solen nelles, et il est bien inutile de le répéter encore aujourd'hui. Evidemment, un système de ce genre, s'il réunissait sur le terrain provincial et communal, s'imposerait dans un temps donné sur le terrain législatif. (Acclamations prolon gées et enthousiastes). Ce langage, je l'ai fait entendre il y a sept ans, avant meme de proposer la loi de 1883. Il paraît que cette législation, dont nul parmi vous n'a, j'imagine, constaté le moindre péril, renferme un abominable privilège, et c'est au nom de l'abolition des privilèges qu'on vient aujourd'hui demander la suppression des capa- citaires de droit. (Hilarité.) Mais, si cette présomption de capacité est un privilège, celle qui résulte du cens est un autre privilège, et elle est certainement plus dange reuse que la première. (Vive approbation); S'il faut abolir le privilège dont on parle, il faut abolir également le privilège du cens. (A la bonne heure, très bien très bien On a trouvé un moyen très simple de le faire disparaîtreje fais allusion l'argument iro nique qu'on oppose aux capacitaires qu'on veut supprimer on leur dit Vous allez passer un examen. Eh bien, les censitaires pourraient aussi passer un examen Rires et applaudisse ments). L'absurdité de cette objection saute aux yeux. Il est évident que dans le système de la loi, et il ne pouvait en être autrement, l'examen, qui était subordonné l'obligation d'avoir suivi pendant six ans les cours d'une école primaire, ne pouvait être subi qu'à l'âge de 18 ans, afin de constater que les récipiendaires n'avaient pas oublié les matières qui leur avaient été ensei gnées. Mais cet examen ne peut, en thèse générale, s'appliquer qu'à la jeunesse sortant des écoles primaires il serait absurde et impraticable (personne n'oserait le demander) de vouloir faire subir un examen des personnes qui occupent un certain rang dans la société et qui remplis sent certaines fonctions, grâce leur intelli gence, leur talent et aux connaissances dont ils ont donné la preuve. (Longs applaudissements). On comprend que le ministère ait longtemps hésité avant de soumettre la signature royale une énormité pareille; on veut, en effet, chasser du corps électoral une multitude de citoyens qui n'y étaient pas entrés par la fraude, ni par artifices, ni prix d'argent, comme cela pouvait se faire autrefois, mais qui y étaient arrivés par la capacité dont ils avaient fourni la preuve, par la situation qu'ils occupaient, par les services qu'ils avaient rendus au pays et qui avaient montré qu'ils étaient aptes exercer le droit électoral. Il a fallu attendre quatre ans avant de sou mettre la signature du Roi un projet de loi qui écarte du corps électoral, dit-on 50,000 ou 60,000 personnes Ces électeurs dont la capacité est si bien dé montrée isont en très grand nombre des servi teurs de l'Etat; ce sont des sous-officiers de l'ar mée qui trouvaient dans l'acquisition du droit électoral la récompense si juste et si légitime de la façon honorable dont ils avaient rempli leurs modestes fonctions. (Applaudissements.) Oui, je le répète, on conçoit que le ministère ait longtemps hésité avant de recourir cette violation flagrante du bon sens et de la justice, Ïiour assouvir, au risque des résistances les plus égitimes, les rêves d'un parti violent qui veut asseoir sa domination dans le pays (Acclama tions.) Mais ces scrupules ont été vaincus l'ordre d'agir lui est venu d'Anvers une sommation outrageantequi aurait fait reculer d'autres hommes, lui a été adressée nos ministres ont eu hâté de se soumettre et d'excuter l'attentat qui était réclamé d'eux (Vifs applaudissements.) Messieurs, lorsque en 1789 les Liégeois se sou- levèrent pour obtenir les réformes les plus légi times, les plus nécessaires, si légitimes qu'elles trouvèrent des adhérents dans toutes les classes de la société, dans le clergé, dans la noblesse autant que dans le peuple, ce moment-là, les députés des bonnes villes du pays comme on les nommait vinrent les appuyer et, dans une séance solennelle, elles renouvelèrent les traités d'alliance. Voici comment cet événement mémorable est relaté Nous jurons, dirent-ils, au nom du Tout- w Puissant, que nous invoquons, et de la Patrie, pour qui nous sommes prêts verser j usqu'à la dernière goutte de notre sangde nous aider, soutenir, défendre les uns les autres en tout et partout de demeurer, suivant la belle expression de nos anciennes alliances sans cesse les uns auprès des autres d'élever et d'affermir sur une base jamais inébranlable

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Le Progrès (1841-1914) | 1889 | | pagina 3